CAMPAGNE D'ALLEMAGNE 1813
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CAMPAGNE DE PRINTEMPS : AVRIL - JUIN 1813
MAI 1813
Carte globale pour la campagne de Saxe de 1813.
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1er mai 1813 : combat de Rippach (Weissenfels)
Nous avons vu, aux éphémérides d'avril, les débris de l'armée française échappés à la désastreuse campagne de Russie, forcés de conserver la défensive, prendre position sur l'Elbe et la Saale, sous les ordres du prince Eugène, tandis que Napoléon usait de toutes ses ressources pour organiser une nouvelle armée réparatrice de nos revers.
A cette époque, le mécontentement de la France se tut devant le danger pressant qui la menaçait, et dans l'auteur de tousses maux elle ne vit plus que celui qui pouvait les réparer.
Les dons patriotiques en argent, en chevaux, en effets d'habillement, en hommes même tout armés, tout équipés, se succédèrent rapidement. Le premier ban des gardes nationales de l'empire, organisé dans l'intérieur lors de la campagne de Russie, fut mobilisé et marcha vers l'Allemagne. Une levée de trois cent cinquante mille conscrits fut décrétée et commença à s'exécuter; des troupes furent appelées d'Espagne, et enfin tous les hommes valides qui se trouvaient en France aux dépôts des régiments, allèrent aux avant-postes retrouver les bataillons de guerre.
De pareils efforts étaient nécessaires pour entreprendre une nouvelle campagne avec quelque espoir de succès. La Prusse, après nous avoir abandonnés, s'était unie à la Russie. A son armée permanente elle avait joint cent mille hommes de nouvelles levées que le patriotisme avait fait courir aux armes. La landwehr prussienne de 1813 imita la levée en masse des Français de 1792, et la haine de l'étranger lui redonna son indépendance.
L'armée alliée, quoique victorieuse n'avait cependant point profité de ses succès aussi avantageusement qu'elle eût pu le faire. Au lieu d'avancer pas à pas en Saxe, comme elle le fit pendant les trois premiers mois de 1813, elle eût dû, profitant de sa supériorité numérique, pousser vivement l'armée française, encore délabrée, peu nombreuse et sans cavalerie. Il lui eût été facile d'arriver ainsi sur le Rhin dès la fin de mars. l'exemple de la Prusse lui prouvait assez qu'elle trouverait de nouveaux alliés dans les autres peuples de l'Allemagne.
Les généraux alliés commirent en cela une faute qui manqua leur devenir funeste. Ils avaient affaire à un ennemi actif et vigilant, qui sut profiter de leur lenteur, de leur hésitation, et qui se mit à même de devenir bientôt l'agresseur, lorsque, par plus d'activité, on eût pu lui en ôter les moyens. Lützen et les combats qui suivirent cette victoire prouvèrent cette vérité: il fallut qu'à son tour Napoléon fit de plus grandes fautes pour que celle que les alliés avaient commise ne devînt pas irréparable.
Ayant réuni tous ses moyens d'agression, Napoléon partit de Paris vers le milieu d’avril, et arriva à Nauenbourg, sur la Saale, le 28 avril. La gauche de l'armée, aux ordres du prince Eugène, était en arrière de la Saale, occupant Querfurt, et se prolongeant vers Magdebourg; le centre, commandé par le maréchal Ney, prince de la Moskowa, était à Nauenbourg, et la droite, sous les ordres du duc de Raguse, était placée sur les deux rives de la Saale, entre Nauenbourg et Jena.
L'armée alliée était en position entre l'Elster et la Mulda, occupant Borna et Leipzig, poussant, par son centre, ses avant- postes jusqu'à Weissenfels.
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Mort du maréchal Bessières
L'auberge "Zum Weissen Schwan", où eut lieu la dernière rencontre entre Bessières et l'Empereur.
À la mémoire de Jean Baptiste BESSIÈRES Maréchal d'Empire Duc d'Istrie Colonel Général de la Cavalerie de la Garde Impériale Grand Aigle de la Légion d'Honneur Grand Croix de St. Henri de Saxe du Christ de Portugal de Léopold d'Autrich, Né à Pressac Dép.t du Lot Le 6 août 1768, tué d'un boulet en combatant pour la France à Weissenfels près Lützen le 1er mai 1813
Il vécut comme Bayard Il mourut comme Turenne Napoléon |
En 2007, le Scharnhostkomitee eut la bonne idée de marquer l'endroit tragique d'une stèle commémorative.
HIER WURDE MARSCHALL VON FRANKREICH J.B. BESSIÉRS HERZOG VON ISTRIEN TÖDLICH VERWUNDET |
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GEFECHT BEI RIPPACH 1. MAI 1813
14 UHR |
Wir danken Herrn Alexander Herklotz sehr herzlich für diese Bilder.
"Ici fut mortellement blessé le Maréchal de France J.B. BESSIÉRS (sic), duc d'Istie. " "Combat de Rippach. 1er mai 1813" "14h00"
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Plus ici : Bessières
Né en 1769 à Preyssac, département du Lot, le maréchal Bessières commença à se faire connaître à la bataille de Roveredo, en 1796; il était alors capitaine, et commandait la compagnie des guides du général en chef de l'armée d'Italie. Les Autrichiens, battus, se retiraient en désordre; le capitaine Lemarois (*), aide-de-camp du général Bonaparte, suivi de Bessières et de quelques cavaliers, les poursuit, les atteint, perce à travers leur masse, et s'empare de deux canons à la tête même de la colonne; mais jeté en bas de son cheval et blessé dangereusement, il est forcé de les abandonner. Bessières, avec cinq ou six guides, s'élance pour les reprendre; son cheval est tué et sa proie va lui échapper. Animé d'une témérité sans exemple, il court à l'une des pièces qui fuyaient au galop, saute sur l'affût, s'y place à califourchon et s'abandonne au hasard. Les Autrichiens le sabrent, mais ne peuvent lui faire lâcher prise; enfin deux de ses guides, qui ne l'ont pas abandonné, parviennent à tuer les canonniers, et la pièce de canon reste au pouvoir de l'audacieux Bessières. Il fut récompensé de cette action éclatante par le grade de chef d'escadron, et quelque tems après il fut chargé de l'honorable mission d'aller à Paris porter au directoire onze drapeaux pris aux Autrichiens aux batailles de Rivoli et de la Favorite.
Ayant suivi Bonaparte en Europe, Bessières fut nommé chef de brigade, commanda pendant cette expédition les guides à cheval de l'armée, et se distingua à la bataille d'Aboukir. Il revint en France avec le général en chef, lui fut utile au 18 brumaire à la tête des grenadiers de la garde consulaire; il combattit vaillamment à Marengo et au pont de la Bormida. Il fut un des généraux que, peu après, Bonaparte créa maréchaux d'empire. En 1808, le maréchal Bessières commandait en chef, en Espagne, un corps de quinze mille hommes; il apprend que le général Cuesta, à la tête d'une armée de 56.000 Espagnols, marchait pour le combattre. Il se porte aussitôt dans le royaume de Léon, et rencontre Cuesta près de Medina del Rio-Secco. La mêlée fut sanglante; mais, malgré son infériorité numérique, le duc d'Istrie gagna la bataille et détruisit une partie de l'armée ennemie.
Blessé à la bataille de Wagram, à la tête de la cavalerie de la garde, il fut envoyé quelque tems après en Hollande, pour s'opposer aux progrès des Anglais, débarqués à Walcheren. En 181o il retourna en Espagne, et ne quitta ce pays que pour faire partie de l'armée qui entrait en Russie. Pendant cette campagne, il commanda la cavalerie de la garde, et la commandait encore lorsqu'il fut tué.
Brave et loyal comme Bayard, le maréchal Bessières en avait aussi tout le désintéressement, et il fit chérir son administration en Espagne, dans les provinces où il commanda.
(*) Plus tard lieutenant-général.
2 mai 1813 : bataille de Lützen / Gross-Görschen
Napoléon, qui n'avait vu qu'une nombreuse cavalerie ennemie et peu d'infanterie au combat de Poserna, pensa que l'armée alliée n'était pas encore toute réunie, et qu'il pourrait arriver avant elle à Leipzig. En conséquence, le 2 mai au matin, il continua son mouvement sur cette ville.
Le centre de notre armée était commandé par le prince de la Moskowa, au village de Kaja. La gauche, appuyant à l'Elster, était sous les ordres du prince Eugène, et le duc de Raguse, au défilé de Poserna, tenait la droite. La garde était au centre, en arrière de la ligne, près le village de Lützen, et le général Bertrand, commandant le quatrième corps, devait tenir la droite du duc de Raguse, et chercher à prendre l'ennemi par son flanc gauche. Le champ de bataille avait près de deux lieues d'étendue. Dès neuf heures du matin, le général Lauriston, qui tenait l'extrême gauche, s'approcha de Leipzig, et commença l'attaque. L'armée se portait en avant dans le même ordre, lorsque tout-à-coup, à dix heures, on entend une forte canonnade sur les derrières de notre flanc droit. C'était l'armée alliée entière qui débouchait par Pegau et Zeist, lorsque nous la croyions derrière Leipzig, sur notre front. Napoléon, surpris, fait faire halte à l'armée; il médite quelques instants; change aussitôt son plan; fait exécuter un changement de front sur sa droite, et rétrograder sur Lützen les troupes qui étaient en marche sur Leipzig. En même tems il donne ordre au prince Eugène d'appuyer sur le centre à Kaja, et se porte de sa personne sur ce dernier endroit. Le général Blücher, qui commandait le centre des alliés, attaquait Kaja ; la droite, aux ordres du général Yorck, soutenait le centre, et le général Wintzingerode cherchait avec la gauche à tourner notre droite et à s'emparer de la route de Weissenfels. Wittgenstein commandait en chef; l'empereur Alexandre et le roi de Prusse étaient présents
Notre position était critique. L'étendue du champ de bataille ne permettait pas à notre gauche d'arriver promptement au secours de notre centre. Le maréchal Ney, attaqué d'abord à l'improviste par des forces triples, avait été forcé d'évacuer Kaja; l'avait repris ensuite, et l'avait encore quitté; mais l'ennemi s'y maintenait malgré nos efforts pour l'en chasser, déjà même l'avait dépassé, et marchait toujours sur notre centre, qui commençait à faiblir. Tout l'effort des alliés se portait sur ce point. Le prince de la Moskowa, les généraux Souham et Girard étaient toujours dans la mêlée et faisaient face partout. Blessé de plusieurs balles, le général Girard ne voulut point quitter le champ de bataille, déclarant qu'il voulait y mourir à la tête de ses troupes, puisque le moment était arrivé, pour tous les Français qui avaient du cœur,- de vaincre ou de périr.
Il était six heures; le général Compans, commandant une division du duc de Raguse, avait repoussé une attaque faite sur notre extrême droite. Le général Bertrand, à son tour, menaçait le flanc gauche des alliés. Le prince Eugène était enfin entré en ligne, et le maréchal Macdonald abordait les Prussiens, formant l'aile droite. Dans ce moment, l'ennemi fait un nouvel effort par son centre. Nos troupes faiblissent, assaillies de tous côtés par une innombrable cavalerie à laquelle nous ne pouvons opposer la notre, trop inférieure en nombre, elles plient, et le désordre se met dans leurs rangs. Napoléon voit la bataille perdue s'il ne repousse cette impétueuse attaque. Il s'élance parmi les troupes débandées ; les rallie, et les ramène lui - même au combat. Il ordonne au général Drouot de porter quatre-vingts pièces de canon près le village de Starsiedel, et de battre en brèche dans les masses ennemies qui s'avancent de Kaja. Le duc de Trévise, avec la jeune garde, se précipite sur ce village, et Napoléon s'avance lui-même à la tête de la vieille garde, formée en carré, et soutenant la batterie de quatre-vingts pièces, qui avance à mesure que ses coups assurent nos succès. En vain la cavalerie ennemie se précipite-t-elle sur nos carrés: comme en Égypte, nos carrés sont inébranlables. A son tour, l'ennemi ne peut résister à cette vigoureuse attaque; il est enfoncé sur tout son centre, et abandonne Kaja, qui était la clef de sa position. Notre droite fait alors un changement de direction vers notre gauche, refoule la gauche ennemie sur son centre, qui est toujours poursuivi par la terrible batterie et par nos carrés. Dès ce moment les alliés fuient de toutes parts, et la bataille est gagnée. La nuit était arrivée; déjà l'on se préparait au repos, lorsque tout-à-coup, vers les neuf heures, un corps de cavalerie tombe à l'improviste sur notre flanc droit, à deux cents pas du carré où se trouvait Napoléon. Heureusement il fut repoussé promptement, et cette dernière attaque mit fin à une journée aussi sanglante que glorieuse.
C'est ainsi que furent vengées nos dernières défaites en Russie. C'est ainsi qu'une armée de cent vingt mille hommes, pour ainsi dire improvisée, n'ayant que deux mille hommes de cavalerie, vainquit une armée aguerrie, composée de trente-cinq mille cavaliers et de cent trente mille fantassins. Notre perte fut de quinze mille tués ou blessés. Le général Gourré, chef d'état-major du maréchal Ney, fut du nombre de ces derniers. Celle des alliés s'éleva à vingt-cinq mille hommes; le prince de Hesse-Hombourg fut tué et le général Blücher y fut grièvement blessé.
Nous ne fîmes prisonniers que quatre à cinq mille blessés que l'ennemi fut obligé d'abandonner ; le manque de cavalerie nous empêcha de profiter plus fructueusement de la victoire, et l'armée alliée se retira derrière l'Elbe sans essuyer d'autres pertes. Au tems de nos conquêtes, une bataille gagnée détruisait une armée et nous soumettait un empire.
Peu s'en fallut, comme nous venons de le voir, que l'armée française, surprise dans sa marche sur Leipzig, ne fût battue. Son chef avait commis la faute de donner trop d'extension à sa ligne de bataille, et de rendre son aile gauche trop forte aux dépens de son centre, qui, ne pouvant être soutenu promptement en cas d'attaque, devait être enfoncé. Il l'aurait été immanquablement, si des généraux et des troupes moins braves que les généraux et les soldats français y eussent combattu. Mais si Napoléon commit une imprudence, il la répara savamment par le mouvement concentrique de ses deux ailes au moment où il fut attaqué, une heure d'hésitation ou de tâtonnement l'eût perdu sans retour; il changea son plan de bataille aussi brusquement qu'il fut attaqué, et la victoire de Lützen lui fit ressaisir en Allemagne son influence prête à lui échapper.
Le matin de la bataille, Napoléon avait paru - fort occupé de se trouver sur le même terrain où Gustave-Adolphe avait péri en remportant une victoire sur les Autrichiens en 1632. Soit qu'il voulût trouver quelques rapports de dates, chose qui lui a toujours plu, ou quelque similitude de positions, il s'informa à plusieurs reprises des moindres détails qui tenaient à cette première bataille de Lützen. Le hasard, cependant, ne mit aucune ressemblance entre les deux combats. La route de Lützen à Leipzig était le seul intervalle qui sépara les deux armées en 1632; les Autrichiens occupaient la plaine à gauche et les Suédois celle qui est droite ; tandis qu'en 1813 le champ de bataille s'étendait tout entier sur la droite de la route, du côté de Lützen, vers Zeist et Pegau.
Monument Scharnhorst au centre du village de Grossgörschen.
Il marque le lieu approximatif de sa blessure. Légère en apparence, elle devait cependant l'emporter à Prague, le 26 juin, plus d'un mois plus tard.
La bataille de Lützen est commémorée par un grand nombre de monuments, et le champ de bataille est relativement bien préservé, même s'il a un temps été fortement menacé par l'extension de mines de lignite à ciel ouvert.
Il y a deux stèles sur le Monarchenhügel à Grossgörschen (le monument Schinkel a été déplacé vers le centre du village, près du monument Scharnhorst). Il y a également un remarquable monument en fonte au prince Léopold de Hesse-Hombourg, officier d’état-major de Zieten, qui fut tué à la tête de la Garde prussienne. Le monument, érigé en 1817 selon les plans du même Schinkel, fut envoyé à la ferraille en 1973, à l'époque de la RDA, mais reconstitué à l'identique en 1999. Le village possède également un petit musée, malheureusement seulement ouvert le dimanche)
1813 den 2. Mai Logierte hier der Marschall Ney Da sah es hier sehr traurig aus Geschossen ward ich in das Haus Doch meine Kameraden haben ihn vertrieben Zum steten Andenken bin ich hier geblieben gegr. Munkelt ern. O Klingler rekon v. d. Gemeinde Grossgörschen
Le 2 mai 1813, le Maréchal Ney logea ici. L'endroit était alors bien triste. J*'ai été projeté dans cette maison mais mes camarades l'en ont chassé.** En souvenir d'eux, je suis resté ici. Créé par Munkelt, rénové par O. Klingler, reconstruit par la commune de Grossgörschen
* C'est le boulet qui parle ! ** "mais mes camarades l'en ont chassé." Sic ! Alors que Lützen est incontestablement une victoire française ! |
On trouve encore à Kaja, un des villages témoins de la bataille de Lützen, un témoin du passage du maréchal Ney. À l'entrée du village en venant de Rahna, Lindenstraße 17, se trouve la "Marschall Ney-Haus" (Marschall-Ney-Haus mit Museumsstube, Lindenstraße 17, OT Kaja) . Cette vieille bâtisse porte sur la droite de sa façade une PC en bois restaurée et centrée par un boulet. Il s'agit actuellement d'une nouvelle plaque, l'ancienne se trouve au musée.
Il y a également quelques monuments à Rahna (tombe de Berger) et à Kleingörschen (tombe Liebknecht et moulin à vent historique), ainsi qu'à Starsiedel (moulin à vent historique et tombe).
20-21 mai 1813 : bataille de Bautzen
Napoléon, qui depuis le 8 mai était resté à Dresde, ayant appris que l'armée ennemie paraissait vouloir tenter encore le sort des batailles, et que, dans ce dessein, elle prenait position, partit le 18, et arriva le 19 à une lieue en arrière de Bautzen.
Les alliés étaient sur la rive droite de la Sprée, occupant Bautzen, leur gauche appuyée aux montagnes de la Bohême, et leur droite s'étendant le long de la rivière. Le maréchal Oudinot commandait la droite de J'armée française; le duc de Tarente en face de Bautzen, et le duc de Raguse tenait le centre. Le maréchal Ney, avec quarante mille hommes, ayant sous ses ordres les généraux Lauriston et Régnier, était à la gauche, devant déborder et tourner l'aile droite des ennemis.
Napoléon, ayant reconnu le champ de bataille dans la matinée du 20, ordonna le combat vers midi. Le maréchal Macdonald trouva devant lui un pont sur la Sprée, l'emporta de vive force, tandis que le maréchal Marmont, après en avoir jeté un, passait aussi sur la rive droite de cette rivière. La canonnade et la fusillade s'étaient engagées sur toute la ligne; l'ennemi résistait vigoureusement; mais, vers les six heures du soir, le général Bonnet s'étant emparé du village de Niedlayn, et le général Compans ayant occupé Bautzen, après en avoir chassé les alliés, leur centre plia, et se retira une lieue derrière cette ville. La gauche fut obligée de suivre le mouvement du centre; mais la droite resta dans sa même position, observant notre gauche. Le combat finit vers sept heures du soir, et les armées belligérantes passèrent la nuit à se préparer à une bataille inévitable et décisive.
On sera peut-être étonné qu'arrivé le 8 mai à Dresde, Napoléon ne mît pas plus d'activité à la poursuite de l'ennemi; mais il suivait dans cette circonstance les règles de la prudence, dont il s'écarta tant d'autres fois. Après la bataille de Lützen, ses divers corps d'armée avaient pris des routes divergentes pour effectuer le passage de l'Elbe; il voulait attendre leur réunion avant dé tenter une nouvelle attaque sérieuse sur les alliés, qui concentraient toutes leurs forces à mesure qu'ils se retiraient. Dans la journée du 21, il fit l'expérience que toutes ses ressources lui étaient nécessaires pour vaincre, avec de jeunes soldats, un ennemi nombreux et aguerri.
Hauteurs de Kreckwitz, vue sur le champ de bataille de Bautzen,
vers le nord.
Hauteurs de Kreckwitz, vue sur le champ de bataille de Bautzen,
vers l'ouest.
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Niederkaina, vue sur le champ de bataille à partir de la position de l'Empereur, Napoleonsberg (ou Schafsberg !).
Jenkwitz, Monarchenhügel, vue sur le champ de bataille à partir de la position
du roi Frédéric-Guillaume III de Prusse et du tsar Alexandre.
Il y a également des monuments à Bautzen même, Purschwitz,Wurschen et Jenkwitz (Monarchenhügel).
Le 21 mai 1813 : BATAILLE DE WÜRSCHEN (ou deuxième journée de Bautzen)
Le 21 mai, au lever du soleil, les Français aperçurent l'armée alliée à une lieue en arrière de Bautzen, couronnant les hauteurs de Würschen, et occupant un champ de bataille préparé et fortifié d'avance, de près de deux lieues d'étendue. Leur gauche appuyait à des sommets de montagnes impraticables, et leur droite à des hauteurs d'un difficile accès; l'armée française était dans le même ordre que la veille au combat de Bautzen, excepté que le maréchal Soult avait pris le commandement du corps du général Bertrand. La garde impériale et la réserve, placées derrière un rideau vers le centre, étaient cachées à l'ennemi, et pouvaient se porter vers la droite ou la gauche, selon les vicissitudes que présenterait la journée. La canonnade s'engagea à huit heures du matin.
Napoléon, qui voulait empêcher l'ennemi de dégarnir sa gauche pour secourir sa droite, sur laquelle il avait ses projets, la fit attaquer vivement par le maréchal Oudinot. Les hauteurs sur lesquelles on combattait furent prises et reprises plusieurs fois par les deux partis; vers onze heures, le duc de Raguse se porta sur les retranchements du front des alliés, et jusqu'à leurs redoutes. Pendant ce tems, le prince de la Moskowa passa la Sprée, culbuta l'ennemi au village de Preilitz, et tourna son flanc droit. Les alliés, rassurés sur leur front, que les retranchements leur faisaient croire inexpugnable, portèrent toute leur réserve, qui n'était pas encore engagée, sur leur flanc menacé, et la placèrent en équerre de telle manière que l'angle formé par cette manœuvre devint le centre de leur ligne de bataille.
Napoléon, qui regardait comme décisif le mouvement du maréchal Ney, le voyant arrêté par la réserve de l'ennemi, porta alors toute la sienne sur la droite des alliés, devenue leur centre; c'était là l'instant de frapper de grands coups; déjà le duc de Dalmatie avait abordé les retranchements et s'était emparé d'une hauteur. Les généraux Drouot, Dulauloy et Devaux établissent des batteries qui foudroyaient les mamelons où s'appuient les ennemis; l'angle formé parleur réserve, comme le point faible, est écrasé par une grêle de projectiles; la division Morand, la division wurtembergeoise, et le duc de Trévise avec la jeune garde, s'élancent sur les retranchements et les attaquent à la baïonnette.
Les alliés voient leur centre prêt à être enfoncé; n'ayant plus de troupes disponibles, ils ne peuvent le faire soutenir; craignant alors pour leur centre et pour leur droite, qu'ils ne peuvent dégarnir sans l'exposer à être culbutée par le maréchal Ney, ils sont dans le plus grand danger. Pour éviter une déroute complète, inévitable, ils commencent aussitôt leur retraite: elle s'effectua précipitamment, mais avec quelque ordre; la gauche de l'ennemi seulement, pressée par le duc de Tarente et menacée sur son flanc droit par le duc de Raguse, fut mise en déroute; l'armée alliée se retira sur Reichenbach, et le maréchal Ney prit position à sept heures du soir à Würschen, où avait été le quartier-général de l'empereur Alexandre. L'armée française déploya une grande audace pendant tonte cette journée. Sa perte fut considérable; celle des ennemis le fut presque autant, malgré les nombreux retranchements dont ils s'étaient couverts. Nous ne leurs fîmes que quelques centaines de prisonniers.
Ainsi donc les alliés, qui n'avaient pu nous vaincre dans les plaines de Lützen, malgré leur nombreuse cavalerie, ne purent nous résister derrière leurs retranchements ; et dans un pays difficultueux. Leur cavalerie, qui ne put se déployer, ne leur fut presque d'aucun secours
22 mai 1813 : combat de Reichenbach (Markersdorf)
Battus le 21 à Würschen, les alliés se retiraient sur Görlitz, défendant opiniâtrement le terrain toutes les fois qu'ils en trouvaient la possibilité. Napoléon les suivait à l'avant-garde, et les attaquait vivement, dirigeant lui-même les moindres mouvements des troupes. Arrivé sur les hauteurs de Reichenbach, l'ennemi déploya de nombreux bataillons, et garnit son front d'une artillerie formidable. Notre avant-garde l'attaqua d'abord, mais ne put l'entamer avant l'arrivée de nouvelles troupes. Les généraux Lefebvre-Desnouettes et Colbert, commandant les lanciers polonais et les lanciers rouges de la Garde, exécutèrent d'heureuses et de brillantes charges sur la cavalerie de l'ennemi. Le général Latour-Maubourg, avec la cavalerie de l'armée, décida la retraite des alliés, qui, après avoir encore résisté en arrière de Reichenbach sur les hauteurs de Markersdorf, se replièrent sur Görlitz, et la nuit mit fin, de part et d'autre, à un combat meurtrier.
Dans une charge de cavalerie, le général de division Bruguière, dit Bruyère, officier de mérite, eut la jambe emportée, et mourut peu de temps après.
Le 22 mai, qui avait vu périr le maréchal Lannes, enleva à Napoléon un ami plus cher encore que ne lui avait été le duc de Montebello. Vers les sept heures du soir, un des derniers boulets tirés par l'ennemi rasa de près le duc de Trévise, ouvrit le bas-ventre au général Duroc, et jeta roide mort le général du génie Kirgener. Le général Duroc ne survécut que douze heures à sa blessure. Napoléon fut le voir dans la maison où on l'avait porté, et lui fit ses derniers adieux.[1]
Le général Duroc, duc de Frioul, grand-maréchal du palais de Napoléon, naquit à Pont-à-Mousson, département de la Meurthe, en 1772. Élève sous-lieutenant d'artillerie en 1792 et capitaine en 1795, il était aide-de-camp du général d'artillerie Lespinasse, en 1796, à l'armée d'Italie, lorsque Bonaparte, ayant reconnu en lui d'heureuses qualités, se l'attacha en qualité d'aide-de-camp. Duroc fut cité aux gorges de la Brenta, au passage de l'Isonzo et à la prise de Gradisca. Il suivit Bonaparte en Égypte, fut blessé au siège de Saint-Jean d'Acre, et revint en France avant le 18 brumaire. Ce fut à la suite de cette journée qu'il commença sa carrière diplomatique, dans laquelle il se distingua par une prudence' et une sagacité, qui, chez lui, devançaient l'âge. Le premier consul venait de renverser la république, il avait besoin de la paix pour consolider sa puissance nouvelle. Duroc fut envoyé à Berlin pour entretenir la cour de Prusse dans des sentiments d'amitié envers la France. Il était à Marengo, et peu de temps après il partit pour Vienne chargé de négociations; elles ne réussirent qu'après la bataille de Hohenlinden, qui amena la paix de Lunéville. A la même époque, il fut envoyé à Pétersbourg, pour renouer avec l'empereur Alexandre les liens d'amitié qui avaient uni son père, Paul Ier, au premier consul, et depuis il se montra négociateur habile dans plus d'une circonstance importante.
Aux qualités qui distinguent l'homme public, le général Duroc joignait toutes celles qui font aimer l'homme privé. Officier instruit, bon ami, d'un caractère modeste, doux et affable, il emporta les regrets de tous ses anciens compagnons d'armes, que l'élévation de sa fortune ne lui firent jamais ni méconnaître, ni oublier.
[1] Voici la conversation entre Napoléon et le général Duroc, que rapporta le Bulletin sur le combat de Reichenbach; « Le duc serra la main de l'empereur, qu'il porta sur ses lèvres. « Toute ma vie, lui dit-il, a été consacrée à votre service, et je ne la regrette que par l'utilité dont elle pouvait vous être encore. — Duroc, il est une autre vie! C'est là que vous irez m'attendre, et que nous nous retrouverons un jour! — Oui, sire, mais ce sera dans trente ans, quand vous aurez triomphé de tous vos ennemis et réalisé toutes les espérances de notre patrie. J'ai vécu en honnête homme; je ne me reproche rien. Je laisse une fille. Votre Majesté lui servira de père. L'Empereur serrant la main du grand-maréchal, resta un quart d'heure dans le plus profond silence; le grand-maréchal le rompit : « Ah ! Sire, allez-vous-en ; cet aspect vous peine ! » L'empereur quitta le duc de Frioul sans pouvoir lui dire autre chose que ces mots : « Adieu donc, mon ami. »
Markersdorf. Lieu où fut mortellement touché le général Duroc.
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La ferme où Duroc fut emporté et où il expira. On notera, à gauche de l'entrée, à côté du panneau, la tombe de Kirgener, à droite, juste hors de la photo, le monument.
Plus ici : Géraud Christophe Michel Duroc (1772-1813)
26 mai 1813
: combat de Haynau (maintenant
Chojnów, Basse-Silésie, Pol)
28 mai 1813 : combat de Hoyerswerda
Bibliographie :
- Schlachtplane entworfen und gezeichnet von den Königliche Preussische Capitains von Rau und Haenel von Cronenthal. Herausgegeben von Carl Vetter im Verlag der Maurerschen Buchhandlung in Berlin und in Nauck's Buchhandlung
- Münch, Reinhard, Marksteine und Denkmale der Völkerschlacht in und um Leipzig, Verlag Dr. Bartel, Borsdorf, 2000.
SUITE JUIN 1813
Textes ci-dessous extraits de Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu'en
1815, ou Anniversaires de la valeur française. Mai. par une société
de militaires et de gens de lettres, 1820 Pillet aîné (Paris) 1818-1820.
Nous avons modernisé l'orthographe et les noms des lieux, ainsi que quelques
autres éléments trop datés de 1820.
Cartes (sauf mention contraire) : Johnston, Alex. Keith, Atlas to Alison's History of Europe, William Blackwood and Sons, Edinburgh and London, 1848 et 1850.