François-Étienne-Christophe KELLERMANN

(1735-1804-1820)

maréchal de l'Empire
duc de Valmy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Kellermann en général en chef de l'Armée de la Moselle en 1792, par Pouget.

I. - L'HOMME ET SON CARACTÈRE1

Déjà vieux sous l'Empire, Kellermann avait conservé l'aspect et les manières de l'ancien temps. Autour de son visage fin de gentilhomme s'arrondissaient toujours les ailes de pigeon roulées et poudrées. Il avait les yeux spirituels et vifs, la bouche mince, le nez régulier : c'était un type d'homme du monde intelligent et raffiné, une sorte d'épave du règne de Louis XV, amenée, par le courant d'une fortune toujours fidèle, jusque dans les tourbillons   furieux de la Révolution.

Il avait d'ailleurs cette double particularité d'être le doyen des maréchaux de Napoléon, qui presque tous étaient jeunes, et aussi d'être le seul qui fût monté à cet illustre rang par une ascension lente et régulière. Il était, en effet, maréchal de camp en 1788, et la dignité de maréchal, qu'il attendit encore plus de seize ans, ne fut que le couronnement naturel de sa longue carrière.

Il avait, si l'on peut ainsi parler, une bravoure d'ancien régime, c'est-à-dire un courage réfléchi d'homme d'honneur, qui n'a pas peur de la mort, mais non cette extravagante témérité de ceux qui, ayant alors tout à gagner et rien à perdre, ne cherchaient qu'à mourir ou à se distinguer pour conquérir une brillante fortune, au cas où la mort ne voudrait pas d'eux.

On lui a reproché, vraisemblablement à tort, de manquer de décision, de se borner trop souvent à la défensive, là où une vigoureuse offensive eût emporté de plus beaux résultats. Un seul nom peut servir à sa justification sur ce point, et prouver que sa conduite n'excluait pas les plus sérieux avantages ; ce nom, c'est Valmy.   

Ce qui, par contre, n'a jamais été suspecté, c'est sa droiture, sa hauteur de sentiments et son humanité. On cite à son honneur ce trait remarquable que, quand la Savoie fut envahie par nos armées et les officiers savoisiens forcés de se retirer au delà des Alpes, il s'opposa avec la plus grande fermeté à la vente de leurs biens, alléguant pour leur défense qu'ils remplissaient leur devoir en demeurant attachés au roi de Sardaigne, leur souverain. Il alla même jusqu'à prendre sous sa protection personnelle les femmes et les filles de ces officiers, qui lui en témoignèrent, du reste, par la suite leur reconnaissance de la façon la plus honorable et la plus touchante.

Le maréchal Kellermann mesurait 1,78 m.

II. - SON ORIGINE ET SA JEUNESSE

François-Christophe Kellermann est né à Strasbourg, au 6 rue Brûlée, le 28 mai 1735. Sa famille, d'origine saxonne, était venue dès le XVIIe siècle s'établir en Alsace, où son bisaïeul fut président du conseil des Treize et prévôt des marchands dans la capitale de la province, en 1669. Il appartenait à la petite noblesse de robe, c'est-à-dire qu'il était peu désigné pour arriver très haut dans l'armée d'alors. Sa ponctualité, son mérite et aussi sa bonne étoile en décidèrent autrement.

Voici son acte de naissance (A.D. 67) : (merci à D. Contant)

Hodie Dia Trigesima Mensis Maij Anni Mille.. Septingentisimi  trigesimi quinti a
..... Vicario ad ..... Laurentium eglesia .... baptisatus est
Franciscus Christophorus filius  Johannis Christophori Kellemann ................... Maria
Magdelena Dürr(in) uxoris  ejuis legitimae, natus die vigessima ........  octava ejuisdem Mensis
Patrinus fuit D. Franciscus Antonius Meltzer Rojani  illustrimi Capituli Augustinensis .....
Majo.... Malvina-Maria-Magdalena Weinemen... D. Joannis Christophori Kleinelaus
Vicorum secretarius .... qui una...
                                                                                                                        Wackenheim
                                                                                                                        Vicarius ad Sanctum
                                                                                                                       Laurentium

Maria Magdalena
Johann Christoph Kellermann


La plaque sur sa maison natale, 6, rue Brûlée à Strasbourg. (Google Streetview)

 

 

 

 

 

KELLERMANN
MARÉCHAL DE F
RANCE
DUC DE VALMY
EST NÉ RUE BRULÉE, 6
LE 28 MAI 1735

 

 

 

 

 

Il a sa statue dans sa ville natale, place de Broglie...

A dix-sept ans, en 1752, il entra comme cadet dans le régiment de Lowendahl. Il était, l'année suivante, enseigne dans Royal-Bavière et lieutenant aux volontaires d'Alsace en 1756.

Ses débuts guerriers eurent lieu à une époque où presque aucun de ses futurs collègues n'était encore né. C'est, en effet, dans la guerre de Sept ans qu'il conquit le grade de capitaine en second en 1758. En 1759, il se signala à la bataille de Bergen. En 1761, il était capitaine à la suite dans les volontaires du Dauphiné, et on le voit au combat d'Orsten, avec son seul escadron, charger et faire prisonniers trois cents grenadiers ennemis. En 1772, même exploit accompli devant le prince de Condé, qui lui fit donner la croix de Saint-Louis. En 1763, il devint capitaine dans la légion de Conflans. M. de Conflans, son colonel, s'intéressa à lui, et eut sur la carrière de Kellermann une grande et heureuse influence. En 1765 et 1766, Kellermann fut chargé par le roi de missions spéciales en Pologne et en Tartane. Envoyé en Pologne avec le lieutenant-général baron de Vioménil pour appuyer la confédération de Bar, Kellermann se distingua dans plusieurs engagements avec les Russes, et notamment au passage de la Vistule, près de Cracovie, dont son ingéniosité et sa présence d'esprit firent une simple manœuvre, au lieu du désastre que tout le monde appréhendait.   

Quand la Pologne fut partagée pour la seconde fois, en 1772, il revint en France, la campagne étant désormais sans objet, et il fut fait lieutenant-colonel.

Major des hussards de Confions en 1779, il fut nommé l'année suivante, époque de la formation du Colonel-Général-hussards, lieutenant-colonel de ce régiment. Brigadier des armées du roi le ter janvier 1784, il devint, peu de temps après, mestre de camp en second du corps dont il était lieutenant- colonel.

Il obtint, en 1788, le grade de maréchal de camp.

En 1790, presque tous les officiers formèrent, contre les agents chargés des dépenses des corps, une demande en reddition de comptes. Leurs réclamations furent admises : il s'agissait de les vérifier. Le général Kellermann fut un des officiers choisis pour cette opération délicate. Il y mit assez de justice et d'impartialité pour qu'aucune des parties intéressées n'eût à se plaindre.

Il avait franchement accepté le principe de la Révolution. Aussi ne songea- t-il point à émigrer, ainsi que tant d'autres officiers en donnaient le déplorable exemple.

En 1790, dans une des dernières promotions de l'ordre, il fut nommé commandeur de Saint-Louis.

Envoyé ensuite dans les départements du Haut-Rhin, puis du Bas-Rhin, il y déjoua les intrigues politiques nouées par le prince de Condé et le vicomte de Mirabeau et fortifia la place de Landau.

Le 9 mars 1792, il était lieutenant général.

Après le 10 août, Kellermann, commandant du camp de Lauterbourg, adhéra aux décrets qui prononçaient la déchéance de Louis XVI, en présence des commissaires de la Convention Carnot, Prieur et Coustard. Les commissaires, en récompense de cette démarche, écrivirent à la Convention que Kellermann était fort dévoué à la cause révolutionnaire et qu'il lui avait été jusque-là toujours fidèle.

A la tête des troupes concentrées dans le camp de Neukirch sur la Sarre, il couvrit l'Alsace et la Lorraine et sauva le territoire de l'invasion des Autrichiens, qui déjà avaient passé le Rhin à Spire. Puis il releva les lignes de la Lauter, éleva des redoutes du moulin de Pewald jusqu'à Wissembourg et, le 28 août 1792, remplaça Luckner, devenu généralissime, à la tête de son armée.

Le 20 septembre 1792: la bataille de Valmy

Chargé alors de rejoindre Dumouriez pour couvrir la Champagne, sur le point d'être envahie, Kellermann quitta Metz le 4 septembre, passa à Pont-à- Mousson, à Bar-le-Duc, à Ligny. Le 16, Dumouriez lui écrit de se hâter pour prévenir une attaque sur Varennes. Kellermann accourt ; mais, se rendant   compte que sa marche laisse libre la route de Châlons, il va; le 20, prendre position sur les hauteurs de Valmy et y attendre l'armée prussienne. Dès le matin, l'ennemi s'avance en trois colonnes, soutenues par de l'artillerie qui maintient son feu très vif.

Kellermann eut son cheval tué sous lui. Les obus ennemis mirent le feu, près du moulin de Valmy, à deux de nos caissons. L'explosion, qui fit du ravage, occasionna quelque désordre ; mais le général accourut, fit placer une batterie pour attirer le feu des Prussiens, soulageant ainsi les troupes postées au moulin, et l'ordre se rétablit bientôt sur toute la ligne.

A 11 heures, les trois colonnes prussiennes se mirent en mouvement : deux se dirigèrent sur le moulin, la troisième sur la gauche. Alors le général, ayant fait former en colonne par bataillons les troupes du moulin, fit avancer sa réserve d'artillerie.

Les colonnes prussiennes s'approchaient en bon ordre, et, bien qu'en partie composées de bataillons de nouvelle levée, nos troupes les attendaient de pied ferme. Ravi de cette bonne contenance, le général met son chapeau sur la pointe de son sabre et l'élève en l'air en s'écriant : « Vive la nation ! » — « Vive la nation ! » répète l'armée entière avec le plus vif enthousiasme ; et, dans l'instant, on voit tous les chapeaux agités en l'air sur la pointe des sabres et des baïonnettes. Ce cri unanime, ce spectacle inattendu frappent, étonnent l'ennemi, qui hésite. « La victoire est à nous, mes enfants ! » s'écrie de nouveau le général Kellermann, et sur-le-champ il ordonne de redoubler le feu. La tête des colonnes prussiennes est ébranlée ; leurs flottements annoncent du désordre; enfin de nouvelles décharges forcent bientôt l'ennemi à renoncer à son attaque. Il se retire avec assez d'ensemble, mais en laissant le champ de bataille couvert d'hommes et de chevaux morts.  


La bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, le célébrissime tableau d'Horace Vernet (1826).

D'autre part, les Autrichiens, qui, sous la conduite du maréchal de Clairfayt, avaient attaqué le général Stengel, posté à l'arrière de la droite, et avaient tenté plusieurs charges aussi meurtrières qu'infructueuses pour eux, durent se retirer à leur tour.

Beurnonville, arrivant à l'aide des troupes françaises, acheva la déroute des ennemis, qui furent dispersés après des pertes énormes.

A l'avant-plan, on peut voir le monument où fut placé le cœur de Kellermann.  Inauguré en 1821, c'est un des plus anciens monuments sur un champ de bataille de la Révolution.  Il semblerait que l'urne ait été volée, mais ce n'est pas confirmé.

ICI SONT MORTS LES BRAVES
DU 20 7
BRE 1792 UN SOLDAT QUI
LES COMMANDAIT CE JOUR
LE G
al KELLERMANN MARÉCHAL
DUC ET PAIR DE FRANCE A VOULU
EN MOURANT QUE SON CŒUR
FUT PLACÉ AU MILIEU D’EUX

Rappelons que l'armée française eut à Valmy moins de 200 morts et blessés, ce qui démontre bien que la bataille fut pas acharnée.

consacré le 3 7bre 1821 par
F.çois E.ne Kellermann fils
Cne Kellermann fille et
le Gal Lery gendre du Mal
sous l'adon de M. Barthélémy
sous-préfet à Sainte-Menehould
M. Dorville étant                            
         Maire                         à Valmy
M. Champion, curé                           

M. Laidebeur      fecit

DEI
 

HONOS PARTUS
 

DEI

TUMULUS ERECTUS

 

 

 

 

 

 

 

Des Français reconnaissants

à celui qui les a préservés

de l'invasion

champ de bataille

20 7BRE 1792

gallia exteris

liberata

 

 

VALMY

20 7BRE
1792

à
Kellermann
et aux défenseurs
de la patrie

 

Si le petit monument date de 1821, la statue de Kellermann fut seulement érigée pour le centenaire de la bataille, le 20 septembre 1892.



 

Ce qui n'est presque jamais dit -et qui glacera peut-être le sang de plus d'un bon républicain- c'est que les canons qui entourent le monument Kellermann sont... anglais !

Etonnant, quand on sait que le monument date de 6 ans avant Fachoda.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On a beaucoup parlé, fin 1999, de la "destruction du moulin de Valmy".  Là aussi, l'intox a fonctionné à plein.  Le moulin détruit par la tempête du 26 décembre 1999 était en fait originaire du Nord de la France et donc d'un autre modèle que celui d'origine.   Il avait d'ailleurs seulement été mis en place en 1939 !   Par contre, le nouveau moulin qui a été construit en remplacement et inauguré à la fin de l'été 2005, est un authentique moulin champenois (même s'il a été construit... à Villeneuve d'Ascq !) en tout point semblable à celui d'origine. 
Un très bel effort de reconstitution historique, et qui mérite d'être souligné.

La victoire de Valmy fait d'autant plus d'honneur au général Kellermann, qu'au moment d'être attaqué dans une position qui n'était pas de son choix, ii fut dans la nécessité de chercher un autre champ de bataille, et de faire ses dispositions tout en marchant à l'ennemi ; qu'il avait sous ses ordres à peine vingt-quatre mille hommes, y compris les renforts amenés par Beurnonville et Stengel , et qu'il en eut à combattre près de quatre-vingt mille dont se composait l'armée prussienne, y compris le corps autrichien du maréchal de Clairfayt.

Un tel succès eut en France et partout le plus grand retentissement, et ce fut au milieu de l'enthousiasme qu'il déchaîna que fut officiellement proclamée par la Convention la première République.

Le 12 octobre, les Prussiens évacuèrent Verdun, le 18 Longwy, et le 23, Kellermann fit tirer trois salves d'artillerie dans toutes les places qu'il commandait pour célébrer le départ du dernier Prussien de notre territoire.

C'est à cette époque qu'autorisé par la Convention, Kellermann avait eu avec le duc de Brunswick sa célèbre entrevue dans le dessein d'entamer des pourparlers pour la conclusion de la paix.

« Général, lui avait dit le duc, nous vous avons prié de venir à ce rendez- vous pour parler de paix. — Cela ne sera pas difficile, avait répondu Kellermann, qui avait ses instructions : reconnaissez la République française le plus, authentiquement possible et ne vous mêlez jamais, ni directement ni indirectement, du roi ni des émigrés ; les autres difficultés peuvent facilement s'aplanir. — Eh bien! avait répliqué le duc de Brunswick, nous nous en retournerons chacun chez nous, comme des gens de noces. »

Il convenait seulement de déterminer qui devait régler les frais de cette « noce D. OR allait s'entendre peut-être, lorsque Custine rouvrit les hostilités par l'invasion de l'électorat de Mayence et remit tout en question.

Kellermann, placé sous ses ordres, eut pour mission de poursuivre les Prussiens et de terminer l'expédition en s'emparant de Coblence. Comme le général n'avançait que prudemment, au lieu de s'aventurer avec des forces inférieures sur les traces des Prussiens, qui se retiraient en fort bon ordre et menaçaient de reprendre une redoutable offensive, il fut accusé par Custine d'avoir compromis le succès de nos armes en se cantonnant entre la Moselle et la Sarre.

Kellermann, qui vit le danger qu'une telle imputation lui faisait courir, vint à Paris et comparut devant la Convention pour se justifier. Attaqué avec beaucoup de passion, il triompha pourtant de l'acharnement de ses détracteurs et se vit rendre justice, le 14 novembre 1792.

Presque aussitôt il reçut le commandement de l'armée des Alpes et d'Italie, qu'il trouva dans le plus lamentable état de faiblesse et de désorganisation.

Il s'appliqua à la reconstituer sur des bases solides et créa même un corps de six cents hommes pris parmi les montagnards les plus exercés, auxquels il donna le nom de chasseurs des Alpes. Il est intéressant de reconnaître dans ce petit corps les précurseurs directs de nos chasseurs alpins d'aujourd'hui, dont on admire la belle tenue et dont on apprécie chaque jour les services.

En dépit de son zèle militaire et de son civisme avéré, Kellermann, né « aristocrate » et devenu officier de l'ancien régime, n'était pas à l'abri des attaques jacobines. 11 ne négligeait aucune occasion d'y répondre, et c'était pour détourner de lui l'orage toujours- grondant qu'on l'avait vu, le 27 décembre 1792, punir durement le colonel et les musiciens du 79e, parce que la musique avait eu l'audace de jouer : 0 Richard, ô mon roi, air éminemment suspect depuis l' « orgie » des gardes du corps à Versailles, en 1789. « La fermeté qu'a déployée Kellermann dans cette occasion, avaient alors écrit les commissaires, a produit le meilleur effet sur l'esprit public. » 

Lorsque Lyon s'insurgea contre la Convention, Kellermann reçut l'ordre d'aller assiéger la ville rebelle. Il n'y mit pas un très grand empressement, et l'on remarqua dans sa proclamation aux Lyonnais des paroles que leur justice et leur modération faisaient qualifier de tièdes et de suspectes. Les représentants installés près du général opinaient pour un bombardement immédiat. Kellermann, au contraire, insistait pour la conciliation. Ce dernier système d'ailleurs ne réussit pas, et il dut se résigner, pour réduire la ville, à, intercepter toutes les subsistances.

Comme, pendant qu'il s'occupait à cette opération intérieure, le roi de Sardaigne avait repassé les Alpes et s'apprêtait à envahir de nouveau la Savoie, il demanda trois jours pour réchauffer le zèle de l'armée occupée à la défense des montagnes. Il partit, répara le mal, et il écrivit à la Convention qu'il avait « arrêté les progrès des satellites du despote ultramontain ».

En dépit de ces expressions exaltées, Kellermann, en butte à mille attaques, à des dénonciations, à des jalousies, fut remplacé devant Lyon par Doppet, destitué, arrêté et enfermé à l'Abbaye, le 18 octobre 1793. Son désir de ne pas mettre Lyon à feu et à sang l'avait fait accuser de « modérantisme », c'est-à-dire d'un crime que l'échafaud pouvait alors seul expier. Comme pourtant ses succès sur les Alpes plaidaient pour lui, Billaud-Varennes, son ennemi juré, leur donna, devant la Convention, une portée inattendue :
« Cet homme, dit-il, qui a trahi constamment la patrie, ne remporte maintenant des victoires qu'afin de détourner l'attention de la Convention. »

Le résultat fut, pour Kellermann, une captivité de treize mois, que seul le 9 thermidor empêcha de se terminer à la guillotine.

Le général, aussitôt délivré, fut remis à la tête de l'armée des Alpes, et il y demeura jusqu'en 1796, d'abord sous les ordres de Schérer, puis avec Bonaparte. Le Directoire eut même la pensée d'associer, dans le commandement de l'armée d'Italie, Kellermann et Bonaparte. Celui-ci s'en défendit avec la plus grande véhémence, et il finit par avoir gain de cause.

Après la suppression de l'armée des Alpes, Kellermann fut encore envoyé à Lyon, où se manifestait une fermentation royaliste, pour mettre la ville en état de siège concurremment avec le général Canuel. Peu après, il réorganisa la gendarmerie, et il fut nommé, le 23 septembre 1798, inspecteur général de cavalerie. Venu à Angers pour inspecter l'armée d'Angleterre, on lui donna des fêtes magnifiques, et il fut couronné comme vainqueur de Valmy. Il s'empressa d'ailleurs de faire hommage de la couronne aux autorités.

Ayant encore inspecté l'armée de Hollande, il devint membre du bureau militaire installé près du Directoire. Il occupait cette charge lorsque se produisirent les événements du 18 brumaire. Sa part dans le coup d'État avait été nulle ; mais, comme son influence sur les troupes était encore considérable, Bonaparte voulut se le concilier tout à fait et le nomma, le premier, membre du sénat conservateur, dont il fut élu président le 2 août 1801. Le 2 juillet 1802, il devint membre du conseil d'administration et grand-officier de la Légion d'honneur.

 

III - SA CARRIÈRE SOUS L'EMPIRE ET SA MORT

Bien qu'il eût peu figuré dans les grandes guerres des dernières années et rendu peu de services directs au nouvel empereur, Napoléon voulut honorer en Kellermann un long passé de courage et de dévouement aux armes. Aussi le comprit-il dans la première promotion des maréchaux de 1804, après quoi il en fit un sénateur de Colmar.

En 1805, au début de la campagne d'Autriche, Kellermann fut mis à la tête du 3e corps de réserve sur le Rhin et chargé de la ligne de défense entre Bâle et Landau. Il y organisa les gardes nationales. L'empereur, qui l'avait honoré du titre de duc de Valmy et lui avait donné le riche domaine de Johannisberg, sur la rive droite du Rhin, lui confia encore, vu son grand âge, des postes plus administratifs que militaires en Espagne, en Hollande et en Allemagne; ces fonctions consistaient à peu près uniquement à surveiller l'intérieur des pays conquis, à diriger les troupes sur leur destination et à rallier les traînards après les grandes campagnes.

Le duc de Valmy déplorait vivement qu'après les guerres meurtrières, mais inévitables, de là Révolution, Napoléon, grisé par ses victoires, eût cru devoir les continuer sans besoin réel et répandre, au seul profit de son ambition et d'une gloire éphémère, tant de sang français.

Aussi n'hésita-t-il pas, lorsqu'il fut mis en demeure de se prononcer sur la déchéance de Napoléon, à la contresigner sans regrets.

Louis XVIII lui fit bon accueil, le nomma commissaire royal dans la 3e division militaire à Metz, pair de France et grand-croix de Saint-Louis. Passé inaperçu durant les Cent-Jours, il reprit ses titres à la seconde Restauration et vécut presque constamment dans la retraite à sa maison de Soisy-Montmorency.

Il mourut de maladie à Paris, le 13 septembre 1820, âgé de quatre-vingt-six ans, en demandant que son cœur fût déposé dans un monument à Valmy, avec l’inscription suivante :

« Ici sont morts glorieusement les braves qui ont sauvé la France le 20 septembre 1792. Un soldat qui avait l'honneur de les commander dans cette mémorable journée, le maréchal Kellermann , duc de Valmy, dictant, vingt- huit ans après, ses dernières volontés, peu de temps avant sa mort, a voulu que son cœur fût placé au milieu d'eux. » Voir ici.

 

Kellermann a également sa statue à Paris, rue de Rivoli, sur la façade Nord du Louvre, par Blanchot.

Il est mort à Paris le 13 septembre 1820, un jour avant le maréchal Lefebvre.

La tombe de la famille Kellermann au Père-Lachaise (30ème division, avenue des Acacias).  Son fils, le grand général de cavalerie, y repose également.

IV. — JUGEMENT DE NAPOLÉON

D'une lettre écrite à Carnot par Bonaparte, lorsque le Directoire voulait l'associer à Kellermann dans le commandement de l'armée d'Italie :
« Que je fasse la guerre ici ou ailleurs, cela m'est indifférent. Servir la patrie, mériter de la postérité une page dans notre histoire, voilà toute mon ambition... Réunir Kellermann et moi en Italie, c'est vouloir tout perdre. Ce général a sans doute plus d'expérience et fera mieux la guerre que moi ; mais tous deux ensemble nous la ferons mal, et je ne puis pas servir volontiers avec un homme qui se croit le premier général de l'Europe. »

 

ÉTATS DE SERVICE DE KELLERMANN (FRANÇOIS-CHRISTOPHE)
DUC DE VALMY, NÉ LE 28 MAI 1735, A STRASBOURG (BAS-RHIN)

GRADES, CORPS ET DESTINATIONS

Cadet dans Lowendahl , 1752 ; enseigne au régiment Royal-Bavière , en 1753 ; lieutenant dans les volontaires d'Alsace, 6 mai 1756 ; capitaine en second, 9 avril 1758 ; capitaine réformé dans les volontaires du Dauphiné, 13 avril 1761 ; capitaine dans la légion de Conflans, 12 avril 1763; capitaine de hussards, 24 mars 1769 ; rang de lieutenant-colonel, 24 mars 1772 ; capitaine commandant, 26 juin 1776 ; major au régiment de Conflans-hussards, 14 novembre 1779 ; lieutenant-colonel du régiment Colonel - Général -hussards, 2 avril 1780; brigadier des armées, 1er janvier 1734 ; mestre de camp en deuxième, 15 février 1784 ; maréchal de camp, 9 mars 1788 ; lieutenant général, 19 mars 1792 ; général en chef de l'armée du Centre, devenue de Moselle , 20 août 1792 ; commandant en chef de l'armée des Alpes , 10 novembre 1792 ; général en chef de l'armée des Alpes et d'Italie, 20 mai 1793 ; destitué, 14 septembre 1793 ; réintégré, 15 janvier 1794; général en chef de l'armée des Alpes et d'Italie, 3 mars 1795 ; général en chef de l'armée des Alpes, 31 août 1795; commandant la 7e division militaire, 28 août 1797 ; admis au traitement de réforme, 21 octobre 1797; employé à l'organisation de la cavalerie de la 17e division, 5 février 1798 ; président du comité militaire pour la classification des places de guerre, 17 avril 1798 ; inspecteur-général de la cavalerie de l'armée d'Angleterre, 15 septembre 1798 inspecteur général de la cavalerie de l'intérieur, 16 avril 1799; inspecteur des troupes françaises dans la république Batave, 15 juin 1799;

Maréchal de l'Empire, 19 mai 1804; commandant le 3e corps de réserve, 19 septembre 1805; commandant l'armée de réserve, 20 septembre 1806; inspecteur-général de cavalerie dans les 5e, 25e et 26e divisions militaires, 6 octobre 1807 ; chargé seulement de l'inspection de la 26e division, 1Z novembre 1807; commandant l'armée de réserve sur le Rhin, 1er avril 1808 ; commandant l'armée de réserve en Espagne, 25 novembre 1808 ; commandant l'armée de réserve du Rhin, 17 avril 1809 ; commandant le corps d'observation de l'Elbe, 8 mai 1809; commandant supérieur des 5e, 25e et 26e divisions militaires, 27 juin 1809; commandant en chef l'armée de réserve du Nord, 26 septembre 1809; chargé de l'organisation des cohortes du premier ban de la garde nationale de la 1ère division militaire, 24 mars 1812 ; commandant supérieur des 25e et 26e divisions militaires, 17 avril 1819 ; chargé du commandement provisoire du corps d'observation du Rhin, 20 janvier 1813; commandant supérieur des 2e, 3e et 4e divisions militaires, 17 novembre 1813; commissaire extraordinaire du roi dans la 3e  division militaire, 22 avril 1814; gouverneur de la 5e division militaire, 21 juin 1814 ; admis à une pension de 20000 francs, 23 septembre 1815; admis au traitement entier de maréchal de France (décision royale du 16 octobre 1816), 14 juillet 1816. Décédé à Paris, le 13 septembre 1820.

CAMPAGNES
En Allemagne, en Pologne, armées du Centre, de la Moselle, des Alpes et de l'Italie, d'Angleterre et de Batavie; armée de réserve, sur le Rhin, en Allemagne.

DÉCORATIONS
ORDRE DE LA LÉGION D'HONNEUR

Grand- croix, 2 février 1805.

ORDRES ÉTRANGERS
- Wurtemberg : Aigle d'or, chevalier, 28 février 1806.
- Bade : Fidélité, grand-croix, 10 juin 1806.
- Hesse-Darmstadt : grand-croix, 9 février 1815.

ADDITIONS AUX SERVICES ET DÉCORATIONS
Sénateur, 1799 ; duc de Valmy, 1808 ; pair de France, 1814 ; grand-croix de Saint-Louis, 1815.


Texte : d'après de Beauregard, Gérard, Les Maréchaux de Napoléon, Mame, Tours, s.d. (1900).

 


Collection Hachette : Maréchaux d'Empire, Généraux et figures historiques (Collection de l'auteur)

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