Et après ?

 

Après Waterloo, Louis XVIII peut quitter son refuge gantois et rentrer aux Tuileries. La Seconde Restauration ne sera pas plus affable que la première, mais si le maréchal Ney payera de sa vie son ralliement, d'autres, tel Soult, poursuivront une brillante carrière. Par le premier traité de Paris du 30 mai 1814, la France avait été ramenée à ses frontières du 1er janvier 1792. Complété à La Haye le 21 juillet 1814, ce traité prévoyait de rattacher au royaume des Pays-Bas les départements qui, en 1830, formeront la Belgique. Ainsi en décidera d'ailleurs le Congrès de Vienne. La prudente auto proclamation du roi Guillaume 1er comme roi des (grands) Pays-Bas et grand-duc de Luxembourg après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, est confirmée par le second traité de Paris du 2 novembre 1815, lequel y rattache également l'ancien duché de Bouillon et les cantons hennuyers et namurois de Dour, Merbes-le-Château, Beaumont, Chimay, Walcourt, Florennes, Philippeville, Couvin, avec Mariembourg, Beauraing et Gedinne qui, en vertu du 1er traité de Paris, étaient restés français.

 

Les monarques d'ancien régime se sentent raffermis sur leurs trônes, de Moscou à Londres, en passant par Vienne, Berlin, la Saxe, Hanovre, Parme, Copenhague, La Haye, le Brunswick, etc. Tous les souverains offrirent au duc de Wellington dès services de table en porcelaine de 360 pièces uniques, chacune représentant un lieu ou une bataille d'Europe, des couverts de vermeil ou d'argent, des plats, soupières, rince-doigts, etc, que l'on peut encore admirer aujourd'hui à Ashley House (Londres : Hyde Park Corner), l'ancienne propriété londonienne des ducs de Wellington. Le premier d'entre eux utilisa ces cadeaux dans un cadre rehaussé par les Goya, les Vélasquez, les Murillo, les œuvres flamandes et hollandaises qu'il avait ramenées d'Espagne. Chaque année, jusqu'à son décès en 1852, il y organisa, avec ses généraux survivants, le «banquet de Waterloo».

 

Pendant trente-cinq ans, Wellington fut porté aux nues, tant en Grande-Bretagne que dans ses dépendances du Commonwealth, dans les cinq parties du monde, où de nombreuses statues lui sont consacrées, tandis que la capitale de là Nouvelle-Zélande porte son nom, qu'une gare et un pont de Londres et de multiples lieux au Canada et aux USA sont baptisés : Waterloo.

Blücher, de son côté, mourra sur ses terres en 1819.

 

Les cendres de l’Empereur

 

Napoléon, s'il avait vaincu ses ennemis à Waterloo, eût-il pu ensuite diviser militairement et politiquement les coalisés de l'époque ? C'est fort douteux. Autrichiens, Russes, Piémontais, Napolitains : plus d'un demi-million d'hommes se dirigeaient vers la France, venant à la rescousse des deux armées qui, comptant ensemble plus de 200.000 hommes, occupaient la future Belgique. Car le 3 janvier 1815, à Vienne, la France de Louis XVIII, l'Autriche et l'Angleterre avaient signé un traité prévoyant, en cas de menaces, de mettre chacune 150.000 hommes à la disposition des deux autres. Peu après, invoquant ses engagements de par le monde - il y avait aussi son mathusianisme - l'Angleterre proposa de «payer» des Allemands et des Autrichiens, plutôt que de fournir des troupes, ce qui explique que, dans le contingent «britannique», il y avait moins de 20.000 Anglais à Waterloo, à côté des Ecossais, des Irlandais et surtout des Allemands. Le 25 mars 1815, à Vienne, l'Espagne, le Portugal et la Suède adhèrent à cet accord.

 

A Genappe, le soir du 18 juin, Napoléon échappe de justesse à la captivité. Il repasse trois jours à Paris, hésite à reprendre le pouvoir et se dirige vers La Rochelle et l'île d'Aix. Nouvelle hésitation; certains imaginent en effet de lui faire prendre la mer, d'éviter les escadres anglaises et de se rendre aux Etats-Unis, où l'on n'avait pas oublié le pouvoir colonial anglais, la révolution de 1776, et l'aide de La Fayette. Non : l'empereur décide de se «mettre sous la protection des lois de l'Angleterre», donc de confier son sort aux Anglais. Pourquoi aux Anglais ? Ils ont l'image des créateurs du premier parlement en 1215 et de «l'habeus corpus» dont se réclama en vain Napoléon : cette coutume interdit en effet toute arrestation sans décision d'un juge. Napoléon se rend donc aux Anglais pour être transporté à Plymouth sur le Bellerophon. Pendant les trois jours passés en rade, il croit ou feint de croire que l'on prépare son installation, son accueil quelque part... Hélas, ce sera sur le Northumberland, navire qui le transportera à Sainte-Hélène malgré ses protestations véhémentes et ses lettres à son «beau-père», l'empereur d'Autriche, et au tsar Alexandre, qu'en 1808 àTilsit, il avait su séduire. Ensuite, ce seront près de six ans à Sainte-Hélène, jusqu'à ce qu'il «s'éteigne» - pour lui c'est le mot juste - et que naisse une nouvelle controverse.

- D'un côté, on dit que les limites des connaissances médicales, la rudesse du climat, l'ambiance morale difficile faute d'espace habitable suffisant pour le «général Bonaparte» et sa suite, les fatigues et une dégradation gastrique antérieure expliquent facilement le décès à un âge moyen pour l'époque : près de 52 ans.

- De l'autre, on affirme que Hudson Lowe, ancien officier d'ordonnance du général Wellington devenu responsable de la sécurité à Sainte-Hélène, se conduisit en véritable garde-chiourme, se montrant tracassier, méprisant, même si, contrairement à certaines hypothèses, l'assassinat par voie alimentaire n'est pas établi.

En effet, les recherches se poursuivent. Même le FBI à Washington s'y intéresse. Il procède à une recherche sur l'éventuelle teneur en arsenic de quatre brins de cheveux de l'Empereur, qui a écrit : «Je meurs prématurément, assassiné par l'oligarchie anglaise».

 

Il n'est pas contesté, au contraire, que ce lointain exil et cette mort prématurée, loin des siens, forgèrent la légende impériale qui aboutit, en 1841, vingt ans après son décès, au triomphal retour des cendres de Napoléon, transférées à Paris dans la crypte de marbre des Invalides.

Le mépris du duc de Wellington, prince de Waterloo, écrivant dans une lettre : «Je me f... de ce que l'on fait des cendres de Bonaparte», n'a rien changé au cours de l'Histoire, et une fois de plus, A. de Chateaubriand dessine de sa plume inégalée, l'incontournable vérité. Indulgent, voire sympathisant vis-à-vis de Bonaparte, il était pourtant très sévère vis-à-vis de l'Empereur.

«Quel rôle le fugitif, fêté peut-être, eût-il joué au bord de la Tamise, en face de la France envahie, de Wellington devenu dictateur au Louvre ? La haute fortune de Napoléon le servit mieux : les Anglais, se laissant emporter par une politique étroite et rancunière, manquèrent leur dernier triomphe ; au lieu de perdre leur suppliant en l'admettant à leurs bastilles ou à leurs festins, ils lui rendirent plus brillante pour la postérité, la couronne qu'ils croyaient lui avoir ravie. Il s'accrut dans sa captivité de l'énorme frayeur des puissances : en vain l'Océan l'enchaînait, l'Europe armée campait au rivage, les yeux attachés sur la mer». (Les mémoires d'outre-tombe, T.ll).


Une tradition séculaire en Namurois et en Hainaut

 

En Hainaut et au pays de Namur, selon une tradition pluri-séculaire, des compagnies des «marcheurs» escortaient et protégeaient les processions religieuses lors des fêtes votives.

Après 1815, et surtout après 1830, les anciens de la grande Armée rentrés au pays ont rejoint ces compagnies ou en ont créé d'autres, opérant une mutation notable ; -il s'agissait désormais plutôt d'associations d'anciens frères d'armes, heureux de sortir le dimanche, saisissant chaque occasion de rappeler le passé napoléonien par des marches rythmées au tambour et interrompues par des salves de tir à blanc. Sapeurs, grenadiers, chasseurs, lanciers, cantinières sont répartis en plus de cent compagnies et corps de musique, de Gerpinnes à Waterloo et Namur, pouvant aligner plus de 5.000 hommes, sauvegardant la mémoire de tout un peuple.

Leur pas cadencé, leur tenue souvent impeccable réveillent et entretiennent l'histoire de ce pays de Sambre et Meuse, comme leurs voisins de Binche, de la Louvière et d'ailleurs, le mardi gras, en tenue de Gilles, coiffés de plumes d'autruche, réveillent la terre wallonne du piétinement de leurs sabots pour que le printemps puisse bientôt renaître.

L'autre élément du souvenir pour les hommes et les femmes de ce petit pays, est la médaille de Ste-Hélène, mieux conservée Outre-Quiévechain qu'en France.

Elle fut attribuée par Napoléon III aux survivants de la grande Armée, nombreux encore... Il en a été attribué 210.917 (au dernier recensement fin 2010... Les Archives de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, installée dans l'hôtel de Salm, furent entièrement détruites au cours de l'incendie des 23 et 24 mai 1871)

Enfin, l'on sait la place qu'occupent encore pipes, gravures, objets de porcelaine d'empire dans tant d'intérieurs bourgeois ou populaires.

C'est un point sur lequel le 8ème duc de Wellington, héritant de ce titre en 1973, regardant moins les monuments où la suprématie des alliés de 1815 était écrasante, que les boutiques, les verres, les pipes et les bustes, a jugé que Napoléon et la France occupaient trop de place en Brabant wallon et qu'il était temps d'y mettre fin…







 

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