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Ligny : l'ultime victoire
L'armée prussienne s'est déployée le
long de la crête de faible hauteur qui sépare les bassins de la
Meuse et de l'Escaut et qui va de Wagnelée à Balâtre, soit une
distance de 8 km à vol d'oiseau. Mais en réalité, ce front est
beaucoup plus long, étant donné qu'il suit les méandres de la Ligne,
un ruisseau qui traverse plusieurs villages solidement bâtis et
fortement défendus.
Napoléon, accompagné du géomètre
Simon, établit son observatoire au moulin Naveau, d'où il découvre
l'ampleur du dispositif mis en place par Blücher. Il constate une
certaine faiblesse de l'aile droite prussienne ; c'est contre
celle-ci qu'il va lancer, deux heures plus tard, sa première attaque
et tenter ainsi de rendre possible sa jonction avec Ney aux Quatre
Bras.
Entre-temps, Blücher, qui a installé
son quartier général au presbytère de Sombreffe, a rencontré le duc
de Wellington au moulin de Bussy — aujourd'hui disparu — sur les
hauteurs de Brye, d'où on découvrait la Vallée de la Ligne et sur
l'horizon les premières maisons de Fleurus et son moulin.
On possède peu de renseignements sur
cette entrevue. Wellington aurait fait la promesse de soutenir
Blücher, mais il semble bien que le duc voulait surtout s'assurer
que les Prussiens accepteraient la bataille. En fait, aucune
disposition stratégique n'aurait été convenue entre les deux chefs
d'armée.
GERARD sauvé par le fils de GROUCHY
Les premières escarmouches éclatèrent
aux avant-postes peu avant midi. A peine arrivé sur le champ de
bataille, le général Gérard et quelques officiers poussèrent une
reconnaissance vers Ligny. A l'approche des lignes prussiennes, ils
furent surpris par un détachement du 5e Uhlans. Le général
Saint-Remy fut mortellement frappé de sept coups de lance et Gérard
renversé de cheval, mais sauvé par un escadron de chasseurs du 12e
régiment, commandé par le fils du maréchal Grouchy.
Le général vint alors saluer
l'Empereur et lui avoua, très embarrassé, la trahison de Bourmont
pour qui il s'était porté garant. L'Empereur ne fut pas trop surpris
et lui dit simplement: «Les bleus sont toujours les bleus et les
blancs sont toujours les blancs.»
Le champ de bataille du 16 juin est
plus étendu que celui de Waterloo. Ligny, qui en est le centre, est
décrit comme suit par W. Aerts : ... «deux rues parallèles au
ruisseau, l'une au nord, l'autre au sud, une église en contre-haut
avec un petit cimetière, de grosses fermes, des grandes
monumentales, pierre et chaume, des allées, des angles et des
culs-de-sac, des fossés, des haies et des murs, au centre un pont de
pierre. A l'extrémité occidentale du village, à 700 mètres de
l'église, s'élevait le château, propriété des comtes de Looz,
construction massive, déjà ruinée, en partie».
De son observatoire, Napoléon suivait
les mouvements de ses troupes s'avançant vers leurs positions : le
3e corps de Vandamme et la division Girard, en avant de Saint-Amand,
le 4e corps de Gérard avec les divisions Vichery et Pêcheux face à
Ligny et à l'aile droite, les divisions Hulot et Maurins avec les
dragons d'Exelmans, enfin, à l'extrême droite Pajol et ses hussards.
La Garde — 23 bataillons, 15
escadrons et 120 pièces — ainsi que les cuirassiers de Milhaud — 24
escadrons et 12 pièces — restèrent en réserve à Fleurus, non loin du
cimetière.
GIRARD mortellement blessé
Le plan de Blücher semblait consister
à tenir ferme à Ligny et Saint-Amand pour occuper l'armée française
en vue de tourner la gauche de celle-ci par Wagnelée.
Il est 15 heures et Napoléon vient de
donner le signal de l'attaque. A l'aile gauche, Vandamme est le
premier à engager le 3e Corps. Il lance la division Lefol contre les
fantassins de Jagow... et sans préparation d'artillerie. Les
Français rejettent les Prussiens au-delà du ruisseau «La Ligne». Ils
le traversent, mais pris sous le feu de l'ennemi, ne peuvent
déboucher du village de Saint-Amand. La division française de
Berthezène vient en renfort, mais échoue contre le cimetière
fortement défendu. La division Girard intervient alors
vigoureusement et s'empare du hameau de La Haye et menace très
sérieusement la gauche prussienne. Blücher réagit et lance quatre
brigades du 1er Corps de Pirch II qui réussissent à déloger les
Français, alors que le 12e d'infanterie prussien de Steinmetz
attaque pour la troisième fois le village et s'y installe.
C'est à ce moment que le général
Girard, à la tête de sa 1re brigade reprend l'offensive... «une
fusillade des plus meurtrières s'engage avec les Prussiens, des
généraux, des officiers, des soldats tombent ; Girard, déjà atteint
de deux fortes contusions, reçoit un troisième coup de feu... La
même balle lui avait fracturé le bras droit, passé sous l'épaule et
s'était fixée dans la colonne vertébrale.» Transporté à Paris,
Girard mourut le 27 juin. Un décret impérial du 21 juin l'avait fait
Duc de Ligny... Il n'eut pas connaissance de cette distinction et
ce ne fut qu'en 1873 que sa fille découvrit ce décret. D'autre part,
le legs de 100.000 F que l'Empereur accorda à sa veuve et à ses
enfants ne fut jamais honoré !
LR.
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