Napoléon contraint à l'offensive

 

Le pacte de Chaumont

 

Conclu le 1er mars 1814 entre l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse ; et la Russie, le pacte de Chaumont avait engagé pour 20 ans ces pays «à garantir solidairement le maintien de la paix et à se pré¬munir en commun contre toute atteinte que la France voudrait porter à l'ordre des choses résultant de cette pacification». On a vu que cet accord porta ses fruits puisque, trente-six jours plus tard, la France était occupée et Napoléon, lâché par nombre des siens, devait abdiquer et devenir souverain de l'île d'Elbe.

Mais le Roi de France Louis XVIII, mis sur le trône après vingt-deux ans d'ère révolutionnaire et impériale, y tremblait. Les cosaques étaient à Paris, mais la Grande-Bretagne n'était pas plus rassurée. A Londres, on songeait que l'exilé de la petite île italienne aurait moins d'amis capables d'assurer son retour à Paris si on l'envoyait finir ses jours dans l'Atlantique-sud, sur un rocher solitaire exposé aux tempêtes...

Napoléon avait eu vent de cette éventualité et il était ulcéré de n'avoir pas pu revoir son fils et sa femme, l'impératrice Marie-Louise -encore fidèle à cette époque- avant de quitter la France et d'être empêché de les accueillir auprès de lui. Il ne les reverra jamais.

 

Humilié, esseulé, informé des excès de ceux qui, à Paris, veulent prendre leur revanche (les ultras de l'entourage du Roi) Napoléon est confiant dans le souci d'équilibre européen du tsar Alexandre et de l'empereur d'Autriche. Il juge qu'il est temps de rentrer et de satisfaire ses partisans. Mais il sous-évalue la ténacité coalisatrice britannique...   

  

Golfe Juan : le retour de l'Empereur

 

En France, Louis XVIII n'a pas encore renvoyé tous les militaires. Il y a encore 2 à 3 % de militaires originaires de nos provinces de 1815 dans tous les régiments français. Ces derniers ont sauté de joie à l'annonce du débarquement de L'Empereur au Golfe Juan le 1er mars 1815.

 

Napoléon marche vers Paris lorsque son escorte est arrêtée au défilé de Laffray par le 5e de Ligne. Napoléon s'avança et prononça le fameux : «Soldats du 5e de Ligne...». Un grand cri s'éleva de la troupe : «Vive l'Empereur!».

Dans les rangs de ce 5e de Ligne se trouvent le lieutenant Louis Delerue de Tournai et le chef de bataillon François Sauvage, de Liège. L'Empereur continue sa marche vers Paris. Il rencontre à Grenoble le 7e de Ligne qui se rallie directement à lui. Dans les rangs du 7e de Ligne, on retrouve le chef de bataillon d'Otreppe de Bouvette de Namur, le lieutenant N. Baudoux de Fontaine-l'Evêque, le lieutenant M. Damave de Heure-le-Romain, le lieutenant J. Bastin de Liège, les Lieutenants C. Pieters, de Wechter et Segers de Bruxelles.

 

Mais le Congrès de Vienne réagit vivement. Il déclare Napoléon «hors la loi». L'aigle vole de «clocher en clocher». Le 20 mars, il est aux Tuileries. C'est dans des circonstances très défavorables qu'il va s'atteler avec Davoust, ministre de la guerre, à reconstituer une armée.

L'Empereur se trouve en ce moment face à des problèmes majeurs. La guerre qui lui est imposée est inévitable. L'élaboration d'une nouvelle constitution devra tenir compte des idées libérales sous l'impulsion de Benjamin Constant. Outre ces problèmes, les choses se gâtent en Vendée et dans le Midi. L'Empereur éprouve donc de nombreuses difficultés avant d'entrer en campagne. On trouve dans l'entourage de Davoust le colonel Crabbé de Bruxelles, le chef de bataillon Malherbe de Liège, le chef d'escadron Hotton de Bruxelles et le lieutenant Osten de Menin, son aide de camp.

 

Davoust fait savoir à Evain chef de la division d'artillerie au ministère de la guerre : «II faut 3000 fusils à Guise et à Avesnes dans les meilleurs délais pour pouvoir armer les paysans belges et liégeois si nous avons du succès». Le retour de l'Empereur va donc provoquer des états d'âme parmi les «Zuid-Nederlanders».

 

C'est ainsi que se crée à la frontière un mouvement de va et vient, de transfuges, d'espions et de déserteurs. A Cambrai, un sous-officier belge déclare avoir fait passer cinquante Belges en France. Le 12 avril 1815, 160 hussards du régiment n°8 désertent et quittent Mons pour passer en France. D'après le général Martuschewitz, les hussards hanovriens au service de l'Angleterre désertent en grand nombre. Ce sont surtout des Alsaciens, des Lorrains et des Belges qui avaient été fait prisonniers en Espagne.

Le général hollandais Storm de Grave rapporte qu'il règne un très mauvais esprit au régiment «belge» de hussard n°8. A Anvers, dans un rapport au général Tindal, le Colonel hollandais Palavicini signale que des officiers du dépôt des hussards belges ont échangé des coups de sabre avec des officiers hanovriens. L'état d'esprit des militaires, composant les régiments à peine formés en Belgique, est inquiétant. Au début de juin 1815, toutes les unités «belges» seront donc noyées dans les divisions hollandaises.

 

En France, par contre, on s'organise pour accueillir les déserteurs. Le 5e Etranger est créé. Le général Sebas-tiani écrit à Davoust: «Je pense qu'il serait utile de faire savoir sur toute la ligne que tous les anciens militaires belges qui voudront rejoindre leur corps y seront reçus avec plaisir et même en obtenant des avantages».

Presque tous les gardes champêtres sont de vieux soldats attachés à l'Empereur. Ils l'informent avec précision des stationnements et des mouvements des troupes alliées. Le 18 juin, le nombre d'officiers voire d'autres militaires originaires de nos provinces sera de loin plus élevé dans l'armée française que dans l'armée néerlandaise.

L'acte final du Traité de Vienne du 9 juin 1815 attribuera à la Hollande les territoires occupés par les Prussiens. Seule Malmedy la Wallonne reste prussienne. Le Sud des Pays-Bas est toujours occupé par une armée aux ordres de Wellington et par une autre commandée par Blûcher. Ces armées assurent la couverture en attendant de devenir l'avant-garde de l'offensive prévue par les alliés le 1er juillet 1815 à partir des Pays-Bas, du Rhin et des Alpes.

 

Pierre Couvreur






 

© AFEW 2010
www.afew.be