Né à Vevey,
le 29 octobre 1756. Mort à Paris, le 28 mai 1842.
Je ne trouve nulle part, dans les dictionnaires, le nom de
Boinod... Et pourtant, il y a bien longtemps déjà, Émile Pagès a écrit sur
ce modèle d’intégrité de fort belles pages.
Il fallut les heures terribles de Sainte-Hélène pour que
Napoléon remit chaque homme à sa place ; parlant de Boinod : Si je
n’avais eu que des serviteurs de cette trempe, j’aurais porté aussi haut que
possible l’honneur du nom français. J’en aurais fait l’objet du respect du
monde entier.
Sa vie, mal connue, fait foi de sa haute conscience.
Le 13 août 1792, il figure pour la première fois sur le
registre des armées, en qualité de quartier-maître trésorier dans la Légion
des Allobroges.
Commissaire des guerres provisoire, détaché à l’armée du
siège de Toulon, il fit la connaissance de Bonaparte. Commissaire titulaire
à l’armée d’Italie, il en reçut, pour services éminents, une gratification
de 100 000 francs. La scrupuleuse honnêteté de Boinod se révolta et il
écrivit sur le champ ce billet à Napoléon : « Je ne te reconnais pas,
citoyen, le droit de disposer ainsi des deniers de la République. L’armée
souffre ; je viens d’employer cette somme à ses besoins. » Boinod est tout
entier dans cette réponse. Ce qu’il vient de faire une première fois, il le
refera pendant tout le cours de sa vie.
Chevalier de la Couronne de fer, officier de la Légion
d’honneur, il est présenté pour le titre de baron de l’Empire ; Napoléon le
raya en disant : - Vous ne le connaissez pas, mais moi, je le connais. Il
refuserait. Et, en effet, il eût refusé.
Au jour de la crise, l’Argentier de l’Empire n’a pas un sou
dans sa poche ; il rentre au pays de Vaud où il installe sa femme et ses
enfants. Il se souvient alors de Toulon, et de sa jeunesse. Seul, il a
protesté contre l’Empire ; pourtant, en face du malheur, il abandonne tout,
compromet son avenir et s’embarque à Piombino pour rejoindre l’Aigle exilé à
l’île d’Elbe.
Au retour, il est nommé Inspecteur en chef aux revues de la
Garde impériale
. Les Bourbons le rayent de leurs contrôles, et pour survivre, il accepte
pendant 12 ans, sans murmurer, le modeste emploi d’agent de la Manutention
des vivres de Paris...
La Révolution de Juillet rappela à l’activité un tel
serviteur de la patrie. Il reprit son rang comme intendant militaire et fut
promu commandeur de la Légion d’honneur.
Cet homme, digne de l’antiquité, mourut à Paris,
à l'âge de
85ans et presque 7
mois,
le 28 mai 1842,
en son domicile du
Cherche-Midi
23,
Paris,
10ème
arrondissement.. ; on grava sur son tombeau :
Il eut l’insigne honneur de figurer
sur le testament de Napoléon
« Pour ne pas laisser niveler la terre qui couvre la dépouille mortelle de
cet homme vénérable, type de droiture et de probité, ses amis se proposent
de lui ériger un monument funèbre, mais simple et modeste comme sa vie,
dernier acte sensible de leur estime et de leur juste admiration ; de cet
homme qui, pendant environ quatre vingts ans, fut l’exemple rare et
précieux d’une vertu sévère et courageuse ; d’une amitié ferme et sincère,
et d’un dévouement sans réserve au service du prince et de la patrie. »
(1842)
Sa tombe fut financée par une souscription dans le corps de
l’Intendance.