Joseph-Antoine Poniatowski

(1763 - 1813 -1813)

PRINCE POLONAIS
maréchal de l'Empire

I. - L'HOMME ET SON CARACTÈRE1

Il y a dans la romantique beauté de celte figure, dans ces grands yeux bleus et clairs, dans cette expression de mystérieuse mélancolie, une évocation saisissante et poignante tout à la fois. Poniatowski, c'est Je dernier soupir incarné de la Pologne ; c'est le symbole d'une lamentable agonie ; c'est la personnification d'une rue que la mort étreint et qui, jeune et vivace encore, se débat en de terribles convulsions et ne veut pas mourir.

Poniatowski ne fut qu'un maréchal de rencontre et un Français occasionnel, ou plutôt il ne fut jamais Français, et la justice oblige à reconnaître que c'est là sa plus grande gloire.

Il était avant tout patriote, entièrement et passionnément Polonais, exalté par la pensée de voir revivre un jour son malheureux pays avec sa grandeur et son indépendance passées.

Loyal jusqu'à la maladresse, brave jusqu'à l'extravagance, il tient à merveille sur la scène de l'histoire le rôle de dernier représentant de ce peuple ardent et robuste, contre lequel l'Europe entière s'est acharnée, et qu'un long siècle d'esclavage n'a pas encore rendu souple à la servitude. Un seul but domine toute l'existence du prince Poniatowski : chasser l'envahisseur et ressusciter la Pologne.

Pas une de ses actions, pas un de, ses efforts, pas un de ses désirs qui n'y ait concouru! II n'y a pas réussi; mais l'honneur de l'avoir tenté est si grand, qu'il n'a pas besoin, pour mériter notre hommage, de se hausser sur le succès ;   certains héroïsmes se suffisent à eux-mêmes, et les plus beaux dévouements ne sont pas nécessairement les plus heureux.

C'est cette noble ambition qui, durant quelques années, a fait pour nous de Poniatowski un compatriote et un collaborateur de nos victoires.

Sans aucun doute, l'intérêt seul en cela guidait ses affections. Il espérait de notre secours, du prestige impérial et de la force de nos armes, une aide efficace dans la réalisation de ses projets. Il ne trompait d'ailleurs personne et ne faisait pas étalage d'une vaine et mensongère sentimentalité. On lui en voulait même de pousser trop loin sa franchise, comme dans ce dîner à Varsovie, où le baron Bignon, ambassadeur de France; ayant sévèrement blâmé Bernadotte, prince de Suède, d'avoir tourné ses armes contre nous, il répliqua avec vivacité :
« Je ne suis point de votre avis. Je dois beaucoup à l'empereur, je suis prêt à lui prouver mon dévouement; mais si j'avais à choisir entre lui et mes compatriotes, je n'hésiterais pas. »

Il ne voulut jamais consentir à ce que le corps polonais qu'il commandait à la Grande Armée adoptât les drapeaux et les cocardes tricolores, estimant avec logique que la lutte pour l'indépendance ne devait pas se poursuivre avec les signes d'une domination nouvelle.

Enfin, cette mort tragique couronnant cette vie chevaleresque, écoulée dans la recherche d'une glorieuse chimère, n'a pas peu contribué à faire de Poniatowski, homme généreux, général habile, prince infortuné , une sorte de personnage légendaire d'épopée , un héros des anciens romans guerriers , que la postérité admirera encore, après les siècles révolus, parce que cette mise en scène n'est point imaginaire, et que l'acteur qui y paraît offre la réalité d'un grand cœur et d'un superbe caractère.

 

II. - SON ORIGINE ET SA JEUNESSE

Ce prince polonais est né à Vienne (et non à Varsovie), le 7 mai 1763 au palais Daun-Kinsky.  Son père sert alors dans l'armée autrichienne.

Le palais Daun-Kinsky, Freyung 4, à Vienne, où naquit le prince Poniatowski le 7 mai 1763.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le maréchal Soult séjourna dans ce même palais après Austerlitz.

Une vue du magnifique escalier de ce palais.

Issu de la plus haute noblesse polonaise, il était le neveu de Stanislas- Auguste, dernier roi de Pologne, qui le fit élever près de lui et voulait en faire son héritier. Son père, le prince André Poniatowski, était feldzeugmeister (lieutenant général d'artillerie) au service de l'impératrice Marie-Thérèse. La grande situation qu'avait le prince André à la cour d'Autriche engagea le jeune homme à y paraître à son tour. Joseph entame sa carrière militaire en 1778, comme lieutenant de dragons dans l'armée de l'empereur Joseph II.

En 1787, quand éclata la guerre austro-turque, était colonel des dragons et  aide de camp de l'empereur Joseph II. Blessé à la prise de Sabacz, en présence même du monarque, celui-ci en fut très affecté et le soigna en personne avec la plus grande sollicitude

II pouvait prétendre aux plus hautes dignités dans l'armée autrichienne, lorsque la diète polonaise, en 1789, décida de réorganiser complètement l'armée nationale. Le prince Joseph accourut aussitôt à Varsovie et fut mis à la tête des troupes, dont il eut bien vite gagné l'estime et la confiance.

La tsarine Catherine II, avant pris ombrage de cette renaissance militaire, s'empressa d'accabler la Pologne en y portant la guerre.  Il entre alors au service de son oncle, le roi Stanislas de Pologne et devient général-major.   Ce fut une première occasion pour Poniatowski d'exercer sa valeur. Il se battit comme un lion dans les campagnes de 1791 et 1792, et bat les Russes en 1792.

Cependant, plus que jamais, la Pologne se trouvait victime de l'anarchie qui devait la perdre sans retour. On voyait aux prises, dans l'instant même où l'ennemi préparait un nouveau partage du royaume, une aristocratie jalouse de ses droits et de ses privilèges séculaires, un roi flottant que les factions se rejetaient et utilisaient selon l'occurrence, une minorité d'esprits libéraux exaltés par les échos venus de la Révolution française, sans parler des patriotes purs en opposition avec les partisans de la Russie, de la Prusse et de l'Autriche, et, au-dessous de tout cela, un peuple écrasé de charges et d'impôts, mourant de faim et de misère, cédant au plus fort, prêt à se donner au mieux payant.

Une armée forte et victorieuse devait prendre, au milieu de ce désordre, une prépondérance capitale. Comme il s'agissait alors de faire passer la couronne dans la maison de Saxe, on craignit que Joseph Poniatowski ne profitât de son ascendant sur les troupes pour tenter un coup de force et dénouer la situation à son profit. Des cabales s'organisèrent; on l'enveloppa d'intrigues, on l'accabla d'insinuations et de calomnies, si bien que de lui-même il se retira.

L'armée en éprouva un tel chagrin, que, pour lui prouver son attachement, elle fit frapper une médaille à l'effigie du prince et portant cette dédicace : Miles imperatori.

Il voyagea quelque temps à l'étranger, puis il revint offrir ses services lors de la grande insurrection de 1794, où il se rangea sous les ordres de Kosciusko. Le soulèvement fut écrasé. Sommé de quitter le royaume, le prince se retira à Vienne et demeura dans la retraite jusqu'en 1798. Étant revenu alors à Varsovie, il obtint du roi de Prusse la restitution de plusieurs terres qu'on lui avait confisquées, et il alla vivre à Jablanka, sur la Vistule, non loin de Varsovie.


Palais de Jabłonna
Par Maciej Szczepańczyk — Image taken by User:Mathiasrex Maciej Szczepańczyk, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4958380

 

III - SA CARRIÈRE SOUS L'EMPIRE

Après la bataille d'Iéna, il fut chargé par lé roi de Prusse lui-même d'organiser une sorte de garde nationale pour protéger les biens et les personnes de ses compatriotes. Ce fut en qualité de chef de cette milice qu'il alla recevoir et accompagner Murat, lors de son entrée à Varsovie, en novembre 1806.

Tout le monde alors, aussi bien ses amis que les généraux français, le poussa à organiser une armée polonaise, et à profiter des circonstances pour proclamer l'indépendance de son pays. Malheureusement, la situation était loin d'être nette ; les Français arrivaient bien plutôt en conquérants qu'en libérateurs, et le prince résistait à toutes les avances en disant :
« J'appréhende que les Polonais n'aient un jour à me reprocher d'avoir imprudemment excité leur ardeur, et de les avoir précipités dans de nouvelles calamités. »

Napoléon en personne arriva sur l'entrefaite ; comme il promit positivement d'aider à la reconstitution de la Pologne, Poniatowski, plein de confiance, n'hésita plus, leva une armée et en prit le commandement. Il crut alors, par un scrupule aussi noble que délicat, devoir se dégager envers le roi de Prusse, qui lui avait naguère témoigné de la confiance. Il lui écrivit pour le remercier et « le prier de vouloir bien ne point désapprouver que, dorénavant, il suivît la ligne de conduite qui lui paraîtrait commandée par les intérêts de sa patrie ».

La tâche qui lui incomba se trouva singulièrement épineuse. Lui ne pensait qu'à l'indépendance de la Pologne ; Napoléon, beaucoup plus préoccupé de ses propres succès, imposait à l'armée polonaise des besognes dures et pénibles, comme le siège de Dantzig, menaçant à la moindre marque de mauvais vouloir de se retirer et d'abandonner la Pologne aux représailles des voisins dont elle venait de s'affranchir.

Poniatowski, nommé ministre de la guerre dans le gouvernement provisoire du nouveau duché de Varsovie, déployait malgré tout la plus grande activité. Une cruelle désillusion l'attendait. Le traité de Tilsitt ne stipula rien pour la Pologne, et quatre-vingt mille hommes de troupes françaises continuèrent à en occuper le territoire. Déjà le prince, plein d'alarmes, songeait à un rapprochement avec la Russie, lorsque Davout vint commander à Varsovie. L'intégrité, la droiture du duc d'Auerstaedt, rassurèrent le prince, et les deux hommes se lièrent d'amitié.

1809

Aussi lorsqu'en 1809, lors de la nouvelle guerre avec l'Autriche, l'archiduc Ferdinand marcha contre Varsovie à la tète de soixante mille hommes, Poniatowski, avec une poignée de braves, courut à sa rencontre et obtint de tels succès, qu'il put conclure une convention aux termes de laquelle les Polonais rentreraient dans Cracovie, leur antique capitale. Le prince, en effet, y entra avec une armée improvisée de trente mille hommes, et se mit aussitôt à gouverner le pays redevenu polonais.


Commandant en chef des troupes impériales dans le grand-duché de Varsovie, il combat les Autrichiens à Raszyn, lors de la campagne de 1809.

Le palais Pod Baranami à Cracovie (Rynek Glowny 27), sur la Grand-Place, où le Prince Poniatowski séjourna pendant la campagne de 1809.

Le traité de Vienne, signé après Wagram, rendait à la Pologne Cracovie et la Galicie, ce dont le prince se montra assez mécontent, car il n'obtenait ainsi, en récompense du secours prêté à Napoléon, que ce qu'il avait déjà conquis par ses propres forces. Pourtant l'avenir lui semblait assez rassurant pour qu'il s'accommodât du présent, et il se mit à réorganiser sa patrie reconstituée.

1812

A l'ouverture de la campagne de Russie, l'armée polonaise comptait quatre-vingt mille hommes, dont une moitié fut répartie parmi les corps de la Grande Armée, et l'autre moitié laissée sous le commandement de Poniatowski.

Il commande brillamment le corps d'armée polonais lors de la campagne de Russie, entre autres à Borodino et est un des premiers à entrer dans Moscou. Il maintint si bien la discipline, veilla avec tant de sollicitude au salut de son armée, qu'il la ramena presque entière sans qu'il lui manquât un canon.

Lors de la retraite, il est blessé à la Bérézina.

26-27-28 novembre 1812 : bataille de Borisov et passage de la Bérézina

 


La Bérézina à Borisov. Le pont du chemin de fer se trouve approximativement à l'emplacement du pont de 1812.

Cette ancienne carte postale représente un pont de Borisov dans la 2e moitié du 19e siècle ou au début du 20e

 

 

En arrivant au gué de Studianka. A droite sur la photo, on discerne à droite le monument à Koutousov.
C'est ici que le génie construisit, sous le commandement du général Éblé, le premier pont, parfois appelé « pont d’aval », à l’artillerie, au train et à la cavalerie.

 

 

Panorama du gué et du village de Studianka, toujours à hauteur du pont d'aval. On distingue le puits devant le monument Koutousov, à gauche du sentier.

 

Ce sera alors la funeste campagne de Saxe.

 

Le 8 mai 1813

Le Guide Napoléon nous apprend que, Ulica Ksiecia Józefa, à Cracovie, se trouve la maison où le général Joseph Poniatowski séjourna pour la dernière fois en Pologne, en route pour Leipzig. Une PC a été apposée en 1913, dont la traduction est la suivante : « Ici, le 8 mai 1813, le prince Poniatowski a dit au revoir à la Pologne pour la dernière fois, partant se battre en Saxe avec l’armée polonaise dont il était le chef. Les Tilleuls étaient à ce moment la propriété de madame Sophie de Czartoryski et de son mari Zaworryskiej. »

Cependant, malgré nos recherches coûteuses en temps, nous n'avons pu retrouver cette plaque.  Toute information, indication ou photo serait la bienvenue.
 

Les 8-9 septembre 1813

Le 8 septembre 1813, il loge à l'auberge "Goldenes Schiff", Altmarkt 17 à Löbau.

Le lendemain, 9 septembre, il commande les troupes polonaises lors du combat à Ebersdorf, près de Löbau.

 

Un petit monument, érigé à l'occasion du 90ème anniversaire de la bataille, couvre une tombe commune de ce combat, près du stade, entre Löbau et Ebersdorf.

Geweiht

den im Gefecht bei Ebersdorf

am 9. September 1813

Gefallenen und hier ruhenden

russischen u. polnischen

Kriegern

Errichtet zum 9. Sept. 1903

"Dédié aux soldats russes et polonais tombés au combat d'Ebersdorf, le 9 septembre 1813, et qui reposent ici.

Érigé le 9 septembre 1903."

16-19 Octobre 1813 Leipzig

En 1813, parti pour la Saxe avec une armée faite de Français, de Saxons et de Polonais, il se signala brillamment en défendant contre les Autrichiens le passage de la Pleiss, à la bataille de Wachau. Dès le début de la campagne, il avait déjà reçu les insignes, le rang et les honneurs de maréchal de l'Empire, mais sans en porter le titre; car il estimait alors que celui de général de l'armée polonaise était le plus glorieux qu'il pût porter, et que le fait d'être classé parmi les maréchaux français pourrait donner à croire aux Polonais que cette distinction personnelle avait pour but de compenser l'abandon définitif de leur nationalité et de leur indépendance. Napoléon ne lui fit pas moins expédier le brevet régulier de maréchal, le soir du 16 octobre 1813, aussitôt après la bataille de Wachau.

Le 16 octobre 1813

Blessé d'un coup de lance le 12 octobre 1813, il n'en garde pas moins son commandement et ses troupes font tellement merveille lors de la bataille du 16 (Wachau), que l'Empereur le nomme Maréchal de l'Empire.

 

Le Torhaus Dölitz, témoin de furieux combats où l'illustrèrent les troupes polonaises le 16 octobre, lors du premier jour de la bataille de Leipzig, qu'on nomme souvent aussi bataille de Wachau. On remarquera les nombreux boulets incrustés dans la façade. (C'est actuellement un intéressant petit musée de figurines plates en étain où l'on trouvera de nombreux dioramas, dont plusieurs, sont bien, sûr consacrés à la bataille de Leipzig.)

Le château (Herrensitz Dölitz) à l'arrière a été détruit par un bombardement en 1944. Il n'en reste rien.

Le prince Poniatowski,

nommé Maréchal de France le 16 octobre 1813,

a combattu avec 8000 soldats polonais

du VIIIe corps aux côtés de Napoléon

Sous le porche, une plaque commémorative rappelle le combat des Polonais.

Deux "Apelsteine", bornes du Dr Apel, portent le nom de Poniatowski. La première est la borne numéro 11, dans la Rilkestrasse à Markkleeberg.

Apelstein 11 Poniatowski (Markkleeberg, Rilkestrasse)

N

 

Fürst

PONIA-

TOWSKI

VIII. Corps

8000 M.

 

 

11.

 

L'Apelstein numéro 11, dans la Rilkestrasse à Markkleeberg, marque l'emplacement des 8000 hommes du  VIIIème Corps de Poniatowski le 16 octobre, lors de la bataille dite de Wachau. Le prince polonais défendit victorieusement ses positions contre les troupes prussiennes de Kleist (IIème Corps prussien, Apelstein 4) et autrichiennes du Général de Cavalerie comte Meerfeldt (IIème Corps d'Armée, Österreicherdenkmal Lössnig).  Cette victoire lui valut son bâton de maréchal.  (Cf. aussi Apelstein 33.)

N

 

Schlacht

bei

WACHAU

am 16. Oktober

1813

 

9.
Dr. Theodor Apel 1863

Pour la suite, cliquez ici : Joseph-Antoine Poniatowski (1763-1813)


Texte : d'après de Beauregard, Gérard, Les Maréchaux de Napoléon, Mame, Tours, s.d. (1900).

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