En retard à Charleroi

 

L'ordre de mouvement des corps d'armée conçu par Napoléon était d'une précision rigoureuse et n'avait rien laissé au hasard. Les bivouacs devaient être levés à différentes heures, à partir de 2 h 30 du matin, en fonction du temps nécessaire à l'écoulement normal des colonnes, en direction de Charleroi. Mais une chose n'est contestée par aucun historien, ni stratège : cet ordre de mouvement ne fut pas respecté ; départs retardés, erreurs de transmission des ordres, faiblesse des moyens de liaisons contrarièrent la progression des troupes.

Le passage de la Sambre s'effectua en trois endroits : Châtelet, Charleroi et Marchienne, avec pour certaines troupes, plusieurs heures de retard.

 

Charleroi 15 juin

 

Le lieutenant-général Pajol, commandant le 1er corps de cavalerie composé des 1re et 2ème brigades de hussards, fortes de 1.328 hommes, se présenta au village de Marcinelle entre 9 et 10 h. A l'époque, Marcinelle était relié à Charleroi par une digue d'environ 300 mètres bordée de haies, traversant des marécages. Elle menait à une place - Ville Basse - par laquelle on accédait à l'unique pont sur la Sambre, qui coulait à l'emplacement de l'actuel boulevard Tirou.

Ce pont, construit en pierre, long d'une trentaine de mètres et large de 8, entre des parapets en bois était défendu par les Prussiens de Zieten, retranchés dans les maisons. Engagé sur la rive droite, accueilli par un feu nourri, Pajol jugea prudent d'attendre un renfort d'infanterie... et ce furent les sapeurs et marins de la Garde qui, à coups de hache, enfoncèrent les barricades dressées sur le pont, ouvrant ainsi le passage alors que les Prussiens se retiraient vers la Ville Haute.

Napoléon fit son entrée à Charleroi peu après 12 heures. Il fut conduit chez le maître de forges Puissant où il déjeuna. C'est chez ce notable de la Villle Basse que le général prussien Zieten, commandant le 1er corps d'armée, avait établi son quartier général. Il était parti quelques heures plus tôt.

 

Foule en liesse

 

L'Empereur s'inquiéta de la lenteur de la progression de ses forces. A 2 heures, le 4e corps de Gérard n'avait guère dépassé la frontière et les autres colonnes accusaient des retards importants. 20.000 hommes à peine avaient traversé la Sambre, alors qu'il espérait compter sur 60.000 hommes et 134 canons.

De nouveaux ordres furent transmis aux chefs de corps. Une gravure nous montre Napoléon devant le cabaret de la Belle-Vue, à califourchon sur une chaise, regardant défiler la Jeune Garde. Derrière lui se tient le Carolorégien Germain Thévenier qui lui servira de guide jusqu'à Fleurus.

La population, en grande partie opposée au régime hollandais et excédée des réquisitions, pillages et exactions des troupes d'occupation, applaudit au passage des régiments français. Le général Petit rapporte dans ses Mémoires, que les femmes avaient coupé de larges bandes de tissu dans leurs jupes pour en faire des drapeaux tricolores.

Vers 3 heures, le maréchal Ney, qui avait remonté les colonnes depuis la frontière, se présentait à l'Empereur. Celui-ci lui confia le commandement de l'aile gauche de l'armée comprenant les 1er et 2eme corps d'infanterie, la division de cavalerie du général Pire, une division de cavalerie légère de la Garde et deux divisions du comte Valmy, avec l'ordre de poursuivre l'ennemi et de le forcer à évacuer Gosselies, Frasnes, Mellet et Heppignies. Il semble bien qu'il n'ait pas été question d'occuper les Quatre-Bras, comme certains le prétendent.

Léon RUQUOY