Campagne de Russie de 1812

Note : si vous avez des ajouts ou des corrections concernant les inscriptions en russe des monuments ci-dessous, n'hésitez pas à me les communiquer : dominique.timmermans@skynet.be

 

26-27-28 novembre 1812 : bataille de Borisov et passage de la Bérézina

Attention, sur cette carte, le haut n'est pas le nord, il y a un décalage de 50° vers la gauche ! La flèche rouge indique le nord.


 

Idem pour la suivante, extraite de Boutourlin.

 

 

 

- Borisov
        Musée
        Redoutes et monument russe
        Monument russe
- Studianka
        Monument russe
        Croix
        Monument suisse
        Monument d'aval
        Monument d'amont
        Cimetière

        Pont sur la "rivière de sang"

- Brill
        Pierre
        Monument russe aux 3 régiments
        Croix orthodoxe
        Monument russe, bloc de pierre noire
        Monument français (Beaucour)
        Tombe française
- Zembin
        Eglise

        Carte cliquable

 

BORISOV

Le 24 novembre 1812 : COMBAT DE BORISOV

Le maréchal Oudinot, qui avec les deuxième et sixième corps manœuvrait sur la Bérézina pour conserver libres les communications de l'armée qui, sous les ordres de Napoléon, revenait de Moscou, ayant appris que l'amiral Tchitchagov s'était emparé du pont de Borisov après avoir battu la division polonaise du général Dombrowski, et que de ce point il menaçait d'intercepter la route, marche à lui pour le déposter. Le 24 novembre, il rencontre sur les hauteurs de Niemanitza la division russe du général Lambert, qui se portait en avant sur Bobr. Il l'attaque, la culbute, la repousse jusqu'à Borisov et la rejette en désordre sur l'autre rive de la Bérézina, après lui avoir fait essuyer une perte énorme. Le succès de cette journée fut dû principalement  à deux charges brillantes, fournies par les cuirassiers que commandait le général Berkheim.

Extrait de Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu'en 1815, ou Anniversaires de la valeur française. Novembre. par une société de militaires et de gens de lettres, 1820 Pillet aîné (Paris) 1818-1820.
Nous avons modernisé l'orthographe et les noms des lieux, ainsi que quelques autres éléments trop datés de 1820. Nous avons également fait quelques ajouts.

 

Musée de Borisov

 


Le musée de Borisov. Manque de chance, au moment de notre visite, le musée était en pleine transformation en vue du bicentenaire, et les salles de 1812 entièrement démontées.

 

Authentique aigle française trouvée en 1963 dans la Bobr (à une cinquantaine de km à l'est de Borisov) et conservée au musée de Borisov. Ce qu'il y a de particulier, c'est qu'il s'agit clairement d'une aigle du modèle 1804 (bec plus ouvert que sur le modèle 1810-11) ... qui n'est plus censé être utilisé à cette date !

 

Le régiment exact n'est pas connu, les nombreux trous dans le caisson  ne permettant pas de l'identifier. Selon certaines sources, il s'agirait d’un régiment de la division Partouneaux du corps de Victor. Nous croyons pourtant devoir éliminer cette possibilité, sans pourvoir présenter une meilleure hypothèse. Certaines sources parlent de l'aigle du 29e régiment d'Infanterie légère, qui appartenait à la 1ère brigade de cette division.

 

Selon http://www.planete-napoleon.com/docs/1812.BerezinaPartouneaux.pdf, la composition de cette division est la suivante:

1ère Brigade, GB Camus : 10e Léger (262 h) et 29e Léger (868 h) = 1.130 h.

2e Brigade, GB Billard : 44e de Ligne  (749 h) et 126e de Ligne  (346 h) = 1.095 h.

3e Brigade, GB Blanmont : 125e de Ligne (380 h), Régt Provisoire (598 h) = 978 h.

Cavalerie attachée, GB Delaître : Lanciers de Berg, Chevau-Lég. saxons = 400 h.

Artillerie attachée, CdB Sibille : 4 pièces de 6 £ servies par 42 canonniers

Il ne peut s'agir de l'aigle du 10e Léger, laissé à Sélestat*, ni du 29e Léger, laissé au dépôt de Bruges*, ni de celle du 126e de Ligne, prise à Borisov le 28 novembre 1812 et maintenant à Moscou, ni du  125e, exposé (?) à Potsdam*. Les régiments provisoires n'avaient pas d'aigle. L'aigle (modèle 1812) du 44e de Ligne fut prise à la Bérézina, mais est exposée à l'Hermitage.

 

Nous pouvons donc conclure que l'hypothèse de la Division Partouneaux est erronée. De plus, de nombreuses unités ont traversé la Bobr quelques jours avant la Bérézina. Mais pourquoi une aigle modèle 1804 ?

 

 

*Selon Drapeaux et Etendards, de Pierre Charrié, Copernic, 1982.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Canon russe conservé au musée de Borisov.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Borisov, avenue de la Révolution.  Les hauteurs de la ville, sur la rive droite. On voit la Bérézina en contrebas. Les redoutes sont sur la gauche.

 


Borisov. Redoutes de l'époque. Elles avaient été construites par les Russes , mais ne jouèrent aucun rôle en 1812.

 

Panneaux sur un arbre près des redoutes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le monument russe près des redoutes.

 

 

 

 

« Dans ces fortifications établies devant le pont étaient installées les batteries pour la défense de la ville.
Ici, le 10 novembre 1812, l’armée russe mit en déroute le gros de l’armée napoléonienne. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un des deux canons entourant le monument. L'origine est douteuse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plaquette sur la base du monument.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Borisov. Près du monument russe.

 


La Bérézina à Borisov. Le pont du chemin de fer se trouve approximativement à l'emplacement du pont de 1812.

Cette ancienne carte postale représente un pont de Borisov dans la 2e moitié du 19e siècle ou au début du 20e.

 

A l’est de l’avenue de la Révolution, près d’une grande chapelle, en 54°13'52.29"N 28°30'6.27"E.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit

Ce temple en l'honneur de la Ste Trinité
est fondé en l'honneur et mémoire des combattants
mort pour la Patrie à Borissov,
sous le Patriarche de Moscou et de toute la Russie Alexi II,
sous le Mitropolite de Minsk et Sloutsk Filarete,
l'exarche de toute la Biélorussie du Patriarche
1997, ville de Borisov".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Merci à M. Alain Chappet et à sa correspondante pour la traduction.

 

 

Le 28 novembre 1812 : PASSAGE ET BATAILLE DE LA BEREZINA.

La campagne de Russie est sans contredit la plus mémorable des guerres des temps modernes ; et, en effet, les forces immenses que mirent sur pied les deux plus grands États de l'Europe, les revers et les énormes sacrifices de l'un pour éviter sa ruine, les rapides et brillants succès de l'autre, touchant de si près aux plus épouvantables désastres; cinq trônes nouvellement édifiés qui s'écroulent et disparaissent; d'autres qui, depuis longtemps détruits, se relèvent; deux empires, dont l'un, le plus puissant du monde, tombe et déchoit de toute sa gigantesque prépondérance, tandis que l'autre, du bord de l'abîme où il va s'engloutir, s'élance, et simultanément arrive à la domination de l'Europe[1]. Ces grands événements, éclos et terminés en moins de deux années, et tout l'effet immédiat de la même cause, donnent assurément à cette campagne de 1812 un intérêt et un éclat que n'a point aucune autre époque. Ces terribles secousses sont une nouvelle preuve que dans un siècle éclairé tout ce qui repose sur l'emploi arbitraire de la force est éphémère, et que rien n'st durable s'il n'est fondé sur la justice. L'armée française, après avoir campé plus d'un mois sur les cendres de Moscou, se mit en mouvement pour commencer une retraite trop tardive (19 novembre), mais devenue impérieusement nécessaire. A la pénurie de vivres, qui déjà se faisait vivement sentir, aux craintes qu'inspiraient les approches de l'hiver dans une position aussi éloignée de nos magasins, se joignait encore un motif non moins pressant pour l'exécution d'une prompte marche rétrograde.

Lorsque l'empereur Napoléon, mû par l'imprudente ambition de finir la guerre dans une seule campagne, eut quitté les environs de Smolensk pour marcher sur Moscou, la ligne que l'armée occupa se trouva d'une longueur démesurée et hors de toute proportion avec sa largeur. Les corps laissés sur la Dvina pour couvrir le flanc gauche, trop faibles pour faire de grands progrès et marcher à la hauteur du centre, ne purent s'éloigner de ce fleuve, et ne continrent qu'avec peine un ennemi qui se recrutait tous les jours.

L'aile droite, formée de l'armée austro-saxonne, que commandait le prince de Schwarzenberg, n'ayant agi depuis le commencement de la campagne qu'avec une circonspection toute diplomatique, ne fut d'abord presque d'aucune utilité, et ensuite devint une des causes immédiates de nos revers. De sorte que le centre de l'armée, en pointe à plus de cent lieues de ses ailes, avait ses flancs totalement à découvert ; il pouvait donc d'un moment à l'autre voir ses communications interceptées, et pris facilement à revers, se trouver enveloppé: ce qui lui fût certainement arrivé, si le général en chef des armées russes, Koutousov, eût eu plus de talent ou plus de hardiesse. D'ailleurs, l'armée française étant trop éloignée pour recevoir rapidement des renforts, l'instant devait arriver où elle ne pourrait plus résister à l'armée ennemie, qui s'accroissait continuellement d'une milice nombreuse, toujours bonne en tout pays quand elle combat pro aris et focis. D'un autre côté, les Russes ayant fait la paix avec les Turcs, purent disposer des troupes qu'ils avaient en Moldavie l'amiral Tchitchagov, avec cette armée, s'avançait à marches forcées vers la Volhynie pour se joindre au corps qui déjà dans cette province avait en tête le prince de Schwarzenberg, et donnait quelque inquiétude pour la sûreté de notre flanc droit, sur lequel ces deux armées réunies pouvaient faire une diversion puissante. Tous ces motifs rendant le danger imminent, et les négociations entamées à Moscou pour la conclusion de la paix n'ayant eu aucun résultat, Napoléon se décida enfin à se rapprocher de la Lithuanie, qu'il n'eût pas dû dépasser, du moins dans cette campagne.

L'armée, contrainte de faire sa retraite par la même route qu'elle avait ravagée dans sa marche offensive, dut tirer, pour subsister, toutes ses ressources des provisions dont il lui avait été ordonné de se pourvoir. Mais cet ordre n'ayant pu recevoir son entière exécution par l'état de disette où elle était déjà avant son départ, elle devait bientôt les avoir épuisées, puisque dans le pays désert qu'elle traversait elle ne pouvait trouver à les remplacer.

Les premiers jours de la retraite furent paisibles. Le temps était beau, la marche facile , malgré l'innombrable quantité de voitures qui suivaient l'armée, chargées de vivres ou du butin arraché sous les décombres de Moscou; et, à l'exception de quelques charges de Cosaques sur notre arrière-garde, l'en nemi n'avait point tenté d'attaques sérieuses, Lorsqu'après Malo-Jaroslawetz (24 octobre), quittant la route de Kaluga pour celle de Smolensk, nous eûmes dépassé le champ, de bataille de la Moskova (7 septembre), que six semaines avant nous foulions en vainqueurs, l'ennemi nous pressa davantage. Des corps nombreux de Cosaques, harcelant sans cesse notre arrière-garde, flanquaient aussi les deux côtés de la route; tombant incessamment sur nos bagages, enlevant tous les isolés qui s'écartaient, par leurs fréquentes attaques et leur présence continuelle ils embarrassaient notre mouvement, et nous faisaient perdre un temps précieux dont l'armée russe, filant sur notre droite, profitait pour gagner plusieurs marches, dans le dessein de couper nos communications avant ou au-delà de Smolensk. De jour en jour la situation de l'armée devenait plus critique. Le manque de fourrages détruisait nos chevaux avec une rapidité déplorable. On soutint quelque temps les équipages de l'artillerie en remplaçant les chevaux qui périssaient par ceux des bagages, qu'on faisait brûler, par ceux de l'artillerie à cheval; et même de la cavalerie. Mais bientôt ces ressources disparurent, et chaque jour il fallait abandonner un certain nombre de canons pour pouvoir conserver les autres. Les hommes n'étaient pas dans un moindre état de souffrance. Les vivres apportés de Moscou étaient consommés; pour les remplacer, il eût fallu s'écarter de la route de trois à quatre lieues, et de tels détachements eussent trop retardé la marche; de sorte que l'armée, n'étant encore qu'à moitié chemin de Smolensk, souffrait déjà toutes les horreurs de la famine; et il fallait toute la force d'âme des chefs, tout le dévouement des soldats, pour que les pertes qu'elle faisait journellement n'augmentassent pas dans une proportion plus rapide. Cependant elle marchait avec ardeur, espérant trouver à Smolensk la fin de ses maux ; cette ville, qu'une heureuse illusion lui montrait abondamment pourvue de provisions de toute espèce, était l'objet de tous les vœux, et l'espoir d'y arriver soutenait plus d'un courage qui, sans ce véhicule, eût succombé.

L'armée avait dépassé Viasma (3 novembre), où son arrière-garde s'était ouvert un passage à travers l'ennemi, et arrivait à Dorogobuj, lorsque la température, qui jusqu'au 5 octobre avait été douce, changea tout à coup.  Le 6 octobre, la neige tomba avec une effrayante abondance, accompagnée d'un vent impétueux et glacial. Dès ce moment, les souffrances devinrent affreuses, insupportables. Épuisés par la fatigue et la faim, les hommes n'eurent point assez de force pour résister au nouveau fléau qui les assaillait si subitement; ils périrent par milliers. Leurs membres engourdis se roidissaient; ils tombaient, et ces infortunés disparaissant en peu d'instants sous les flots de neige qui ne cessaient de tomber, ne se distinguaient bientôt plus qu'aux ondulations du terrain, semblables à celles des cimetières. Un grand nombre de soldats, dont les doigts se gelaient tout à coup, jetèrent les armes qu'ils ne pouvaient plus porter, et grossirent le nombre des isolés, qui, déjà accablés de misère, errant à l'aventure, devenaient la proie des Cosaques lorsqu'ils s'écartaient de la route pour chercher un abri ou des aliments. Repoussés, par leurs camarades armés, d'auprès des feux rares qu'on n'allumait qu'avec une extrême difficulté, ils mouraient par groupe sur la neige, entassés et serrés les uns contre les autres comme les bestiaux; ou bien, se réfugiant dans quelque grange, dans quelque maison qu'ils rencontraient encore, ils allumaient dans l'intérieur un feu dont ils n'avaient plus la force d'arrêter les progrès, et périssaient dans les flammes. Le sort de ceux qui, plus courageux ou plus robustes, avaient conservé leurs armes, n'était pas moins terrible. Toute la journée en alerte pour repousser des nuées de Cosaques qui fuyaient au premier coup de fusil, mais revenaient l'instant d'après harceler les colonnes, ils n'avaient encore aucun repos la nuit, car ils étaient contraints de l'employer tout entière à couper un peu de bois vert, à entretenir un mauvais feu, ou à se mouvoir pour ne pas être paralysé par le froid. Les nuits étaient tellement meurtrières, que, chaque matin, les bivouacs, couverts de morts, présentaient l'aspect d'un champ de bataille. Bientôt nous eûmes perdu trente mille hommes, tués, pris, ou morts sur la route depuis le départ ; presque tous les chevaux de cavalerie, et il ne nous resta qu'une centaine de canons.

Ce fut dans un tel état que les corps de l'armée revenant de Moscou arrivèrent successivement à Smolensk les 9, 10,11, 12, et 13 novembre. Mais cette ville, l'objet de tant d'espérances, devait toutes les décevoir. En y arrivant, Napoléon apprit que le général Wittgenstein avait forcé les 2e et 6e corps à quitter la Dvina, et s'avançait sur la Bérézina pour couper notre retraite; que l'amiral Tchitchagov avec l'armée de Moldavie, poussant devant lui le prince de Schwarzenberg, arrivait aussi sur cette rivière pour s'unir à Wittgenstein. Sentant qu'il ne devait pas perdre un instant pour prévenir de tels projets, que les corps opposés sur ce point à l'ennemi ne pouvaient seuls empêcher, il ordonna que la retraite continuerait sans interruption, et quitta Smolensk le l4- Les magasins de cette ville, moins considérables qu'on l'avait supposé, ne fournirent à l'armée qu'un faible soulagement ; et elle en partit pour souffrir de plus grands maux, et courir de plus grands dangers.

Nous avons vu comment à Krasnoïe (18 novembre), elle sut s'ouvrir un passage au travers de l'armée russe de Koutousov, qui avait intercepté la route. Mais, dès lors, privée du peu d'artillerie qu'elle avait conservée jusque là, et qu'il fallait abandonner à chaque pas ; de sa cavalerie, toute démontée ; en proie à la faim, au froid le plus rigoureux ; à peine vêtue ; l'armée ne pouvait plus s'éclairer ni se défendre contre un ennemi qui, bien nourri, couvert de chauds vêtements et plus nombreux chaque jour, l'attaquait sans relâche avec une nombreuse artillerie placée et agilement servie sur des traîneaux. Des corps considérables de Cosaques bordaient les deux côtés de la route, et cette cavalerie, qu'un seul coup de fusil faisait fuir, tombant à chaque seconde sur les soldats désarmés qui suivaient ou précédaient nos colonnes les massacraient impitoyablement. L'intensité du froid avait un peu diminué, mais les privations étant les mêmes, et notre marche devenant plus rapide, en raison de l'imminence du danger qui nous menaçait, nos rangs continuèrent à se dégarnir dans une progression toujours croissante. Enfin, après avoir passé le Borysthène[2] à Orsza[3], nous apprîmes, en nous joignant aux corps d'armée qui avaient quitté la Dvina, que pour continuer notre retraite il nous fallait forcer le passage de la Bérézina, et passer sur le corps d'une nouvelle armée ennemie.

Dès le milieu du mois de septembre, l'amiral Tchitchagov, entré en Volhynie, s'était joint à Lutz sur le Styr au corps de Tormassov. Ces deux armées réunies s'élevaient à cinquante-cinq mille hommes. Le prince de Schwarzenberg, postée à cette époque sur l'autre rive de cette rivière, en avait quarante- deux mille sous ses ordres. Ne se croyant pas assez fort pour résister aux Russes, il se mit en retraite du moment où ceux-ci marchèrent en avant; mais au lieu de couvrir Vilnius et Minsk, où d'immenses magasins étaient établis, et d'assurer par ce mouvement , qui, du reste, lui avait été indiqué par les ordres de Napoléon, le flanc droit de l'armée française et ses communications, ce prince, agissant contre les plus simples règles de l'art de la guerre, laissa à découvert ces deux points importants, et passa le Bug sous prétexte de garantir Varsovie ; ce qui, dans un temps pareil, importait fort peu. Tchitchagov le suivit jusque sur cette rivière. Voyant que son adversaire ne paraissait guère disposé à sortir de la position qu'il avait prise aux environs de Wengrod et de Biala ; après avoir tenu quinze jours ses troupes en cantonnement, il laissa le général Sacken avec vingt-sept mille hommes devant l'armée austro-saxonne, et se dirigea sur Minsk avec vingt-huit mille, pour tâcher, ainsi que le portait ses instructions, d'occuper les passages de la Bérézina, et de s'y réunir à Wittgenstein, qui venait de la Dvina. Craignant cependant qu'en apprenant son départ le prince Schwarzenberg ne mît à profit sa supériorité numérique pour tomber sur Sacken, l'amiral Tchitchagov, après trois petites marches, s'arrêta quelques jours; mais le général autrichien ne bougeant pas, l'amiral avec sécurité continua sa marche sur Minsk dans les derniers jours d'octobre.

Cependant, sept à huit jours après l'éloignement de Tchitchagov, le prince de Schwarzenberg ayant reçu la division française Durutte, passa le Bug, et à petites marches se dirigea sur Minsk. Le général Sacken, voulant s'opposer à ce mouvement, vint attaquer à Wolkowisk l'arrière-garde de l'armée austro-saxonne que commandait le général Kegnier ; le prince, accourut au secours de son arrière-garde fortement compromise; battit complètement Sacken dans les journées des 16 et 17 novembre, le poursuivit au loin vers la Volhynie, et lui fit éprouver une perte de près de douze mille hommes, de tous ses bagages, et de presque toute son artillerie. Si, après la bataille de Wolkowiski, le prince de Schwarzenberg, au lieu de suivre Sacken avec toute son armée, eût seulement laissé pour le contenir un corps de quinze mille hommes, le général russe était assez maltraité pour n'être plus en état de faire une diversion. Dès lors le général autrichien, libre de ses mouvements , partant le 18 de Wolkowiski, pouvait arriver le 26 à Minsk, sans aller plus vite qu'il ne l'avait fait jusques là et il est de toute évidence que si la veille du passage de la Bérézina l'armée austro-saxonne, forte encore d'une trentaine de mille hommes, après le détachement laissé vis-à-vis Sacken, se fût présentée devant cette ville, Tchitchagov se serait vu forcer d'abandonner le pont de Borisov, et de se retirer en toute hâte, sous peine d'être pris entre elle et les corps français venant de Moscou ou de la Dvina. Mais le prince de Schwarzenberg ne se conforma point à ce qu'exigeait une saine tactique, il n'imita point l'amiral Tchitchagov, qui lui avait donné un sage exemple à suivre; il ne se reporta sur Minsk que le 28 novembre, et lorsque le 10 décembre il était encore à trois à quatre jours de marche de cette ville, les débris de l'armée française échappés aux désastres de la Bérézina étaient déjà arrivés à Vilnius.

S'il faut en croire un auteur qui paraît s'appuyer sur des documents authentiques, la conduite molle, incertaine, équivoque même, du prince de Schwarzenberg, fut moins l'effet de l'insuffisance de ses talents militaires qu'elle n'eût une cause et un but politiques arrêtés d'avance; car si ce général ne se conforma pas à ce qu'exigeaient les circonstances, s'il n'exécuta pas les instructions de Napoléon, ce fut pour se conformer à celles qui lui furent prescrites d'autre part. Selon cet auteur, l'Autriche, dès le commencement de septembre, préparait déjà sa défection. Les ordres qu'elle expédiait à son général, commandant l'aile droite de l'armée française, étaient tous communiqués à lord Walpole, agent secret de l'Angleterre à Vienne, et ne partaient qu'après avoir été rectifiés d'après ses notes, et avoir reçu son approbation. Si de tels faits étaient vrais, y aurait-il au monde rien de plus honteux, de plus déshonorant, de plus destructeur de tous les principes de morale, indispensables à la conservation de l'état social, que cette science de la diplomatie, pourtant en si grand renom, qui autorise et légitime une aussi odieuse mauvaise foi ?

Quoi qu'il en soit des motifs qui dirigèrent la conduite du prince de Schwarzenberg dans cette trop célèbre campagne, l'amiral Tchitchagov n'étant point troublé dans ses projets, marcha sur Minsk, où se trouvaient, comme nous l'avons déjà dit, des magasins immenses, capables de ravitailler l'armée entière, pour de là arriver à Borisov, seul pont établi sur la Bérézina. Le gouverneur de Minsk apprenant l'approche de l'armée de Volhynie, au lieu de prévenir de suite le maréchal Oudinot, qui, sur la rive gauche de cette rivière, couvrait Borisov, posté dans les environs de Bobr, se contenta de demander un régiment au général Dombrowski, plus près de lui, qui, avec une division polonaise, était placé sur la rive droite, entre Igumen et Bobruisk.

L'inconcevable sécurité de ce gouverneur, qui, avec cette poignée de troupes, se croyait capable de contenir vingt-huit mille hommes, fut bien funeste à l'armée. Le régiment polonais, culbuté dès le premier choc, laissa Minsk à découvert, Tchitchagov y entra le 16; et après avoir donné trois jours de repos à ses troupes, il marcha le 19 sur Borisov. Le général Dombrowski, dupe des assurances que lui avait données le gouverneur de Minsk, se retira en toute hâte sur cette ville, pour y défendre la tête du pont; mais il n'y trouva aucune des dispositions de défense que ce gouverneur, arrivé depuis cinq jours, aurait pu prendre. Attaqué le 23, il fut forcé, et poursuivi sur la rive gauche. Tchitchagov n'ayant pas encore reçu des nouvelles du général Wittgenstein, ne voulant pas s'engager au- delà de la Bérézina avant de con naître positivement où était le gros de l'armée française, se contenta d'occuper la tête de pont, et d'envoyer sur la rive gauche vers Bobr sa division d'avant-garde. Battue à Niemanitza (24 novembre) par le maréchal Oudinot, qui, enfin, prévenu de tout ce qui se passait, était accouru au secours du général Dombrowski; cette avant-garde fut poussée avec une grande perte jusqu'à Borisov, et rejetée sur la rive droite. L'amiral russe fit alors couper une partie du pont de son côté, établit de nombreuses batteries sur la rive escarpée qu'il occupait, qui domine ce pont et la ville, et dans cette position attendit des nouvelles de Wittgenstein, qui devait s'avancer par la rive gauche.

Aussitôt que Napoléon eut connaissance de la perte de Minsk et celle du pont de Borisov , il sentit qu'il n'avait pas un moment à perdre pour parer au danger de sa situation et à l'effet moral qu'elle devait produire sur le soldat, accablé de misère et abattu par les fatigues d'une longue et douloureuse retraite. Il avait gagné trois marches sur l'armée de Koutousov; mais pour ne pas laisser à ce général le temps de l'atteindre, il fallait brusquer le passage, et réussir, sous peine de passer sous les fourches caudines. Arrivé le 25 novembre à Borisov, il se hâta de chercher, au bord de la Bérézina, un lieu propre au passage. Le rétablissement du pont, coupé par Tchitchagov, sous les batteries de l'ennemi, qui dominaient la rive sur laquelle nous étions, paraissant trop difficile et trop long, il se décida à en jeter un à trois lieues au-dessus de Borisov, près du village de Veselovo, à l'endroit même où, cent quatre ans auparavant, Charles XII passa cette rivière.

La réunion des corps venant de Moscou avec ceux aux ordres des maréchaux Oudinot et Victor et la division polonaise, qui n'avait que peu souffert des rigueurs de la saison ou du défaut d'aliments, donnait à l'armée française une force disponible d'à peu près trente-cinq mille combattants, pourvus d'une artillerie considérable encore, et d'une cavalerie sur laquelle on pouvait compter. Trente mille isolés, sans armes, étaient aussi à sa suite, mais l'embarrassaient plus qu'ils ne lui étaient utiles. Avec de tels moyens, Napoléon pouvait espérer de sortir heureusement du danger où il se trouvait, si toutefois il n'était pas attaqué en queue avant l'entière exécution du passage; lorsque trois incidents inattendus ou improbables vinrent encore favoriser ses opérations.

Les deux rives de la Bérézina, sur le point de Veselovo, sont marécageuses et impraticables ailleurs que sur une jetée étroite. Le temps, qui, depuis deux ou trois jours, était au dégel, se remit tout-à-coup à la gelée, et ces marais devenant solides, offrirent sur toute leur surface un passage assuré même pour l'artillerie. D'un autre côté, le général Koutousov, qui pour la vingtième fois venait de commettre la faute de ne pas serrer de près les corps qu'il suivait depuis Moscou, ayant imaginé, on ne sait sur quel fondement[4], que l'armée française, au lieu de passer la Bérézina près de Borisov, voulait la traverser à quinze lieues au-dessous de Cette ville, à Bérézino, sur la route d'Igumen à Minsk, envoya l'ordre à l'amiral Tchitchagov de s'approcher de ce point. Celui-ci, forcé de s'étendre sur sa droite, ne voulant pas cependant trop se dégarnir en face de Borisov, se contenta d'exécuter l'ordre reçu avec seulement une division, et se portale 26 à cinq lieues de là dans la direction qui lui était indiquée. La troisième circonstance favorable à l'armée française, ce fut la mollesse des opérations de l'armée du général Wittgenstein.

Ce général, que rien n'empêchait depuis longtemps de passer sur la rive droite de la Bérézina, et de s'y joindre à Tchitchagov, ainsi que le portaient ses instructions, non seulement resta sur la rive gauche, mais ne sut pas même profiter de sa supériorité numérique pour acculer à la Bérézina les maréchaux Oudinot et Victor. Il fit plus: disposant de quarante-cinq mille hommes, il pouvait accabler le maréchal Victor, qui n'en avait que quinze mille, dans le moment où le maréchal Oudinot marcha sur Borisov au secours du général Dombrowski. Au lieu de cela, il le suivit avec si peu de vigueur, qu'arrivé le 27 à trois heures après midi à trois quarts de lieue de Veselovo, et voyant le passage qui s'effectuait, il ne fit aucune démonstration pour le troubler, remettant l'attaque au lendemain. S'il eût fait la moindre tentative, certainement les pertes de l'armée française auraient été doubles de ce qu'elles furent.

Décidé à passer à Veselovo, Napoléon, dans les journées des 25 et 26, fit toutes les démonstrations nécessaires pour tromper l'ennemi qu'il avait devant lui sur le véritable point d'attaque. Une nombreuse artillerie, placée sur les hauteurs de Borisov ; le mouvement continuel des troupes, au-dessus, au-dessous et dans cette ville; des matériaux considérables réunis sur plusieurs points, trompèrent complètement les Russes, et leur firent croire à la réalité d'un passage aux environs du pont, près duquel ils étaient principalement réunis.

Pendant ce temps, le corps du maréchal Oudinot, dans la nuit du 25 au 26, filait sur Veselovo, où il arriva au point du jour. Napoléon s'y trouva dans le même moment, et fit de suite passer à la nage quelques cavaliers polonais et quelques voltigeurs qui s'engagèrent avec les avant-postes de la division ennemie du général Tchaplitz, que Tchitchagov, dès son arrivée à Borisov, avait envoyé dans cette direction, près de Zembin, pour détruire tous les radeaux ou bateaux sur la Bérézina. Une formidable artillerie fut placée sur la berge élevée de la rivière, afin de battre la plaine marécageuse qui est en face de Veselovo, et empêcher l'ennemi de s'y avancer en masse. Deux ponts furent aussitôt commencés : l'un pour les voitures et les chevaux, l'autre pour les gens de pied. Napoléon présida à tous les travaux; restant constamment, malgré la neige et le vent impétueux qui soufflait, auprès des travailleurs, qu'il dirigeait souvent lui-même. Les sapeurs et les pontonniers, chargés de la construction, s'en acquittèrent avec la bravoure et le talent qui, dans tant d'occasions, ont acquis une réputation si distinguée à ces deux armes. On dut à leur dévouement, qui les porta à passer plusieurs heures dans l'eau pour établir des chevalets, au travers des glaçons que charriait la rivière, le salut de bien des victimes qui eussent indubitablement péri, ou fussent restées prisonnières, si l'achèvement des ponts eût été retardé d'un seul jour. L'ennemi, trompé par les démonstrations qui dans le même temps se faisaient à Borisov, n'envoya aucun renfort vers Veselovo, et le combat des deux avant-gardes vis-à-vis de ce village dura presque toute la journée avec des succès variés. Enfin, un peu avant la nuit, les ponts étant terminés, le maréchal Oudinot, avec le 2e corps, passa, attaqua la division russe qui s'avançait, et la repoussa à une lieue et demie vers Borisov ; Napoléon passa alors avec sa Garde, et se plaça à trois cents toises des ponts, sur la route de Zembin à Vilnius; les troisième et cinquième corps suivirent, et allèrent soutenir le deuxième. Le passage dura toute la nuit, mais lentement ; parce que les ponts, construits de mauvais matériaux pris à la hâte dans les villages voisins, se brisaient souvent.

 

 

Le 27, le passage continua. A midi, le maréchal Victor, ayant laissé la division Partouneaux, du 9e corps, en arrière-garde à Borisov, d'où elle devait partir à la nuit, arriva avec les, divisions Girard et Daendels, et prit position sur les hauteurs de Veselovo, pour couvrir le passage. Vers trois heures, l'avant-garde du général Wittgenstein parut devant le 9e corps, mais n'entreprit rien. La journée se passa sans hostilité de part ni d'autre; seulement le soir, à six heures, la division Partouneaux, en venant sur Veselovo, ayant pris la route de droite au lieu de celle de gauche, tomba, au milieu de la nuit, dans l'armée de Wittgenstein, et cernée, fut contrainte de se rendre au nombre de trois mille cinq cents hommes. Un seul bataillon, resté à Borisov en dernière arrière-garde, arriva sain et sauf à Veselovo.

Le 28 au matin, toutes les troupes armées, à l'exception des deux divisions du 9e corps, avaient passé sur la rive droite; mais il restait encore sur l'autre rive nos parcs, la plus grande partie de notre artillerie, les malades, presque tous les blessés et les hommes sans armes. L'amiral Tchitchagov ayant connu, mais trop tard  le véritable point de passage, réunit son armée dans la journée du 27 ; et le lendemain, dès la pointe du jour, vint attaquer le maréchal Oudinot. Le combat s'engagea avec vivacité. Le maréchal Ney avec le 3e corps, et le prince Poniatowski avec le 5e, soutinrent le 2e et s'engagèrent aussi. La Garde était en réserve. Le maréchal Oudinot ayant été blessé, le maréchal Ney prit le commandement des trois corps réunis. Ce preux des preux, voyant les Russes qui gagnaient du terrain, ordonne une charge générale de la cavalerie; il s'avance vers la division de cuirassiers du général Doumerc, qui faisait partie du 2e corps, alors sur l'autre rive: « Cuirassiers, leur dit-il avec force, c'est ici qu'il faut mourir; mais n'oubliez pas que vous ne devez y laisser que la vie, et l'honneur de la France ne périra point avec vous. » Ces braves cavaliers entendirent un si noble appel à leur courage; une charge vigoureuse, exécutée avec habileté, eut le plus grand succès. Six carrés d'infanterie furent successivement enfoncés, la cavalerie russe, qui accourait au secours de l'infanterie, repoussée ; et, dès-lors, le combat fut tout à notre avantage. A la nuit, l'amiral Tchitchagov, qui ayant déjà engagée ses réserves, se voyait hors d'état de faire un plus grand effort, cessa son feu, et trop maltraité, il ne songea pas le lendemain à recommencer le combat. Quatre mille prisonniers, deux drapeaux, quatre pièces de canon, et la sécurité du passage sur la rive droite, furent le résultat de cette brillante affaire, dans laquelle notre perte fut peu considérable ; le maréchal Oudinot y reçut une balle dans le côté; le général polonais Zayonschek eut la cuisse emportée, et le général Legrand reçut une balle dans l'épaule.

 

 

 

 

 

 

 

Passage de la Bérésina. — Les troupes de Gouvion-Saint-Cyr, réunies à celles de Victor, sauvèrent l'empereur et le reste de l'armée.
Illustration extraite de Les Maréchaux de Napoléon, par Gérard de Beauregard,  Mame, Tours, s.d. (1900)

 

A la rive gauche de la Bérézina, le maréchal Victor fut attaqué à dix heures du matin par le général Wittgenstein, qui, comme on le voit, ne se pressait pas. Malgré l'énorme disproportion du nombre, les deux divisions Girard et Daendels soutinrent le combat avec une opiniâtreté héroïque, et tinrent longtemps la victoire incertaine. Le général Fournier[5], avec sa brigade de cavalerie, exécuta de belles et heureuses charges ; mais enfin la valeur dut céder nombre, et le 9e corps se vit contraint de quitter sa position. La division Daendels passa le pont, et la division Girard, disputant le terrain pied à pied, contint encore les Russes quelque temps. Pendant que nos troupes se battaient sur les deux rives, la petite plaine, à la rive gauche en avant de Veselovo, encombrée d'artillerie , des bagages des corps venant de la Dvina, et de presque tous les malades, blessés ou désarmés, qui n'avaient pu encore passer, offrait un spectacle dont l'horreur est difficile à peindre. A huit heures du matin, le pont réservé pour les voitures et

les chevaux ayant rompu, les bagages et l'artillerie s'avancèrent vers l'autre pont, et voulurent tenter de forcer le passage à travers la foule immense qui s'y pressait. Alors s'engagea une lutte affreuse entre les fantassins et les cavaliers. Beaucoup périrent en s'entre-égorgeant ; un plus grand nombre encore fut étouffé vers l'entrée du pont, et les cadavres des hommes et des chevaux obstruèrent tellement les avenues, que pour s'en approcher, il fallait passer sur le corps de ceux qu'on avait abattu. Il y avait de ces infortunés qui, respirant encore, et pour se relever, saisissaient ceux qui les foulaient aux pieds ; mais ceux-ci pour se dégager les repoussaient avec violence, souvent leur arrachaient un reste de vie; et la multitude qui suivait, semblable à une vague en furie, engloutissait sans cesse de nouvelles victimes.

Quelques boulets et obus envoyés par le corps russe, aux prises avec le maréchal Victor, tombant au milieu de cette foule éperdue, poussèrent l'horreur de cette scène à son dernier période. La terreur et le désespoir s'emparèrent de toutes les âmes; d'épouvantables cris vinrent se mêler au bruit du canon; le carnage du pont s'en augmenta. Hommes, chevaux, canons, tout voulait passer à la fois. Le plus fort jetait dans l'eau le plus faible qui l'empêchait de passer; des centaines de malheureux furent écrasés sous les roues de l'artillerie, ou sous les pieds des chevaux; un grand nombre espérant se sauver à la nage, se gelèrent en traversant la rivière, ou périrent en s'enfonçant avec les glaçons sur lesquels ils s'étaient placés. Parmi ces infortunés, on vit une malheureuse mère, prise au milieu de la glace, ne pouvant plus ni avancer ni reculer. Elle tenait son enfant élevé au-dessus de l'eau, et poussant des cris déchirants appelait à son secours; mais tous les cœurs étaient fermés à la pitié, et personne n'y alla.

La division Girard, qui jusque là avait contenu les Russes, fut à la fin forcée ; et toujours combattant, s'approcha du pont. Il fallait qu'elle passât de suite ou qu'elle se résolût à être prisonnière : la force des armes lui ouvrit bientôt un passage. A travers tous les obstacles, gravissant sur une montagne de cadavres qui obstruaient toutes les issues, elle atteignit la rive droite, où l'ennemi n'aurait pas tardé à la suivre, si dans l'instant elle ne s'était hâtée de brûler le pont. Quinze mille hommes, près de deux cents pièces de canon, presque tous les bagages, tombèrent au pouvoir des Russes.

Ainsi, malgré ses douloureuses pertes, échappa l'armée française aux fourches caudines que ses ennemis lui avaient préparées, et qu'elle eût probablement trouvées sans son intrépidité et les fautes graves des généraux russes. Mais, échappée aux dangers de la Bérézina, elle ne put se soustraire à ceux qui vinrent encore l'assaillir.  

Le froid, qui dès le 26 avait repris un nouveau degré d'intensité[6], augmenta chaque jour davantage, et donna à deux pieds de neige qui couvraient la terre la solidité de la pierre. Les corps qui jusque là s'étaient maintenus en ordre, se débandèrent tout à fait ; les troupes venues des bords de la Dvina éprouvant alors les mêmes souffrances qu'avaient endurées celles qui revenaient de Moscou , suivirent l'exemple général; et bientôt le désordre fut si extrême, que les régiments n'existant plus, on fut obligé de réunir les drapeaux de chaque corps d'armée, et de les faire escorter par quelques officiers et sous-officiers encore armés. A peine put-on trouver quatre mille hommes en armes, qui, sous les ordres de l'infatigable maréchal Ney, furent chargés de l'arrière-garde.

L'action du froid était d'autant plus vive, que le défaut d'aliments affaiblissait horriblement ceux que la fatigue d'une si longue marche épuisait déjà. Depuis que nous étions entrés en Lithuanie, quelques Juifs trouvés dans les petits bourgs que nous traversions avaient procuré quelques vivres à ceux qui pouvaient les payer au poids de l'or; mais c'était au petit nombre; la masse de l'armée subissait des calamités inouïes; et la plus affreuse misère, nivelant tous les rangs, toutes les conditions, condamnait aux mêmes souffrances généraux, officiers et soldats. Les chefs mêmes étaient les plus malheureux. Accoutumés à commander, manquant d'industrie, ils essuyaient de plus dures privations. On les évitait pour se dispenser de leur rendre quelque service; car, dans une telle circonstance, donner un peu d'eau, aider à se relever, laisser approcher d'un feu allumé à grand-peine, étaient des actions trop généreuses ; et le dur égoïsme était l'unique mobile de la conduite de chacun. En vain eussent-ils voulu réclamer leur autorité, elle était méconnue, et s'ils obtenaient de leurs inférieurs un peu de galette cuite sous la cendre, ils étaient obligés de la mendier. A chaque pas on rencontrait de braves officiers, couverts de haillons, appuyés sur des bâtons, les cheveux, les cils et la barbe hérissés de glaçons, se traînants à pas lents; ils imploraient vainement pour les soutenir ces mêmes soldats naguère si généreux, et qui à leur voix se précipitaient si ardemment dans les plus grands dangers; ils en étaient alors abandonnés, et n'obtenaient pas même un regard de pitié. Situation d'autant plus déplorable que quiconque n'avait pas la force de marcher, une heure après, était mort. Il est cependant vrai et juste de dire qu'au milieu de l'endurcissement général que provoquaient sans cesse d'aussi horribles maux, on vit plusieurs exemples de la plus touchante humanité, du dévouement le plus absolu à la discipline; mais ils n'étaient pas fréquents; car le froid, en gelant les membres des hommes, paraissait avoir pénétré jusqu'à leur cœur.

La route était couverte de malheureux enveloppés de lambeaux d'étoffe, de peaux de tous les animaux, de cuirs de chevaux fraîchement écorchés et ruisselant encore de sang. Si un cheval tombait, entouré aussitôt d'une foule de soldats, il était éventré; son sang les abreuvait, et le plus fort ou le plus adroit, parvenu à se tapir dans l'intérieur du corps, après en avoir arraché les intestins, était obligé de se défendre contre tous ceux qui enviaient une place, où pendant quelques instants on ressentait quelque chaleur. Ces misérables avaient à peine conservé la forme humaine, en proie qu'ils étaient à tous les genres de souffrance. Défigurés en outre par la fumée et par le sang des chevaux qu'ils avaient dévorés, ils rôdaient comme des spectres autour des maisons incendiées. Beaucoup avaient perdu l'ouïe, d'autres la parole; on en voyait dont l'esprit était aliéné, venir avec leurs pieds nus se placer sur des charbons ardents; avec un rire convulsif ils se jetaient à travers les flammes et périssaient en poussant d'horribles cris. Le froid était si rigoureux que ceux qui, déjà malades, pressés par quelque besoin, s'arrêtaient, tombaient morts ; ceux dont la santé était plus robuste, s'ils ne prenaient de grandes précautions, perdaient l'usage de leurs doigts, qui se gelaient en voulant rajuster leurs vêtements.

L'ennemi, qui depuis le passage de la Bérézina nous harcelait sans cesse, ajoutait encore à tant de maux. Koutousov et Tchitchagov faisaient poursuivre l'armée française par leur nombreuse cavalerie. Dès le 29, un corps de Cosaques, commandé par le général Lanskoï, ayant dépassé la tête de l'armée, entra dans Pleszczenitzy, où venaient d'arriver le maréchal Oudinot, quelques autres généraux ou officiers blessés, huit carabiniers du 3e régiment italien, et qui s'étaient renfermés dans une maison à l'approche de l'ennemi. Le général Lanskoï, après avoir inutilement essayé de forcer cette maison, autour de laquelle il perdit dix hommes tués, une vingtaine de blessés et un prisonnier, se vit obligé de sortir du bourg, et de faire canonner pendant une heure la maison en bois, devenue une forteresse pour lui. Il n'y fit d'autre dommage que de blesser par un éclat de bois un officier-général qui se trouvait près du maréchal Oudinot. La tête de notre armée ayant paru, les Russes se retirèrent tout-à-fait. Le 30 novembre et le 3 décembre à Chotawiczi, et à Molodetchna[7], la cavalerie russe fit de nouvelles attaques, s'emparant toujours de quelques canons, et d'un grand nombre de malheureux isolés ou moribonds.

Le 5, arrivé à Smorgoni, Napoléon s'étant assuré que la route jusqu'à Vilnius était libre, réunit tous les maréchaux chez lui, remit le commandement de l'armée au roi de Naples, et partit pour se rendre à Paris, accompagné seulement du général Caulaincourt, duc de Vicence; du grand maréchal du palais Duroc, duc de Frioul, et du général Mouton, comte de Lobau. Ceux qui ne virent dans ce départ du chef de l'armée (et ce fut le petit nombre) : que l'homme fuyant le danger, le blâmèrent sans ménagement. Mais ceux qui, plus sages, sentaient que Napoléon en France était seul capable d'imposer aux puissances de l'Allemagne, qui eussent pu fermer tout à fait le passage aux débris de l'armée française sans cette crainte salutaire; ceux-là, disons-nous, s'applaudirent d'un départ qui leur laissait l'espoir de revoir la patrie.

L'armée trouva le 8, à Osmiana, la division du général Loison, composée de troupes françaises et napolitaines, qui venait de Vilnius, envoyée par le duc de Bassano pour éclairer la route. Mais cette division, forte à son départ de dix mille hommes, en avait déjà perdu un tiers par deux jours de marche. Quoique les soldats fussent bien nourris et bien vêtus, le froid en avait tué un grand nombre; et le lendemain, lorsqu'ils firent l'avant-garde, nous les voyons à chaque instant gisants sur la route et déjà gelés. Le 9, l'armée arriva à Vilnius. Elle croyait pouvoir y prendre quelque repos, et surtout y trouver des vivres, mais la fortune n'était point encore lasse de la persécuter. Le même jour, vers le soir, l'ennemi se présenta sur les hauteurs de cette ville, et canonna longtemps la division Loison, quine fut cependant pas forcée; mais le lendemain les Russes s'étant présentés en plus grand nombre, il fallut évacuer Vilnius, et continuer la retraite sur Kaunas, pour y passer le Niémen[8].

Ce séjour de vingt-quatre heures à Vilnius fut une des époques les plus désastreuses de la retraite, sans en excepter même le passage de la Bérézina. Une multitude d'officiers et de soldats avaient épuisé le reste de leur courage pour arriver à une ville dont les immenses magasins offraient à leur imagination l'idée de l'abondance ; ils espéraient avoir le temps d'y réacquérir assez de forces pour reprendre les armes qui échappaient à leurs membres engourdis  et débiles. Mais leur espérance fut cruellement déçue; ils avaient fait le dernier effort, là ils succombèrent. Quatorze mille hommes, hors d'état de se traîner plus loin, restèrent dans les rues ou dans les maisons dans lesquelles ils avaient pu pénétrer. Beaucoup d'entre eux furent impitoyablement égorgés par les juifs de la ville et les cosaques de l'hetman Platov, qui les premiers y entrèrent.

A deux lieues de Vilnius, l'armée trouva près du village de Ponary une montée courte, mais escarpée, que le verglas avait rendue impraticable. Les chevaux attelés ne purent jamais arriver à son sommet, tant elle était glissante, et là nous perdîmes nos derniers bagages, nos derniers canons[9], le trésor, les équipages de Napoléon et les trophées enlevés à Moscou, parmi lesquels se trouvait la fameuse croix d'Ivan, prise au Kremlin. L'avant-garde ennemie, qui attaqua dans cette position notre arrière-garde, s'empara de tous ces objets.

Enfin, le 14 décembre l'armée française atteignit le Niémen, qu'elle avait traversé cinq mois auparavant si brillante et si nombreuse. Depuis la Bérézina elle avait perdu vingt-cinq mille hommes, et ses débris n'excédaient pas un pareil nombre, dont à peu près les deux tiers n'avaient point été à Moscou,

Le 15, l'hetman Platov se présenta devant Kaunas, qu'il fit vivement canonner. Le maréchal Ney et le général Gérard[10] y étaient encore avec ce qu'ils avaient pu réunir d'hommes armés. A la tête de cette poignée de braves, ces deux intrépides généraux soutinrent jusqu'au dernier instant l'honneur du nom français, et longtemps continrent l'ennemi. Platov ne pouvant pénétrer par la rive droite, fit passer un régiment de Cosaques sur la glace, afin d'attaquer la ville par la rive gauche du Niémen. La Garde, placée au pont pour en défendre les approches, épouvantée de ce mouvement, qui allait la cerner, prit la fuite, et les Cosaques seraient entrés de ce côté si le maréchal, qui s'y rendait, ne les eût arrêtés avec les officiers de son état-major, faisant feu sur eux avec quelques fusils abandonnés qu'il trouva sur le terrain. Pendant ce temps, un détachement envoyé par le général Gérard arriva, et les Cosaques furent contenus tout le reste de la journée ; dans la nuit, Kaunas fut évacué. Dès que l'ennemi eut touché le territoire prussien, sa poursuite devint moins vive, et les débris de l'armée se dirigeant sur la Vistule purent prendre enfin quelque repos dans les forteresses que nous avions sur ce fleuve, et qu'ils occupèrent au 27 décembre.

Telle fut cette longue et horrible retraite, que ses épouvantables désastres ont rendu à jamais célèbre, et dont, depuis l'expédition de Cambyse, l'histoire n'offre point d'exemple. Quatre cent soixante mille hommes[11], Français ou alliés, combattants ou employés d'administration; neuf cent cinquante pièces de canon entrèrent en Russie et poussèrent jusqu'à Moscou ou la Dvina ; vingt-cinq mille hommes seulement et une vingtaine de pièces d'artillerie repassèrent le Niémen. Les corps d'armée qui sous les ordres de Napoléon obtinrent le dangereux honneur de planter l'aigle française sur les remparts du Kremlin, assaillis par toutes les calamités pendant cinquante-sept jours que dura leur marche rétrograde jusqu'au Niémen, parcoururent un espace de deux cent soixante lieues, à travers un pays dont les ravages de la guerre et la rigueur de la saison avaient déjà fait le plus affreux désert.   


[1] Qui peut nier que l'influence russe n'ait remplacé l'influence française sur le continent ?

[2] Ancien nom du Dniepr

[3] Le jour où l'armée quitta Orsza, Napoléon sentant la nécessité de rallier ses troupes pour surmonter l'obstacle qui s'opposait à son passage, fit publier que tous les traînards quine rejoindraient pas leur régiment seraient punis de mort. Haranguant, sur les hauteurs d'Orsza, la Garde impériale, celui des corps de l'armée qui avait conservé le plus d'ordre dans cette terrible retraite, il la complimentait sur son courage à supporter tant de maux. La musique, la seule peut-être qui alors pût se faire entendre, joua dans ce moment : Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ? air favori qu'elle faisait entendre toutes les fois que Napoléon passait la revue, ou se trouvait au milieu de sa Garde. « Enfants! » s'écria Napoléon avec une grande énergie, jouez, et répétons tous : Veillons au salut de l'Empire! » Ce fut à Orsza où Napoléon, ayant à peu près perdu toute sa cavalerie, excepté cinq à six cents hommes de la Garde, réunit en corps tous les officiers de cette arme qui avaient conservé un cheval et les forma en compagnies. Cet escadron sacré, ainsi qu'il l'appela, lui servit d'escorte.

[4] Certains auteurs qui ont écrit sur le passage de la Bérézina ont prétendu que Koutousov n'avait donné ce faux avis que pour se venger de Tchitchagov, qui lui avait enlevé le commandement de l'armée du Danube contre les Turcs.

[5] En 1820 lieutenant-général, inspecteur d'infanterie.

[6] En passant à Vilnius, on nous assura que, depuis le 29 novembre, le froid s'était constamment soutenu de vingt-trois à vingt-six degrés au-dessous de glace; et, le jour de notre arrivée en cette ville, le thermomètre de Réaumur marquait vingt-huit degrés

[7] Ce fut à Molodetchna que Napoléon traça ce célèbre vingt-neuvième bulletin de l'armée, qui mit en deuil la France et tous ses alliés.

[8] Voici un trait qui prouve jusqu'à quel point la cavalerie légère russe craint la résistance du plus petit nombre de fantassins français lorsqu'il est réuni.
Au milieu du désordre qu'avait excité l'évacuation subite de Vilnius et l'apparition du corps entier de Platov dans l'intérieur de la ville, un piquet de quarante hommes, commandé par un officier, avait été oublié au pont de la Wilia. Tout à coup, ce piquet paraît, chasse devant lui les cavaliers qu'il rencontre, et arrive sur la grande place, où il se trouve en face de plus de deux mille hommes. L'officier ne s'épouvante pas ; il fait battre la charge, et, la baïonnette en avant, sa troupe s'avance résolument. Tout fuit devant elle : les rues par où elle passe sont à l'instant évacuées, et cette intrépide poignée d'hommes sort de la ville et rejoint l'arrière-garde de l'armée sans accident.

[9] Quelques pièces parvinrent à s'échapper en tournant par la droite cette difficile montée de Ponary.

[10] En 1820 lieutenant-général en disponibilité. 

[11] Nous ne comptons pas ici le corps autrichien de l'aile droite, dont nous avons parlé, ni le corps prussien de l'aile gauche qui, sous le maréchal Macdonald, occupa la Courlande ; ces deux corps, composés d'étrangers, formaient un total, en entrant en Russie, de cent quinze mille hommes et de deux cent trente pièces de canon. N'ayant livré ni autant de combats, ni souffert tant de maux, leurs pertes furent peu considérables.

 

 

Extrait de Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu'en 1815, ou Anniversaires de la valeur française. Novembre. par une société de militaires et de gens de lettres, 1820 Pillet aîné (Paris) 1818-1820.
Nous avons modernisé l'orthographe et les noms des lieux, ainsi que quelques autres éléments trop datés de 1820. Nous avons également fait quelques ajouts.

STUDIANKA

Rive gauche (orientale) de la Bérézina

A l'ouest de la route P63 de Borisov à Zembin, au nord du pont sur la « Rivière de Sang », ce monument avec une plaque dont le texte en russe est :
« Ici, les 26-28 novembre 1812, l’armée russe à détruit les troupes françaises en retraite au passage de la rivière Bérézina. » (sic !)
Le monument date du 150e anniversaire et se trouve en 54° 19’ 53" N, 28° 21’ 53.63" E, à 120m au N du chemin conduisant à Studianka .

 


Au carrefour de la route P63 de Borisov à Zembin et du chemin conduisant à Studianka, croix orthodoxe en bois.

 

Le long du chemin qui descend vers Studianka à partir de la route P63 qui va de Zembin à Borisov.

 

Le long du même chemin, à côté du monument suisse.

 


Monument dit "Aux Suisses", en fait à tous les combattants qui n’eurent pas de linceul, c'est pourquoi le guerrier est représenté nu.
Il a été inauguré le 17 novembre 2002 et est l'œuvre des artistes Artimocich, Morozov et Novik.

 

Dans ce combat d'aigles, difficile de discerner la nationalité de celui-ci... qui pourrait avoir un comportement de vautour.

 

 

L'entrée est de Studianka. C'est par ici que les troupes françaises ont atteint le hameau.

 

 

En arrivant à Studianka, à partir de NE, chemin suivi par les troupes françaises.

 

 


Arrivé à la rivière, un regard en arrière sur le village, vers la route P63.

 

En arrivant au gué de Studianka. A droite sur la photo, on discerne à droite le monument à Koutousov.
C'est ici que le génie construisit, sous le commandement du général Éblé, le premier pont, parfois appelé « pont d’aval », à l’artillerie, au train et à la cavalerie.

 

 

Panorama du gué et du village de Studianka, toujours à hauteur du pont d'aval. On distingue le puits devant le monument Koutousov, à gauche du sentier.

 


 

Le monument russe de 1962, près de l’endroit du pont d'aval, réservé à l’artillerie, au train et à la cavalerie. Un premier monument avait été érigé ici en 1901 par I.K. Kolodeiev.

« Ici, sur la Bérézina, les 14-16 / 26-28 novembre 1812, l’armée russe, commandée par M. I. Koutouzov, anéantit les troupes napoléoniennes. Que vive à jamais la mémoire des exploits des peuples de Russie qui ont sauvé l’honneur et l’indépendance de leur pays. »

Devant le monument se trouve le puits.
A droite de l'image, le sentier conduisant vers le pont en amont.

Il ne reste pas de traces de la maison, près de là, où Napoléon passa la nuit du 26 au 27 novembre.

 

Le village, du même endroit, en regardant vers le sud (Borisov).

150 m plus au NO, en suivant le chemin, on arriva au monument près du second pont, ou « pont en amont ». Celui-ci servit au passage de l’infanterie.

Ici aussi, un monument érigé en 1901 par Kolodiev, fut détruit en 1962. (La petite plaque noire le mentionne.)
(54°19'35.29"N  28°21'14.73"E)

 


Plaques à l'ouest

Médaillon d'Alexandre Ier au sud.

ICI
EMPEREUR
NAPOLEON
AVEC SON ARMÉE
PASSAIT PAR LA RIVIÈRE
DE BEREZINA LE 14 LE 15
ET LE 16 NOVEMBRE
1812.
(sic)
 Au dessous, en plus de la référence au monument détruit en 1962, « Restauration effectuée par le personnel de l'Institut de Formation Professionnelle du Ministère de la sécurité civile de la République Biélorussie. 17 novembre 2002. »

 

 

Médaillon de Napoléon au nord.


Autre plaque à l'est.

 

 

Le gué de Studianka à hauteur du pont en amont ou pont de l'infanterie. La Bérézina coule de droite à gauche.

 

Cimetière de Studianka

 

En bordure du cimetière du village, au sud de celui-ci, en 54°19'14.42"N  28°22' 03.23"E,

 

ICI REPOSENT LES RESTES MORTELS DE SOLDATS ET DE CIVILS
DE LA GRANDE ARMÉE, TOMBÉS PENDANT LA CAMPAGNE DE RUSSIE EN 1812.


 

 223 soldats réinhumés en novembre 2007

 

Ces soldats de la Grande Armée retrouvés près du village de Selichtchi (district de Vilieïka), à 94 km à l'ouest de Studianka.

 

108 soldats et civils réinhumés en novembre 2008

 

 

Ces victimes de 1812 ont été retrouvés dans la région de Borisov.

Une troisième tombe, contenant les restes de 110 soldats de la Grande Armée, a été ajoutée depuis. Ils ont été inhumés au cours d’une cérémonie funéraire le 2 novembre 2012. Les ossements avaient été découverts en mai 2012 à la frontière des districts de Logoysk et de Vileika. 22 boutons ont  permis de dire qu'il s'agit des restes de soldats des 12e , 21e , 36e et 46e de Ligne. D’autres boutons retrouvés sont attribués au 3e d’infanterie suisse et à des dragons des troupes italiennes. Les corps ont été retrouvés près du village de Gorbovtchina, à proximité immédiate de Nestanovitch (où les troupes du prince Eugène établirent leur bivouac le 30 novembre et celles du maréchal Victor (9e corps) le 1er décembre) et Zavichino (où passa, l’arrière-garde  de Ney, le 2 décembre).

 

Il y a une grande ironie à avoir enterré ici ces soldats. Je ne sais pas si elle est volontaire, mais imaginez... Tous ces soldats ont bel et bien réussi à franchir le principal obstacle que constituait la Bérézina. Ils ont donc peut-être cru avoir fait un pas important vers la liberté. Malgré cela, ils sont morts dans la suite de la retraite. Et voilà qu'après leur mort, on les renvoie sur la rive est de la Bérézina, celle qu'ils avaient eu tant de mal à quitter !

 

Lieu des combats au SE de Studianka. A droite, le nouveau pont qui remplace le pont sur la "rivière de sang".

BRILL
Rive droite (occidentale) de la Bérézina

 

Pierre avec plaque commémorative à l'entrée de la zone des monuments à Brill en 54°18'40.54"N  28°21'15.90"E.

Monument russe aux 7e (Irkoutski), 10e (Ouralski) et 12e (Saratowski) régiments d’infanterie, érigé en 1912 et détruit en 1920. Une pierre du monument d'origine a été réutilisée dans le nouveau monument, construit en 1992. 
(54°18'43.81"N  28°21'13.72"E)

 

 

« À nos aïeux glorieux des 7e, 10e et 12e régiments morts pendant la bataille du passage de la Bérézina.
Les familles reconnaissantes des régiments d’infanterie Irkouski, Ouralski et Saratowski. »

 

 

 

L’aigle russe bicéphale : une tête regarde vers l'occident, une vers l'orient.
 

 

Vue sur la Bérézina à partir du monument russe aux 7e (Irkoutski), 10e (Ouralski) et 12e (Saratowski) régiments d’infanterie.

La croix orthodoxe que l'on voit à l'extrême gauche sur la photo ci-dessus, 70 m au NNE du monument. Il s'agit vraisemblablement d'une tombe d'un soldat inconnu russe.

 

 

 

Idem, un peu plus près de la rivière.

 

120 m plus au nord-ouest, autre monument russe érigé en 1962, œuvre de l’artiste N. Ryzhenkov.
(54°18'46.60"N  28°21'9.31"E)

 

« Au passage de la Bérézina par l’armée napoléonienne,
les 26-28 /14-16 novembre 1812, les troupes russes,
dans les batailles de Borisov, Studianka et Stakhovo,
ont achevé la destruction des restes de l’armée napoléonienne. 1812-1962. »

 

 

 

 

"ICI L’ARMÉE DE NAPOLÉON
A FRANCHI LA BÉRÉZINA
26-29 NOVEMBRE 1812
HOMMAGE AUX SOLDATS QUI
DISPARURENT ALORS
                      
FERNAND BEAUCOUR
                              DIRECTEUR DU CENTRE
                     D’ÉTUDES NAPOLÉONIENNES
                                                               PARIS"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 16 novembre 1997 a été inauguré, à l’initiative du Centre d’études napoléoniennes, présidé par Fernand Beaucour, un monument commémoratif aux soldats de la Grande Armée, œuvre du sculpteur biélorusse Ivan Misko.
Il a été réalisé grâce à une souscription privée et se trouve au lieu dit « Brilevskoie Pole », en 54°18'50.06"N  28°21'5.67"E.

 

Détails du monument : aigle et shako français.

 

 

Vue sur la Bérézina à partir du monument français.

A droite du monument, la tombe d'un soldat français inconnu.

 

 ICI ONT ÉTÉ INHUMÉS, SYMBOLIQUEMENT, EN NOVEMBRE
2006, LES RESTES MORTELS D’UN SOLDAT DE LA GRANDE
ARMÉE, TOMBÉ EN TERRE BIÉLORUSSE, EN 1812.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'auteur de ce site au monument français créé par Fernand Beaucourt, à Brill.

 

 

Vue sur la Bérézina et Studianka, de la rive occidentale (Brill).

Sur la droite de la photo se trouvent quelques tertres ou kourgans qui sont sans doute des tombes creusées en février-mars 1813 pour les morts de la bataille de novembre 1812.

 

  Les charges de cavalerie du général Doumerc eurent lieu vers la gauche, vers Brill.

 

ZEMBIN

 


Ruines de l’église du couvent dominicain.

 

Cliquez sur la photo pour l'agrandir.

 

 

 
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.

 

L'église en ruines de Zembin. Elle a vu le passage des troupes françaises. Ici fut enterré le général Savetier de Candras.

 

"Ruines de l’église du couvent dominicain avec, sur le pignon de la façade, statue de la Vierge. Dans son ouvrage Description de la région de Borisov (Vilna, 1847), E. Tyszkevitch écrit que se trouvait dans l’église de ce couvent la dépouille mortelle d’un officier de haut grade de l’armée française, probablement celle d’un général mortellement blessé au passage de la Bérézina. Il fut laissé à Zembin et enterré à cet endroit. On peut penser qu’il s’agit du général français tué, sur cette rive, dans ces journées : Savetier de Candras." (Guide Napoléon)
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les rues de Zembin, parcourues par les soldats français en retraite.

 

On voit ici sur la droite la grande bâtisse, non loin de l’église, ancien restaurant ou bistro qui existait déjà en 1812 situé sur la route empruntée par les Français, telle que mentionnée dans le Guide Napoléon.

Les traductions des textes russes proviennent du "Guide Napoléon". Si vous avez des ajouts (certains textes sont incomplets) ou des corrections concernant ces inscriptions, n'hésitez pas à me les communiquer : dominique.timmermans@skynet.be

 

Un héros de cette bataille, le colonel Ferjeux Fortier, dit "Fortier de la Bérésina"

 

 

A la cathédrale Notre-Dame de Kazan à Saint-Pétersbourg sont conservés le drapeau (modèle 1812) et l'aigle du 14e Cuirassiers, capturés à la Bérézina par le régiment des Dragons de St-Pétersbourg. Le Régiment perdit à cette bataille 5 officiers tués, 1 blessé mortellement et 11 officiers blessés. On se rappellera que ce régiment était l'ancien 2de Kurassiers du Royaume de Hollande, devenu 14e Cuirassiers en juin 1810.

 

29e Bulletin de la Grande Armée, Molodetchna, 3 décembre 1812

 

Jusqu'au 6 novembre, le temps a été parfait, et le mouvement de l'armée s'est exécuté avec le plus grand succès. Le froid a commencé le 7 ; dès ce moment, chaque nuit nous avons perdu plusieurs centaines de chevaux, qui mouraient au bivouac. Arrivés à Smolensk, nous avions déjà perdu bien des chevaux de cavalerie et d'artillerie. L'armée russe de Volhynie était opposée à notre droite. Notre droite quitta la ligne d'opération de Minsk, et prit pour pivot de ses opérations la ligne de Varsovie. L'empereur apprit à Smolensk, le 9, ce changement de ligne d'opération, et présuma ce que ferait l'ennemi. Quelque dur qu'il lui parût de se mettre en mouvement dans une si cruelle saison, le nouvel état des choses le nécessitait. Il espérait arriver à Minsk, ou du moins sur la Berezina, avant l'ennemi ; il partit le 13 de Smolensk ; le 16 il coucha à Krasnoï. Le froid qui avait commencé le 7, s'accrut subitement et du 14 au 15 et au 16 le thermomètre marqua 16 et 18 degrés au-dessous de glace. Les chemins furent couverts de verglas ; les chevaux de cavalerie, d'artillerie, de train, périssaient toutes les nuits, non par centaines mais par milliers, surtout les chevaux de France et d'Allemagne. Plus de trente mille chevaux périrent en peu de jours ; notre cavalerie se trouva toute à pied ; notre artillerie et nos transports se trouvaient sans attelages. Il fallut abandonner et détruire une bonne partie de nos pièces et de munitions de guerre et de bouche.

Cette armée, si belle le 6, était bien différente dès le 14, sans cavalerie, sans artillerie, sans transports. Sans cavalerie, nous ne pouvions pas nous éclairer à un quart de lieue ; cependant, sans artillerie, nous ne pouvions pas risquer une bataille et attendre de pied ferme ; il fallait marcher pour ne pas être contraint à une bataille, que le défaut de munitions nous empêchait de désirer ; il fallait occuper un certain espace pour ne pas être tournés, et cela sans cavalerie qui éclairât et liât les colonnes. Cette difficulté, jointe à un froid excessif subitement venu, rendit notre situation fâcheuse. Des hommes que la nature n'a pas trempés assez fortement pour être au-dessus de toutes les chances du sort et de la fortune parurent ébranlés, perdirent leur gaieté, leur bonne humeur, et ne rêvèrent que malheurs et catastrophes ; ceux qu'elle a créés supérieurs à tout conservèrent leur gaieté et leurs manières ordinaires, et virent une nouvelle gloire dans des difficultés différentes à surmonter.

L'ennemi, qui voyait sur les chemins les traces de cette affreuse calamité qui frappait l'armée française, chercha à en profiter. Il enveloppait toutes les colonnes par ses cosaques, qui enlevaient, comme les Arabes dans les déserts, les trains et les voitures qui s'écartaient. Cette méprisable cavalerie, qui ne fait que du bruit et n'est pas capable d'enfoncer une compagnie de voltigeurs, se rendit redoutable à la faveur des circonstances. Cependant l'ennemi eut à se repentir de toutes les tentatives sérieuses qu'il voulut entreprendre ; il fut culbuté par le vice-roi, au-devant duquel il s'était placé, et il y perdit beaucoup de monde.

Le duc d'Elchingen (Ney), qui avec trois mille hommes faisait l'arrière-garde, avait fait sauter les remparts de Smolensk. Il fut cerné et se trouva dans une position critique ; il s'en tira avec cette intrépidité qui le distingue. Après avoir tenu l'ennemi éloigné de lui pendant toute la journée du 18 et l'avoir constamment repoussé, à la nuit il fit un mouvement par le flanc droit, passa le Borysthène et déjoua tous les calculs de l'ennemi. Le 19, l'armée passa le Borysthène à Orcha, et l'armée russe, fatiguée, ayant perdu beaucoup de monde, cessa là ses tentatives.
L'armée de Volhynie s'était portée, dès le 16, sur Minsk et marchait sur Borisov. Le général Dombrowski défendit la tête de pont de Borisov avec trois mille hommes. Le 23, il fut forcé et obligé d'évacuer cette position. L'ennemi passa alors la Berezina, marchant sur Bobr ; la division Lambert faisait l'avant-garde. Le 2e corps, commandé par le duc de Reggio (Oudinot) qui était à Tchareya, avait reçu l'ordre de se porter sur Borisov pour assurer à l'armée le passage de la Berezina. Le 24, le duc de Reggio rencontra la division Lambert à quatre lieues de Borisov, l'attaqua, la battit, lui fit deux mille prisonniers, lui prit six pièces de canon, cinq cents voitures de bagages de l'armée de Volhynie, et rejeta l'ennemi sur la rive droite de la Berezina. Le général Berkheim, avec le 4e de cuirassiers, se distingua par une belle charge. L'ennemi ne trouva son salut qu'en brûlant le pont, qui a plus de trois cents toises.

Cependant l'ennemi occupait tous les passages de la Berezina : cette rivière est large de quarante toises ; elle charriait assez de glaces, et ses bords sont couverts de marais de trois cents toises de long, ce qui la rend un obstacle difficile à franchir. Le général ennemi avait placé ses quatre divisions dans différents débouchés où il présumait que l'armée française voudrait passer.
Le 26, à la pointe du jour, l'Empereur, après avoir trompé l'ennemi par divers mouvements faits dans la journée du 25, se porta sur le village de Stoudienka, et fit aussitôt malgré une division ennemie et en sa présence, jeter deux ponts sur la rivière. Le duc de Reggio passa, attaqua l'ennemi et le mena battant deux heures ; l'ennemi se retira sur la tête de pont de Borisov. Le général Legrand, officier du premier mérite, fut blessé grièvement, mais non dangereusement. Toute la journée du 26 et du 27 l'armée passa.

Le duc de Bellune, commandant le 9e corps, avait reçu ordre de suivre le mouvement du duc de Reggio, de faire l'arrière-garde et de contenir l'armée russe de la Dvina qui le suivait. La division Partouneaux faisait l'arrière-garde de ce corps. Le 27, à midi, le duc de Bellune arriva avec deux divisions au pont de Stoudienka.
La division Partouneaux partit à la nuit de Borisov. Une brigade de cette division, qui formait l'arrière-garde et qui était chargée de brûler les ponts, partit à sept heures du soir ; elle arriva entre dix et onze heures ; elle chercha sa première brigade et son général de division, qui étaient partis deux heures avant et qu'elle n'avait pas rencontrés en route. Ses recherches furent vaines : on conçut alors des inquiétudes. Tout ce qu'on a pu connaître depuis, c'est que cette première brigade, partie à cinq heures, s'est égarée à six ; a pris à droite au lieu de prendre à gauche, et a fait deux ou trois lieues dans cette direction ; que, dans la nuit et transie de froid, elle s'est ralliée aux feux de l'ennemi, qu'elle a pris pour ceux de l'armée française ; entourée ainsi, elle aura été enlevée. Cette cruelle méprise doit nous avoir fait perdre deux mille hommes d'infanterie, trois cent chevaux et trois pièces d'artillerie. Des bruits courraient  que le général de division n'était pas avec sa colonne et avait marché isolément.

Toute l'armée ayant passé le 28 au matin, le duc de Bellune gardait la tête de pont sur la rive gauche ; le duc de Reggio, et derrière lui toute l'armée, était sur la rive droite.

Borisov ayant été évacuée, les armées de la Dvina et de Volhynie communiquèrent ; elles concertèrent une attaque. Le 28, à la pointe du jour, le duc de Reggio fit prévenir l'Empereur qu'il était attaqué ; une demi-heure après, le duc de Bellune le fut sur la rive gauche ; l'armée prit les armes. Le duc d'Elchingen se porta à la suite du duc de Reggio, et le duc de Trévise derrière le duc d'Elchingen. Le combat devint vif ; l'ennemi voulut déborder notre droite. Le général Doumerc, commandant la 5e division de cuirassiers, et qui faisaient partie du 2e corps resté sur Dvina, ordonna une charge de cavalerie aux 4e et 5e régiments de cuirassiers, au moment où la légion de la Vistule s'engageait dans les bois pour percer le centre de l'ennemi, qui fut culbuté et mis en déroute. Ces braves cuirassiers enfoncèrent successivement six carrés d'infanterie et mirent en déroute la cavalerie ennemie qui venait au secours de son infanterie : six mille prisonniers, deux drapeaux et six pièces de canon tombèrent en notre pouvoir.
De son côté le duc de Bellune fit charger vigoureusement l'ennemi, le battit, lui fit cinq à six cents prisonniers, et le tint hors de portée du canon du pont. le général Fournier fit une belle charge de cavalerie.
Dans le combat de la Berezina, l'armée de Volhynie a beaucoup souffert. Le duc de Reggio a été blessé ; sa blessure n'est pas dangereuse : c'est une balle qu'il a reçue dans le côté.

Le lendemain 29, nous restâmes sur le champ de bataille. Nous avions à choisir entre deux routes, celle de Minsk et celle de Vilna. La route de Minsk passe au milieu d'une forêt de marais incultes, et il eût été impossible à l'armée de s'y nourrir. La route de Vilna, au contraire, passe dans de très bons pays. L'armée, sans cavalerie, faible en munitions, horriblement fatiguée de cinquante jours de marche, traînant à sa suite ses malades et les blessés de tant de combats, avait besoin d'arriver à ses magasins. Le 30, le quartier général fut à Plechtchennitsy ; le 1er décembre, à Staïki ; et le 3, à Molodetchna, où l'armée a reçu ses premiers convois de Vilna.
Tous les officiers et soldats blessés, et tout ce qui est embarras, bagages, etc. ont été dirigés sur Vilna.

Dire que l'armée a besoin de rétablir sa discipline, de se refaire, de remonter sa cavalerie, son artillerie et son matériel, c'est le résultat de ce qui vient d'être fait. Le repos est son premier besoin. Le matériel et les chevaux arrivent. Le général Bourcier a déjà plus de vingt mille chevaux de remonte dans différents dépôts. L'artillerie a déjà réparé ses pertes. Les généraux, els officiers et les soldats ont beaucoup souffert de la fatigue et de la disette. Beaucoup ont perdu leurs bagages par suite de la perte de leurs chevaux ; quelques-uns par le fait des embuscades des cosaques. Les cosaques ont pris nombre d'hommes isolés, d'ingénieurs-géographes qui levaient des positions, et d'officiers blessés qui marchaient sans précaution, préférant courir des risques plutôt que de marcher posément et dans des convois.
Les rapports des officiers généraux commandant les corps feront connaître les officiers et les soldats qui se sont le plus distingués, et les détails de tous ces mémorables événements.

Dans tous ces mouvements, l'Empereur a toujours marché au milieu de sa Garde, la cavalerie commandée par le maréchal duc d'Istrie, et l'infanterie commandée par le duc de Dantzig. Sa Majesté a été satisfaite du bon esprit que sa garde a montré : elle a toujours été prête à se porter partout où les circonstances l'auraient exigé ; mais les circonstances ont toujours été telles que sa simple présence a suffi et qu'elle n'a pas été dans le cas de donner.
Le prince de Neuchâtel, le grand Maréchal, le grand écuyer, et tous les aides de camp et les officiers militaires de la maison de l'Empereur ont toujours accompagné Sa Majesté.
Notre cavalerie était tellement démontée que l'on a dû réunir les officiers auxquels il restait un cheval pour en former quatre compagnies de cent cinquante hommes chacune. Les généraux y faisaient les fonctions de capitaine, et les colonels celles de sous-officiers. Cet escadron sacré, commandé par le général Grouchy, et sous les ordres du roi de Naples, ne perdait pas de vue l'Empereur dans tous ses mouvements.

La santé de Sa Majesté n'a jamais été meilleure.

 

Cartes : Johnston, Alex. Keith, Atlas to Alison's History of Europe, William Blackwood and Sons, Edinburgh and London,  1848 et 1850.

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