CAMPAGNE D'ALLEMAGNE 1813

CAMPAGNE D'ETE ET D'AUTOMNE : AOÛT-OCTOBRE 1813

30 octobre 1813 : bataille d'HaNAU

 

Le 30 octobre 1813. BATAILLE D'HANAU

Après la bataille de Leipzig (18 octobre), l'empereur Napoléon ne trouvant plus un appui suffisant dans ses places fortes sur l'Elbe, se décida à évacuer l'Allemagne pour se rallier derrière le Rhin, et suivit dans ce but la route la plus directe, celle par Erfurt, Gotha, Hanau et Francfort.

Les alliés, vainqueurs à Leipzig, nous attaquaient de front, tandis que de nombreuses colonnes harcelaient nos flancs; mais le danger le plus pressant pour l'armée française était la marche de l'armée austro-bavaroise, qui, des bords de l'Inn, traversant la Bavière, s'avançait sur Francfort, et paraissait devoir y arriver avant elle. Il n'y avait donc pas un instant à perdre pour exécuter une retraite si difficile et si impérieusement nécessitée.

L'armée, partie de Leipzig le 19, arriva le 20 à Weissenfels, où elle passa la Saale. Ce jour, l'ennemi ayant passé l'Elster à Leipzig, fit quelques centaines de prisonniers à notre arrière-garde. Le 21, elle arriva à Freybourg, où l'ennemi attaqua encore notre arrière-garde au passage de l'Unstruth, et lui prit deux pièces de canon. Le corps du général Bertrand s'étant emparé du défilé de Bad Kösen [1] pour couvrir notre retraite, l'ennemi fit de vains efforts toute la journée pour s'en emparer et chasser la division du général Guilleminot, qui seule défendait les hauteurs. Le 24, l'armée arriva à Erfurt, où elle resta un jour pour se réorganiser et prendre des vivres et des munitions. Le 25, elle partit de cette place, laissant une garnison sous les ordres du général Dalton pour défendre la citadelle, et s'étendit de Gotha à Eisenach. Le 26, la tête de l'armée était à Hunefeld. Notre arrière-garde fut encore attaquée près de Gotha, et perdit deux mille hommes. Le 27, le quartier-général arriva à Fulda, et le 28 à Schlüchtern, où Napoléon apprit que l'armée austro-bavaroise, qui s'était emparé de Hanau, lui barrait le chemin.

La tête de cette armée était effectivement arrivée le matin dans cette ville, et avait poussé une avant-garde sur Gelnhausen.  Le 29, toute l'armée ennemie prit position en avant de Hanau. L'armée française, partie de Schlüchtern le 29, rencontra cette avant-garde, la culbuta, et, vers trois heures, trouva une division bavaroise en position à Langenselbod, qu'elle fit également replier. Le quartier-général coucha à Langenselbod, au château d'Issembourg. L'armée austro- bavaroise était commandée par le général bavarois de Wrède, qui s'était acquis de la réputation dans l'armée française. Elle était forte de soixante mille hommes, et occupait les approches de Hanau, ayant la Kintzig à dos, et de grands bois pour couvrir ses flancs.

Le 30, l'empereur Napoléon sentant qu'il ne fallait pas donner le tems au corps allié qui suivait notre arrière-garde d'arriver trop près de la tête de notre armée, fit attaquer l'ennemi dès le matin, quoiqu'il n'eût encore avec lui que cinq à six mille hommes du maréchal Macdonald, duc de Tarente, la division d'infanterie de la garde du général Friant, la cavalerie de la garde et celle du général Sébastiani. Le reste de l'armée était en arrière d'une marche. Six bataillons bavarois postés à Rückingen, en avant de leur corps principal, attaqués à huit heures du matin par cinq mille tirailleurs conduits par le duc de Tarente et le général Charpentier, furent enfoncés et poursuivis au milieu de la forêt de Lambois. A midi, nous arrivâmes au débouché de la forêt, où se trouvait toute l'armée austro-bavaroise. Napoléon voulant attendre son artillerie avant de commencer une attaque sérieuse, poussa deux mille tirailleurs sous le commandement du général Dubreton [2] contre sa droite, tandis que les cinq mille du général Charpentier s'étendirent dans le bois le long de la ligne ennemie; le combat se soutint ainsi jusqu'à trois heures après midi. Alors notre artillerie étant arrivée, Napoléon ordonna une charge générale sur l'aile gauche de l'ennemi, composée d'Autrichiens. Le général Curial, avec deux bataillons de la vieille garde, culbute les tirailleurs, débouche du bois, et protégé par cinquante bouches à feu que dirige le général Drouot, il s'avance dans la plaine. Le général Nansouty, à la tête des grenadiers à cheval et des dragons de la garde, des cuirassiers du général Saint-Germain et de deux escadrons de gardes d'honneur commandés par le major de Saluces, charge la cavalerie austro - bavaroise à plusieurs reprises, la rompt et la met en fuite; elle veut se rallier derrière les Cosaques de Czernizeff ; mais ceux-ci, écrasés par la mitraille, et chargés encore par nos cuirassiers et les dragons de la garde, quoiqu'ils soient quatre contre un, sont aussi rompus et entraînent dans leur fuite tout ce qui les avoisine. L'infanterie, qui était vivement mitraillée, voyant fuir la cavalerie, s'ébranle; chargée par notre cavalerie, elle est mise dans une déroute complète et se précipite dans le plus grand désordre vers le pont de la Kintzig. Le général de Wrède voyant sa gauche totalement enfoncée, voulut faire un effort sur sa droite pour ralentir notre poursuite; mais cette dernière attaque fut repoussée avec succès par le général Friant. Alors le général ennemi, pour ne pas être acculé à la Kintzig, se hâta d'évacuer le champ de bataille et de passer cette rivière avant que notre cavalerie, qui gagnait toujours du terrain, ne vînt prendre en flanc son aile droite. Il rallia son armée près de la ferme de Lehrhof, sous la protection de la place de Hanau, qu'il occupait encore.

La bataille était gagnée et la victoire complète ; mais pour arriver à la route de Francfort il fallait passer sous les murs de Hanau, que l'ennemi tenait toujours. Vers les neuf heures du soir, Napoléon, suivi d'une simple escorte, essaya si à la faveur de l'obscurité il ne pourrait pas gagner cette route. Il n'eut pas fait cinq cents pas qu'une décharge de coups de fusil lui apprit que la chose était impossible, et que l'ennemi tenait toujours. Il fit alors exécuter une attaque sur la ville par la division Charrière ; mais elle ne réussit pas. Il fallut donc attendre le jour afin de risquer un nouveau combat, qui, par l'approche des alliés qui suivaient notre arrière-garde, pouvait devenir très désastreux. Heureusement cet état d'une si fâcheuse incertitude dura peu : à minuit, le général Curial vint prévenir Napoléon qu'un officier des chasseurs à pied de la garde étant entré dans Hanau, avec quelques chasseurs, par le trou d'un moulin, avait trouvé la ville évacuée par l'ennemi. Dès ce moment toute inquiétude cessa: la route de Francfort à Mayence était libre. Le maréchal Marmont, duc de Raguse, prit possession de Hanau, et s'approcha des austro-bavarois, qui étaient en position sur la route d'Aschaffenbourg. Au jour, l'armée française continua sa marche et arriva le 2 novembre à Mayence, où elle passa le Rhin.

Le 31, le général Bertrand, commandant le 4e corps, et qui restait à Hanau pour défendre la Kintzig afin de faciliter le passage de notre arrière-garde, commandée par le maréchal Mortier, duc de Trévise, eut un engagement sérieux avec le général de Wrède. L'ennemi, contenu par les divisions Guilleminot et Morand, ne put jamais déboucher, et fit de grandes pertes. Le général de Wrède reçut dans l'une de ces attaques une balle dans le bas-ventre, qui le mit long-tems en danger. Le soir, le 4e corps effectua sa retraite sur Mayence sans être inquiété. Les austro-bavarois, battus par un ennemi moitié moins nombreux, perdirent dans ces deux journées six mille hommes tués ou blessés, et quatre mille prisonniers. Notre perte, en y comprenant deux ou trois mille blessés ou malades marchant isolément en avant de l'avant-garde, et qui furent enlevés du 28 au 30, s'éleva à un peu plus de cinq mille hommes. 

[1] C'est ce même défilé de Bad Kösen que, sept ans avant, l'armée prussienne négligea d'occuper le 13 octobre ; faute qui le lendemain lui fit perdre la bataille d'Auerstaedt. Quel contraste dans la position respective des deux armées française et prussienne à ces deux différentes époques !

 

[2] En 1820 gouverneur d'une division militaire, et pair de France.

 

Texte extrait de Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu'en 1815, ou Anniversaires de la valeur française. Octobre. par une société de militaires et de gens de lettres, 1820 Pillet aîné (Paris) 1818-1820.
Nous avons modernisé l'orthographe et les noms des lieux, ainsi que quelques autres éléments trop datés de 1820.

 

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