(1774-1809-1852)
maréchal de l'Empire
duc de Raguse
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Peu de noms de la période de l'Empire sont autant frappés d'opprobre que celui de Marmont (pour ceux qui s'en souviennent). Raguser, ragusade* sont des mots devenus désuets, mais qui ont eu longtemps un terrible sens. Comme le disait Napoléon à Ste-Hélène : "Tout le monde regarde Marmont comme un traître, mais il y a des gens plus coupables que lui [...] Marmont sera un objet d'horreur pour la postérité. Tant que la France existera, on ne pourra entendre le nom de Marmont sans frissonner d'horreur. Il le sent; et c'est sans doute maintenant l'homme le plus misérable qui soit au monde. Il ne saurait se pardonner à lui-même et il terminera sa vie comme Judas."
En effet, Marmont passera le reste de sa vie à essayer de justifier sa trahison de 1814, d'autant plus inexcusable qu'il était un ami intime de longue date de Napoléon.
I. - L'HOMME ET SON CARACTÈRE1
Ce n'est pas sans quelque crainte qu'on se hasarde à juger Marmont avec la sévère et froide vérité de l'histoire.
Il y a en effet dans cette longue vie un si bizarre mélange de bravoure et de lâcheté, de si nombreuses antithèses d'abnégation et de bas intérêt, des oppositions si marquées entre les grandes actions et les plus insignes vilenies, qu'on hésite à prendre parti et à tirer une moyenne qui donne au mal le pas sur le bien ou, au contraire, mette le bien au-dessus du mal.
Le mieux et le plus sûr, dans cette délicate occurrence, est de ne pas conclure. Il suffit d'exposer à son tour chaque aspect de cette existence qui en offre de si divers, et de tirer des uns et des autres l'enseignement et la moralité qu'ils comportent.
Marmont était brave, de cette belle et ardente bravoure de son époque, dont les échos de l'histoire rouleront longtemps les éclats. Il a commandé avec honneur, gouverné avec justice ; il s'est battu aussi bien que tout autre ; il a mérité ses grades ; mieux encore, il les a illustrés, et il a laissé son nom attaché à plusieurs de nos plus fameuses "victoires. Il a conquis et conservé longtemps l'amitié du plus grand homme des temps modernes, sinon de tous les temps; mais au moment où il semblait prêt à entrer dans l'immortalité avec la seule auréole de ses exploits, il s'est inutilement couvert d'opprobre par la plus abjecte et la plus dégradante trahison. Car sa trahison ne fut pas seulement une défection sentimentale, une lassitude dans le dévouement, qui, à défaut de justification, peut toujours prétendre à une excuse ; elle ne s'est pas con- tentée d'une volte-face politique ou d'une palinodie dont la honte s'atténue par la complicité d'inéluctables circonstances. Non, la trahison de Marmont reste patente, cynique et caractérisée. Il a livré ses troupes, livré son maître, son ami, son bienfaiteur, avec une lâcheté préméditée et à la suite de savants calculs. Il s'est fait payer pour trahir, ce qui ajoute à l'ignominie d'une telle action, et, de son vivant même, il demeura, pour ceux qui n'en avaient pas effectivement bénéficié, un objet de dégoût et de mépris.
On ne peut invoquer en sa faveur, si tant est qu'une telle tache puisse être lavée, que ses défauts et ses imperfections. Il était jaloux, vaniteux, avide, tourmenté par l'ambition de la fortune et des honneurs visibles. Il préférait les récompenses solides et monnayées à celles qui n'apportent que de la gloire.
Ainsi un colonel lui ayant dit, lorsqu'il reçut un sabre
d'honneur pour sa conduite à la bataille de Lodi :
« Je donnerais volontiers mes épaulettes pour votre sabre. »
Il répliqua aussitôt :
« Si l'échange était possible, l'un de nous deux y perdrait, mais j'accepterais
au plus vite. »
Dans les Mémoires publiés après sa mort et où non seulement
il tente de se justifier, mais encore où il se décerne à lui-même les plus
emphatiques éloges, toutes les grandes renommées de son époque sont traitées
avec la plus envieuse malveillance. On y sent le besoin de monter moins en se
grandissant qu'en rapetissant les autres, et la calomnie, prouvée par des procès
qui ont suivi la publication, s'y étale avec tant de complaisance qu'on a pu
dire de l'œuvre et de l'auteur :
« Le maréchal Marmont s'est embusqué derrière sa tombe pour tirer sur des gens
qui ne peuvent riposter. »
Le maréchal Marmont mesurait 1,78 m.
II. - SON ORIGINE ET SA JEUNESSE
Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, le plus jeune de maréchaux de l'Empire, est né le 20 juillet 1774, à Châtillon-sur Seine. Son père était un petit gentilhomme de province qui avait autrefois servi, puis s'était retiré dans ses terres pour chasser plus à l'aise.
Voici son acte de naissance (A.D. 21) : (merci à D. Contant)
L'an mil sept cent soixante quatorze le vingt juillet je soussigné
chanoine régulier prieur Curé de Châtillon sur Seine vue
la position accordée par Monsieur Baudac de .....
grand vicaire du Diocèse de Langres en date du quatorze
juillet de la présente année ai ondoyé en la maison de Messire
Nicolas Edmé Viesse de Marmont ancien Capitaine au
Régiment d'Haynault, Chevalier de l'Ordre Royal et
Militaire de Saint Louis, Lieutenant du Roi en la ville de
Châtillon sur Seine Seigneur de Ste Colombe, un fils né aujourd'huy
du légitime mariage de Messire Viesse, et Dame Clotilde
Hélène Victoire Chappron son épouse, en présence dudit Messire
de Marmont, et autres témoins requis à sous-signer (avec moi ?)
Viesse de Marmont Charles Viton .... curé
Baille (?)
M. de Marmont s'occupa beaucoup de l'éducation de son fils et le prépara, dès son plus jeune âge, à suivre un jour cette carrière des armes, où il n'avait fait lui-même que passer. Toutefois, lorsqu'il fut question de départ, le père éprouva le plus grand chagrin ; il ne fallut pas moins que les instances de toute la famille pour obtenir son consentement.
Entré dans l'infanterie en 1789, à quinze ans, le jeune Marmont vint à Dijon achever ses études au collège avec son uniforme de sous-lieutenant de milice, et il fit dans cette ville la connaissance du lieutenant Bonaparte, alors en garnison à Auxonne. De là il alla à Metz suivre des cours spéciaux, puis à Châlons, où l'illustre Laplace lui fit passer l'examen d'entrée dans l'artillerie. Il fut reçu et nommé sous-lieutenant élève d'artillerie en 1792.
Après diverses garnisons et quelques aventures sentimentales, Marmont alla faire ses premières armes au siège de Toulon. Il y retrouva Bonaparte, avec lequel il se lia d'une façon définitive d'une amitié très étroite.
Bonaparte devenu général, Marmont s'improvisa son aide de camp et partagea sa courte disgrâce ; puis, envoyé à l'armée du Rhin, il alla servir sous Desaix, dont il commanda l'artillerie.
Peu après, — détail peu connu, — Bonaparte ayant accepté départir pour Constantinople afin d'organiser l'artillerie du sultan, Marmont fut désigné pour l'accompagner. Le 13 vendémiaire mit à néant ce projet de voyage et commença sérieusement la fortune des deux amis.
Le château de la famille Marmont, où Bonaparte fut reçu les 12 et 13 mars 1796, alors qu'il se rendait à Nice prendre le commandement de l'armée d'Italie. Ce château joua un autre rôle dans l'histoire, car c'est ici que le maréchal Joffre séjourna du 6 au 25 septembre 1914 et qu'il rédigea le célèbre ordre du jour du 6 septembre. C'est cet événement que rappellent les deux plaques commémoratives de part et d'autre de la grille.
Lorsque Bonaparte, en 1796, fut appelé au commandement de l'armée d'Italie, Marmont lui fut attaché en qualité de premier aide de camp et de chef de bataillon. La bravoure de celui-ci à la bataille de Lodi lui valut un sabre d'honneur.
10 mai 1796 (21 floréal an IV) : bataille du pont de Lodi
A Castiglione, à la tête de l'artillerie à cheval, il fit beaucoup pour le succès ; puis, à la tête de deux bataillons, il enleva le pont de Saint-Georges et obligea à se rendre quatre cents Autrichiens.
5 août 1796 : bataille de Castiglione
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La bataille de Castiglione, par Victor Adam. 5 août 1796, 10h00. Bonaparte donne
ses ordres à partir du mont Medolano. Marmont y amène l'artillerie, tandis que
la division Augereau a commencé l'attaque centrale dans la plaine.
Panorama du champ de bataille de Castiglione près du monte Medolano.
Bonaparte, pour le signaler plus particulièrement au Directoire, envoya Marmont porter à Paris les vingt-deux drapeaux pris dans cette campagne. Il fut, à cette occasion, nommé colonel, et revint en Italie assez à temps pour prendre part à la longue bataille d'Arcole.
Il était très apprécié pour son courage et son habileté. Aussi lui donnait-on à remplir les tâches les plus différentes et les plus difficiles : négociations ou batailles, il se tirait de tout à son honneur, et à chaque occasion, il voyait grandir l'estime et l'amitié que lui portait le jeune général en chef.
Il figura à la bataille de la Favorite, à la prise de Mantoue, puis dans la campagne contre les États romains. Il entra dans Ancône et à Loreto, où il eut à prendre possession d'un trésor estimé à un million de francs.
A propos de cette affaire de Loreto, dit le prince Eugène au cours de ses Mémoires, Marmont renouvelle (dans ses Mémoires posthumes) ce qu'il a dit à propos de Pavie ; c'est que Bonaparte, en l'envoyant prendre le trésor, avait eu l'intention de l'enrichir. Ainsi, à l'en croire, deux fois il refusa de faire sa fortune. C'est sans doute pour compenser cet excès de probité dont son général lui faisait des reproches, qu'en 1805 il se fit donner trois cent vingt-cinq mille francs sur la vente du mercure des mines d'Idria. Seulement, il faut bien croire que les idées de Napoléon s'étaient modifiées en sens inverse de celles de Marmont, car l'empereur lui fit brutalement rendre cette somme.
Après le traité de Tolentino, ce fut Marmont qui alla féliciter le pape, et ce voyage lui valut une fluxion de poitrine dont il faillit mourir.
Il put se rendre à Venise cependant, où Baraguay d'Hilliers venait d'entrer, puis à Milan et enfin à Rastadt et à Paris.
A cette époque, il épousa la fille du riche banquier Perregaux, avec laquelle il vécut en assez mauvaise intelligence et eut un procès en séparation de biens, qui fit grand bruit sous la Restauration.
Bonaparte l'emmena en Égypte. Au passage, Marmont s'empara de Malte et y gagna le grade de général de brigade. Il prit part au siège d'Alexandrie, et le général en chef le signala comme un de ceux qui avaient le plus contribué à la victoire des Pyramides.
Il ne fut pas de l'expédition de Syrie ; mais investi,
pendant qu'elle se poursuivait, du commandement d'Alexandrie, il laissa les
Anglais aborder et enlever le fort d'Aboukir. Comme Bonaparte, peu après, lui en
faisait de vifs reproches, Marmont lui dit :
« Que pouvais-je avec douze cents hommes contre dix-huit mille? »
« Avec vos douze cents hommes, » riposta Bonaparte, « je serais allé à Constantinople ! »
Ils n'en revinrent pas moins ensemble à Paris, et Marmont, tout dévoué à son chef, approuva et seconda de son mieux le coup d'État du 18 brumaire. Grâce à cette attitude, il obtint une place de conseiller d'État et le commandement en chef de l'artillerie de réserve, chargée de reconquérir l'Italie.
Au passage du Saint-Bernard, Marmont fit beaucoup pour le salut de l'armée. L'artillerie et les voitures démontées avaient été menées au sommet de la montagne pièce par pièce. Là, on avait tout remis en état et l'on redescendait les pentes vers la vallée d'Aoste. Mais on fut arrêté tout à coup par le fort de Bard, qui, perché sur un roc isolé et pourvu d'une artillerie formidable, barrait absolument le chemin. Le prendre était impossible ou du moins eût occasionné un retard très préjudiciable au succès de l'expédition. L'infanterie trouva bien un sentier à l'abri de la canonnade, mais le seul chemin accessible aux convois était directement enfilé par les feux du fort. La ruse seule pouvait tirer l'armée de ce mauvais pas. Pendant une nuit obscure, Marmont fit envelopper de paille les roues des pièces et des caissons, et le défilé commença avec le moins de bruit possible, au pied même du terrible rocher. Mais, quelques précautions que l'on eût prises, l'opération fut découverte et la mitraille accabla le malheureux convoi. L'obscurité et la rapidité de la marche sauvèrent l'armée d'une catastrophe, et presque tous les coups du fort, mal dirigés, lancés au hasard, demeurèrent sans grand effet. En tout cas, l'artillerie avait passé, et c'était l'essentiel.
Marmont, qui la commandait encore à Marengo, y gagna les épaulettes de général de division. Il. prit part au reste de la campagne, se signala brillamment sur le Mincio et sur l'Adige, et négocia personnellement l'armistice de Castel-Franco.
Une fois rentré en France, après la paix de Lunéville, il fut nommé inspecteur général de l'artillerie.
III - SA CARRIÈRE SOUS L'EMPIRE
En 1805, quand la guerre recommença entre la France et l'Autriche, Marmont reçut le commandement du camp de Zeist en Hollande. Puis, appelé brusquement à l'armée d'Allemagne, il se trouva à la prise d'Ulm et occupa la Styrie, d'où il se dirigea vers la Carinthie, le Tyrol et le Frioul. C'est là qu'à l'occasion d'une vente des mercures d'Idria, il se fit donner une somme de trois cent vingt-cinq mille francs, qu'il dut, sur l'ordre exprès de Napoléon, consacrer à liquider l'arriéré de solde des troupes.
Étant en Dalmatie, en 1807, au moment du siège de Raguse, il revendiqua hautement de l'ambassadeur russe Siniavine les bouches du Cattaro, que le traité de Presbourg avait concédées à la France, et que l'Autrichien Brady avait indûment livrées aux Russes. Malgré les maladies, malgré les attaques, malgré une foule d'insurrections partielles, Marmont sut s'y maintenir et s'y faire respecter. Avec six mille hommes, il dispersa une armée de sept mille Russes et de dix mille Monténégrins, et assura définitivement à la France la possession de ce district.
Il s'appliqua à en développer la prospérité, y ouvrit des routes, y organisa nos institutions, et ses services réels reçurent comme récompense le titre de duc de Raguse avec une dotation de soixante mille francs de revenu annuel.
En 1809, il eut à seconder les mouvements de l'armée d'Italie pendant que se déroulait la grande campagne d'Autriche. Parti pour la Croatie avec dix mille hommes, il défit les Autrichiens à Monquitta, à Gradchatz, à Gospich, à Ottochatz, joignit l'armée d’Italie, refoula vers la Hongrie, par des prodiges de vaillance et de rapidité, le général Giulay ; il put se trouver à Wagram, où il contribua grandement à la victoire.
Poursuivant l'ennemi avec une avant-garde de la Grande Armée, il battit Rosenberg, s'empara de Znaïm et enfonça l'armée de Bellegarde, à qui il prit deux drapeaux et douze cents hommes.
De tels succès déterminèrent Napoléon à lui donner le bâton
de maréchal, ce qui fit dire en quelque sorte prophétiquement au prince Eugène :
« Je souhaite que Votre Majesté n'ait jamais à se repentir d'avoir fait Marmont
maréchal. »
On dit que Marmont, un des trois maréchaux de la campagne d'Autriche de 1809, fut celui nommé "par l'amitié".
Le musée de Châtillon-sur-Seine possède dans ses collections deux bâtons de maréchal de Marmont, un de l'Empire et un de la Restauration. Ils ne sont malheureusement pas exposés "par manque de place" (!) (Vous m'expliquerez quelle énorme place un bâton peut prendre dans un musée!)
Mais, outre que Napoléon se piquait d'honorer en lui un incontestable mérite, il cédait à la fidèle affection qu'il n'avait cessé de porter au vieil ami de Dijon et de Toulon.
Nommé gouverneur des provinces illyriennes, le duc de Raguse termina en cinq jours une guerre de frontières qui avait fait perdre la Croatie et qui, depuis six mois, désolait tout son territoire.
Après un séjour de dix-huit mois dans ces lointaines provinces, il fut envoyé à l'armée de Portugal dans l'instant où ce royaume venait d'être abandonné. Il fit face à tout, surmonta les pires difficultés, réorganisa l’armée, ce qui lui permit de défendre du moins la frontière occidentale d’Espagne, du Douro à la Guadiana.
Malheureusement, une imprudence perdit tout. Ayant eu, le 22 juillet 1812, la témérité d'engager ses quarante mille hommes contre les quatre-vingt mille Anglo-Portugais de Wellington, il fut atteint par un boulet, emporté hors du champ de bataille, et son armée, démoralisée par cet accident, fut mise en complète déroute aux Arapiles.
22/07/1812 Los Arapiles
Le champ de bataille des Arapiles : positions de la
division Foy à Cavarassa de Arriba. Au centre, au bout du sentier, on
distingue la chapelle de l'ermitage Nuestra Seňora de
la Peňa.
Vue d'est en ouest faire les positions alliées. Au centre gauche, on distingue
l'Arapile chico (petit Arapile) et à sa gauche (donc plus au sud) l'Arapile
grande (position de
Marmont).
Cliquez sur le panorama pour l'agrandir.
Le premier panneau de la "Route des Arapiles". au centre,
portrait du général Foy.
Cliquez sur le panorama pour l'agrandir.
La chapelle de l'ermitage Nuestra Seňora de la Peňa, position occupée au début de la bataille par la division Foy. Celle-ci joua un rôle très important et empêcha que la défaite française devint une déroute totale.
Marmont revint en France pour soigner sa blessure et ne reparut en scène qu'en 1813.
Encore souffrant, il figura avec honneur à la bataille de Lützen, dont il revendique personnellement le succès dans ses Mémoires, non sans une exagération aussi vaniteuse que manifeste. On le trouve encore à Bautzen, à Leipzig, où il arrêta l'ennemi pendant deux jours par des efforts héroïques.
Pas vraiment des monuments à sa gloire, mais signalons l'existence de 2 "Apelsteine" à Leipzig, rappelant sa participation à la bataille des Nations.
16- 18 OCTOBRE 1813 : BATAILLE DE LEIPZIG
Apelstein 25 Marmont (Möckern, Schumann Strasse/ Seelenbinderstrasse 206)
L'Apelstein 25 indique les positions du VIème Corps de Marmont (20ème Division de Compans (Apelstein 15), 21ème Division de Lagrange (Apelstein 17) et 22ème Division de Friederichs (Apelstein 19), dans la défense de Möckern le 16 octobre. Cf. aussi l'Apelstein 29.
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N. Schlacht bei MÖCKERN am 16. Oktober 1813. 25.
Le 18 octobre, Marmont disposait encore de 15 000 hommes pour la défense de Schönefeld. Dans le courant de l'après-midi, ils durent céder devant les attaques du corps de Langeron (Apelstein 30). Pour Marmont, cf. aussi l'Apelstein 25.
N
Marschall Marmont VI. Corps 15000 M.
29.
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N Kampf um Schönefeld am 18. October 1813
29.
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Puis il fut chargé, en 1814, de défendre la ligne du Rhin ; mais, débordé, il se replia sur Metz, ensuite sur Verdun et Saint-Dizier, et se battit encore à Brienne, la Rothière, Champaubert et Vauchamps.
LA ROTHIÈRE
Panorama à l'entrée nord de la Rothière. On a peine à imaginer plus de 100.000
hommes sur cette plaine aujourd'hui si calme...
(Cliquez pour agrandir.)
Morvilliers
À Morvilliers à l'est de Brienne, on trouve
un des rares monuments de la bataille de La Rothière. Cette croix, dite
"de Sainte-Élisabeth" ou, plus clairement, "des Cosaques" marque l'emplacement
d'une tombe commune de la bataille. Elle fut érigée en 1854, mais aucune
inscription ne rappelle les combats.
Vue du nord vers le sud. Les Bavarois venaient donc de
la gauche de l'image, les Français étaient plus ou moins sur une ligne suivant
la route à droite.
Morvilliers fut âprement disputé entre les troupes de Marmont et les anciens
alliés qu'étaient les Bavarois de von Wrede.
1er février 1814, les combats de Morvilliers
Croix des Cosaques, vers Beauvoir, en bordure de
la D2 (en coordonnées : N48.37199°- E4.62057° ou
48°22'18.76"N 4°37'14.14"E)
Reims, Mont-Saint-Pierre.
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Napoléon |
Le commandant Lachouque, qui devait avoir
de meilleurs yeux que moi, a réussi à discerner sur les autres côtés du monument
les noms de :
Marmont, Ney, Berthier, Lefebvre, Bertrand, Drouot, Friant. Lagrange, Ricard,
Exelmans, Krasinski, Defrance, Arrighi, Bordessoulle, Pierre Boyer. Sébastiani,
Colbert, Letort, de Ségur, Merlin, Pelleport, Piquet.
En fait, la carte postale ancienne montre que les noms étaient bien plus lisibles à l'époque... sur l'ancien monument.
En effet, un examen attentif nous montre que, malgré des similitudes, il ne s'agit pas du même obélisque !
Reims, Parc de la Haubette
Etat-Major entourant Napoléon 1er
Marmont Berthier Ney Lefèvre Drouot
Bertrand |
Accouru à Paris, il assuma, avec Mortier, la tâche de défendre la ville, et il est juste de reconnaître qu'il tenta les plus grands efforts pour la sauver. On cite son énergie dans la rue de Belleville, où, traqué de toutes parts, en butte à une fusillade venue des fenêtres, des porches, des rues voisines, il tenait tête à l'attaque, à pied, l'épée à la main, se battant comme un simple soldat, avec une intrépidité digne des plus grands éloges:
Il signa, il est vrai, la capitulation de Paris ; mais il n'est pas moins certain qu'alors la ville n'était plus défendable et que cette solution, pour humiliante qu'elle fût, présentait l'avantage de sauver la capitale menacée d'une destruction absolue.
Aussitôt après, entraîné, dit-on, par les intrigues de Talleyrand ou encore par ses jalousies ou son intérêt, en tous cas, par les mobiles les plus bas et les plus déshonorants, Marmont se rendit coupable de l'abominable trahison sous le poids de laquelle sa gloire demeurera toujours écrasée.
Napoléon vaincu, retiré à Fontainebleau, envoya vers l'empereur Alexandre Ney, Macdonald et Caulaincourt, afin de lui demander son adhésion à la proclamation de Napoléon II, sous la régence de Marie-Louise. Les trois députés devaient, en allant à Paris, passer par Essonne, où Marmont avait établi son quartier général, et Napoléon, qui comptait toujours sur le dévouement du duc de Raguse, leur avait permis d'emmener avec eux le maréchal, s'ils le jugeaient à propos. A ce moment même, Marmont avait déjà traité, de son autorité privée et en grand mystère, avec le prince de Schwartzenberg, à qui il offrait de livrer ses troupes et par conséquent l'empereur lui-même, que cet abandon laissait sans défense. Il allait même ordonner la marche sur Versailles pour exécuter les conventions passées avec le général autrichien, lorsque les trois envoyés arrivèrent. Marmont, dès qu'il connut leur mission, accepta volontiers de se joindre à eux, et il partit en ordonnant seulement à ses subalternes de différer le mouvement convenu jusqu'à son retour. Mais ceux qui venaient de recevoir cet ordre et qui connaissaient les machinations de Marmont, Souham notamment, son chef d'état-major, s'imaginèrent qu'au cas où Napoléon reprendrait le dessus, on les ferait tous fusiller. Pris de peur, ils n'attendirent pas le retour du maréchal, et le fatal mouvement qui devait conduire nos troupes au milieu des lignes ennemies fut ordonné, sans que les soldats se doutassent du but où on les conduisait.
Cependant les quatre ambassadeurs discutaient avec le tsar Alexandre, qui les traitait fort bien et n'était pas éloigné de s'associer au désir qu'ils venaient lui exprimer, lorsqu'un aide de camp arriva et lui dit quelques mots en russe.
Aussitôt le tsar, changeant de langage et d'expression, se
retourna vers ses premiers interlocuteurs et leur dit :
« Messieurs, vous faites sonner bien haut la volonté de l'armée, et vous
n'ignore pas que le corps du duc de Raguse a passé de notre côté. »
La trahison était donc consommée sans retour, et si Marmont s'est plus tard défendu d'avoir commandé le mouvement lui-même, on peut juger de la valeur d'un tel argument en songeant que toutes ses précautions étaient prises, son infâme traité signé, et qu'il n'avait différé l'exécution effective que par un mouvement d'hypocrite pudeur où éclate l'aveu même de la honte dont il se sentait accablé.
IV - SA CARRIÈRE après L'EMPIRE ET SA MORT
Pour comble, un passage des fastes judiciaires, à la date du 19 juillet 1826, relevé par un pamphlet publié en 1830, semble établir que le misérable se fit bel et bien payer sa forfaiture.
« M. le duc de Raguse, dit ce passage, débiteur de M. Valette d'une somme de 460 000 francs, promit d'affecter pour sûreté de cette dette une rente de 50000 francs, qui lui est payée par l'Autriche.
« Sommé de réaliser cette promesse, M. le duc de Raguse offrit de déposer chez M° Aumont, notaire : 1° une lettre, qui lui a été écrite en 1815 par M. le baron de Vincent et par laquelle le ministre lui annonce que le gouvernement autrichien lui conservera son majorat en Illyrie aux conditions de l'acte constitutif et consent même à lui payer les arrérages échus; 2° seize mandats sur le trésor autrichien, représentant les quartiers de cette rente qui doivent être payés depuis 1826 jusqu'à 1830. »
Le duc de Raguse alla d'ailleurs plus tard à Vienne et y fut reçu avec de tels égards, que ce seul détail eût pu le faire justement considérer comme un créancier de l'Autriche.
Pour donner à l'acte de Marmont sa véritable portée, il faut enfin reproduire ces paroles de Napoléon, parlant du commandement d'Essonne, occupé, comme on l'a vu, par le duc de Raguse, lorsque les trois délégués vinrent l'y prendre.
« C'est là que s'adresseront toutes les intrigues, toutes les trahisons de Paris. Il faut que j'aie à ce poste un homme comme Marmont, mon enfant, élevé dans ma tente ! »
A l'heure même où l'empereur prononçait ces mots, son « enfant » était en conférence avec M. de Schwartzenberg et le livrait.
On pense qu'il ne manqua pas d'invoquer ces lamentables titres auprès du gouvernement de la Restauration. Marmont y gagna d'être nommé capitaine d'une des compagnies des gardes du corps, puis commandant de toute la mai- son militaire.
Il accompagna le roi à Gand et ne revint qu'avec lui en 1815.
Charles X lui continua les bonnes grâces de Louis XVIII, et même, afin de soustraire le maréchal à l'impopularité qui le poursuivait depuis sa trahison, il l'envoya représenter la France au couronnement du tsar Nicolas I", avec des frais de représentation et des indemnités énormes.
En 1827, après avoir été employé à l'élaboration du code militaire et avoir siégé au comité d’artillerie, Marmont commandait les troupes de Paris, lors- qu'éclatèrent de violentes insurrections. Le ministre Clermont-Tonnerre, peu confiant dans le dévouement du maréchal, prit en personne la direction des troupes. En 1830, au contraire, lors de la révolution de Juillet, le ministre Polignac laissa l'initiative au duc de Raguse, qui, s'il ne trahit pas manifeste- ment, laissa du moins s'accomplir, par ses lenteurs bizarres et ses tergiversations inexpliquées, la ruine complète et définitive de la branche aînée des Bourbons.
L'opinion négative sur Marmont a même traversé la Deuxième Restauration. Le comble vient du duc d'Angoulême lui-même, qui a dit de Marmont, incapable de réprimer la Révolution de 1830 pour le Roi : "Vous aller voir, il va nous trahir comme il a trahi "l'autre"!" Sans commentaires...
Il quitta la France avec Charles X et se fixa en Autriche.
Dans ses tentatives industrielles pour fabriquer du sucre de betterave, dans ses spéculations hasardeuses et continuelles, il avait gravement compromis son crédit et sa fortune. Aussi la maréchale réclama-t-elle avec beaucoup de fracas sa séparation de biens.
Le maréchal Marmont, dont on trouvera les mémoires sur Gallica, est décédé d'une attaque d'apoplexie, c'est-à-dire d'une hémorragie cérébrale, au Palais Loredan à Venise, le 3 mars 1852, à 9 heures du matin, et est enterré au cimetière St-Vorles à Châtillon-sur-Seine.
Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont
Duc de Raguse,
Pair et Maréchal de France
membre de l'institut Académie des sciences,
Grand cordon de la Légion d'honneur, Chevalier
du St-Esprit, grand-croix de l'ordre de St-Louis,
Chevalier de st André, St-Alexandre et Ste-Anne de Russie, & &.
Né à Châtillon S.S. le XX juillet M.D.C.C.L.X.X.I.V.
et décédé à Venise le iii mars M.D.C.C.C.L.II.
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Non loin de là repose le colonel Testot-Ferry, premier aide de camp de Marmont. Il arrive encore souvent que, même après leur mort, des aides-de-camp continuent à assister leur commandant (!).
IV. — JUGEMENT DE NAPOLÉON
Après l'affaire des mines d'Idria : « Je donne l'ordre au général Marmont de verser les trois cent vingt-cinq mille francs pour payer la solde de sa division... Il est honteux qu'un général fasse des profits à l'ennemi, mais surtout lorsque ses troupes manquent de solde. »
D’une lettre au prince Eugène, après Wagram :
« Marmont a assez mal manœuvré, Broussier encore plus mal. Il n'a pas dépendu
d'eux que je n'aie perdu le 81e de ligne; ce régiment s'est couvert de gloire. »
Au cours de la campagne de France :
« Il est probable que l'ennemi aurait évacué Laon dans la crainte d'y être
attaqué sans l'échauffourée du duc de Raguse, qui s'est comporté comme un
sous-lieutenant. »
D'une lettre au duc de Feltre :
« Vous m'envoyez des lettres de Marmont qui ne signifient rien. Il est toujours
méconnu de tout le monde ; il a tout fait, tout conseillé. Il est fâcheux
qu'avec quelque talent, il ne puisse pas se débarrasser de cette sottise, ou du
moins se contenir de manière que cela ne lui échappe que rarement.
Après la trahison d'Essonne :
« Marmont m'a porté le dernier coup. Le malheureux, je l'aimais ! »
De la proclamation à Golfe Juan :
« La trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. »
A Sainte-Hélène :
« La vanité a perdu le duc de Raguse... Sans la défection de Raguse, les alliés
étaient perdus; j'étais maitre de leurs derrières et de toutes leurs ressources
de guerre ; il n'en serait pas échappé un seul... La postérité flétrira
justement sa vie; pourtant son cœur vaudra mieux que sa mémoire. »
ÉTATS DE SERVICE DE VIESSE DE MARMONT
(AUGUSTE-FRÉDÉRIC-LOUIS)
DUC DE RAGUSE. NÉ LE 20 JUILLET 1774, A CHÂTILLON-SUR-SEINE (CÔTE-D’OR)
GRADES, CORPS ET DESTINATIONS
Sous-lieutenant au bataillon de garnison de Chartres, 6 juillet 1790; élève
sous-lieutenant d'artillerie, 1er mars 1792; deuxième lieutenant, ter septembre
1792 ; premier lieutenant, 8 mars 1793 ; capitaine , 19 décembre 1793 ; aide de
camp du général Bonaparte, 3 février 1796; chef de bataillon , 8 février 1796;
chef de brigade, 13 octobre 1796.; commandant le 2e
régiment d'artillerie à cheval , 3 mai 179r7 général de brigade, 10 juin 1798 ;
commandant en chef l'artillerie de l'armée d'Italie, 15 avril 1800; général de
division, 9 septembre 1800 ; premier inspecteur général de l'artillerie, 16
septembre 1802; commandant en chef le camp d'Utrecht, 1er février 1804 ; colonel
général des chasseurs à cheval, 1er
février 1805; commandant en chef le 2e corps de la Grande Armée, en
septembre 1805 ; commandant en chef l'armée de Dalmatie, 7 juillet 1806 ;
maréchal de l'Empire, 12 juillet 1809 ; commandant en chef le 11e corps de
l'armée d'Allemagne , en juillet 1809; commandant en chef l'armée de Portugal, 9
avril 1811 ; commandant en chef le 2e corps d'observation du Rhin, 20 février
1813; commandant en chef le 6e corps de la Grande Armée, 12 mars 1813 ;
commandant le 6e corps d'armée en France (organisation nouvelle), 25 décembre
18'13 ; capitaine commandant la 6e
compagnie des gardes du corps du Roi, er juin 1814 ; major général de la garde
royale, 8 septembre 1815 ; lieutenant du roi dans les 7e et 19e
divisions militaires , 28 août 1817 ; gouverneur de la 1ère division
militaire , 29 août 1821 ; membre du conseil supérieur de la guerre, 17 février
1828; sans fonctions au licenciement de la Garde royale, 11 août 1830. Décédé le
28 février 1852.
CAMPAGNES
Aux armées de la Moselle, des Alpes, des Pyrénées, d'Italie, de Mayence,
d'Italie, d'Orient, de réserve et d'Italie ; au camp d'Utrecht, à la Grande
Armée; aux armées de Dalmatie, d'Allemagne, d’Espagne et de Portugal ; à la
Grande Armée, à Gand.
BLESSURES ET ACTIONS D'ÉCLAT
A reçu une contusion au bas-ventre par un boulet ; blessé à Salamanque
(Arapiles) d'un éclat d'obus au bras droit et au côté ; légèrement blessé à
Leipzig.
DÉCORATIONS
ORDRES DE LA LÉGION D'HONNEUR
Chevalier, 2 octobre 1803; grand-officier, 14 juin 1804 ; grand-croix, 2 février
1805.
ORDRES ÉTRANGERS
- Wurtemberg : Aigle d'or, chevalier, 29 février (impossible -1806 n'est
pas une année bissextile) 1806.
- Autriche : Couronne de fer, commandeur, 28 novembre 1817.
ADDITION AUX SERVICES ET DÉCORATIONS
Duc de Raguse, 1808 ; grand-croix de Saint-Louis, 1820 ; chevalier du
Saint-Esprit, 1820; ambassadeur en Russie, 1826.
Texte : d'après de Beauregard, Gérard, Les Maréchaux de Napoléon, Mame, Tours, s.d. (1900).
Collection
Hachette : Maréchaux d'Empire, Généraux et figures historiques (Collection de
l'auteur)
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