Restauration 2007
Financement Souvenir français
Pierre JACOTIN
est né à Champigny, aujourd'hui Champigny-lès-Langres (Haute-Marne) le 11 avril
1765, fils d'Etienne Jacotin, cultivateur et de Jeanne Testevuide, son épouse
Son oncle, Dominique Testevuide, qui était l'un des responsables de
l'établissement du plan terrier (cadastre) de la Corse, une œuvre
considérable exécutée en application d'un édit royal d'avril 1770, le
destine tout naturellement à une carrière de géomètre et, pour cela, oriente
ses études vers les mathématiques. Dessinateur ordinaire au terrier général
de la Corse 6 avril 1780.
En 1781, Pierre Jacotin arrive en Corse et travaille au cadastre, sous la
direction de son oncle, successivement comme élève-géomètre,
ingénieur-géographe (1) et chef vérificateur. En 1794, le cadastre corse
était à peu près terminé.
Le jeune Jacotin y avait largement contribué puisqu'il avait relevé 84.000
arpents de terre sur un total général un peu supérieur à deux millions.
C'est l'époque où les Anglais s'emparent de Bastia (3 prairial an II : 22
mai 1794).Les Français sont contraints de leur remettre les documents du plan terrier,
mais avec la faculté d'en prendre copie.
Pour l'accomplissement de celle-ci, l'amiral anglais Hood fait preuve d'une
mauvaise volonté évidente.
Jacotin, à force de ténacité, remplit sa tâche de copiste et lorsqu'il
quitte la Corse emporte, avec lui, un dossier complet (mars 1796).
En 1798, Dominique Testevuide, en qualité de chef de tous les géographes, et
Pierre Jacotin sont affectés au corps expéditionnaire d'Égypte, en vue de
lever la carte de ce pays. Employé à l'armée
d'Orient comme ingénieur géographe à partir du 6 avril 1798, avec rang et
traitement des savants et artistes de 2ème classe le 19 mai 1799. Ils débarquent à Alexandrie le 5 juillet 1798.
Immédiatement, Testevuide fait effectuer des relevés à Alexandrie, puis au
Caire, mais il est assassiné lors de la révolte du Caire (21 octobre 1798).
En février-juin 1799, Jacotin participe à l'expédition de Syrie, au cours de
laquelle il exécute personnellement de nombreux relevés ; il a le mérite
d'arpenter à pied la distance entre le Caire et Saint-Jean-d'Acre, "relevant
au pas et à la boussole les marches et les camps de l'armée, préparant la
carte du pays envahi".
À son retour au Caire, le général en chef Bonaparte le nomme, le 28 (ou le
22) juin
1799, chef des ingénieurs-géographes réunis à l'état-major de l'armée
d'Orient. Il est nommé ensuite ingénieur en chef, directeur des ingénieurs
géographes de ladite armée, assimilé à chef de brigade (colonel) le 23
septembre 1799.
Pour ses missions, il est assisté par un autre ingénieur-géographe,
Coraboeuf (1771-1859) et par les polytechniciens Jomard (2) et Lecesne.
À juste titre, Jacotin est considéré comme le principal artisan de la carte
topographique et géographique de l'Égypte. Il est victime d'une fracture de
la jambe au cours de son séjour en Égypte le 28 octobre 1799 (selon d'autres
sources, cela arrive en juillet 1800).
Pendant quatre mois, il doit marcher avec des béquilles, mais il
n'en continue pas moins de travailler aux opérations de la carte.
Membre, dès l'origine, de la commission des sciences et des arts, il est
admis au sein de l'Institut d'Égypte (20 janvier 1800) et du Conseil privé
de l'Égypte (14 septembre 1800).
Le 7 juillet 1801, il épouse au Caire Marie Naydorff, fille d'un négociant
en grains qui avait perdu sa fortune du fait des événements.
Après son retour en France (le 13 décembre 1801), Jacotin est affecté au Dépôt de
la guerre comme chef de la section topographique, avec rang de chef de
brigade (16 janvier 1802), et il occupera ce poste jusqu'à sa mort, pendant
plus de vingt-cinq ans; professeur à l'École spéciale militaire de
Fontainebleau (10 mars 1803) ; confirmé dans le grade de colonel
ingénieur-géographe (23 novembre 1808), chef de la section topographique,
sous les ordres du général-comte Sanson, général du génie (3)
Il occupe cette fonction jusqu'à sa mort à Paris, le 4 avril 1827.
Dans son service, Jacotin crée une école de gravure et de dessin.
Compte tenu de ses travaux antérieurs, il dirige la confection des cartes
topographique et géographique de l'Égypte et de la Syrie.
La première, à l'échelle du 1/100000e comportait 47 feuilles qui, réunies,
formaient un ensemble de 11 m de hauteur et 6,40 m de largeur.
La seconde, à l'échelle du 1/1000000e se réduisait à 3 feuilles,
représentant un rectangle de 1,20 m x 0,80 m.
Elles seront gravées en juin 1804.
Pour des motifs de secret militaire, Napoléon, en 1808, en interdit la
publication.
C'est seulement après la Restauration que l'on pourra utiliser les planches
gravées sous l'Empire.
En outre, Jacotin rédige un Mémoire sur la construction de la carte d'Égypte
qui sera inséré dans la monumentale Description de l'Égypte publiée de 1809
à 1822, en 20 volumes (voir ci-dessous).
Chevalier de la Légion d'honneur le 17 juin 1809.
D'autre part, les ingénieurs de son service effectuent un énorme travail
pour l'élaboration des cartes concernant l'Empire français ainsi que celles
des autres États européens, au fur et à mesure des campagnes.
Napoléon connaissait la valeur d'un bon document cartographique (dans toutes
ses campagnes, il avait d'ailleurs avec lui le géographe Bacler d'Albe, chef
de son service topographique particulier) (4), "bien qu'il n'appréciait ni
le nouveau système métrique appliqué à l'échelle (il continuait de raisonner
comme au temps de sa jeunesse), ni l'odeur des papiers huilés, futurs
calques, sur lesquels sont jetées les premières lignes des indispensables
levés de terrain".
Les ingénieurs du Dépôt de la Guerre, à Paris, sont constamment reliés aux
ingénieurs-géographes dispersés sur les théâtres des opérations, tous d'un
dévouement exemplaire ; ils rassemblent les renseignements les plus récents
et les jettent dans l'urgence sur des cartes dont les délais de confection
sont considérablement réduits.
Grâce à leur labeur de jour et de nuit, les délais qui, entre un levé et la
gravure finale des planches, pouvaient représenter 5 à 7 années, passeront à
1 ou 2 ans, parfois moins.
Ce n'est cependant jamais assez rapide pour l'Empereur... (cf. Mme Cécile
Souchon, La cartographie impériale : Revue de l'Institut Napoléon, n°
180-2000-1, p.83) (5).
Chevalier de St-Louis le 13 août 1814,
confirmé par ordonnance du 10 décembre 1814.
Officier de la LH le 25 avril 1821.
En 1821, Jacotin est l'un des fondateurs de la Société de Géographie.
Ensuite, il dresse une carte d'Espagne (en 20 feuilles), en moins d'un an,
qui sert lors de l'intervention militaire française, en 1823; puis une carte
de la Corse (en 8 feuillets) en 1824. Et, sous sa direction, la carte
d'État-major, au 1/80000e est commencée.
Pierre Jacotin meurt à Paris (6e), 44, rue du Four-Saint-Germain, le 4 avril
1827 (et non pas 1829, comme il est indiqué quelquefois), à 61 ans, à la
suite d'une gangrène de la jambe provoquée par une ancienne blessure, malgré
les soins des docteurs Larrey et A. Dubois, ses anciens collègues de
l'Institut d'Égypte.
Il est inhumé le lendemain au cimetière de l'Est, dit du Père Lachaise (39e
division). Sur sa tombe, Jomard, son collègue géographe, a rappelé ses
qualités : son urbanité, sa modestie, son zèle passionné pour ses travaux et
sa haute compétence (Moniteur, 8 avril 1827).(6)
Un obélisque, à proximité du monument Decrès, témoigne de l'importance de
son œuvre concernant l'Égypte (7).
D'après Marc Allégret, Revue du Souvenir Napoléonie N° 432, Déc-Janv
2001 et le Quintin.
Notes
(1) Sur l'histoire des ingénieurs-géographes de la monarchie française, voir
l'étude de B. Sevestre et la planche en couleurs : (Carnet de la Sabretache,
n° 96-E, 1er trim. 1989, p.15).
(2) Créée par décret de la Convention du 14 fructidor an III (1er septembre
1795), l'École polytechnique était installée dans les bâtiments du Collège
de Navarre, dans la rue de la Montagne Sainte-Geneviève. Ses premiers
professeurs furent : Lagrange, Prony, Monge, Berthollet, Fourcroy, Chaptal,
Vauquelin...
(3) Paris, 1756
- Passy, 1824 (G. Six, Dictionnaire des généraux de la Révolution et de
l'Empire, tome 2, p.422.)
(4) Sur Bacler d'Albe, voir notice J.-C. Quennevat (Revue du Souvenir
Napoléonien, n° 252, avril 1970) ; notice J. Jourquin (Dictionnaire
Napoléon, p.151).
(5) Lors de la campagne de France, l'Empereur ne disposera plus, comble
d'ironie, que de la vieille carte de Cassini, obsolète à bien des égards
(Mme C. Souchon).
(6) Ces inscriptions ne
sont hélas plus lisibles.
(7) Sources : François Charles-Roux, Bonaparte gouverneur d'Égypte, Plon,
1936 ; Henry Laurens, L'expédition d'Égypte, 1798-1801, Armand Colin, 1989 ;
Michaud, Biographie universelle, tome 20, notice "Jacotin", p.466 ; Roman
d'Amat, Dictionnaire de biographie française, notice "Jacotin", p.283;
notices "Jomard", p.759 et 762 ; Dictionnaire Napoléon : Jean-Edouard Goby,
notice" Jacotin, p.961 et notice "Jomard", p.973 ; rubrique "cartographie",
par Nicole Felkay, p.377 ; rubrique "géographie et cartographie", par Alfred
Fierro-Domenech, p.794 ; rubrique "poids et mesures", par Françoise Martin,
p.1340 ; Danielle et Bernard Quintin, Dictionnaire des colonels de Napoléon,
SPM 1996, notice "Jacotin", p.447 ; Pierre-Gérard Jacquot, La Haute-Marne
napoléonienne : RSN n°384, août 1992, notice "Jacotin", p.19.