Petite critique cinématographique : le « Napoléon » de Ridley Scott

Bon. À mon tour de donner mon avis sur le « Napoléon » de Ridley Scott. Je n’essaye pas d’imiter ce que Thierry Lentz a fait avec beaucoup plus de talent, je donne simplement mon opinion.

Le film n’est pas mauvais, il est très mauvais. Et ennuyeux ! Aucun souffle épique, aucune passion, aucun intérêt. Morne et terne, malgré les moyens mis. Et si ce n’était que les erreurs historiques ! C’est bien pire que cela. Il y a tout d’abord le casting, où il y a des choix incroyables. D’abord, évidemment, un Joaquin Phoenix, qui n’est pas du tout crédible pour jouer, à près de 50 ans, le jeune et dynamique général Bonaparte de 24 ans à Toulon. Il n’est absolument pas ressemblant, il est même plus vieux, au début du film, que Napoléon en arrivant à Sainte-Hélène !  Il est également bien trop gros pour jouer le jeune Bonaparte qui, comme on le sait, était maigre. Tout au long du film, il semble perdu dans ses pensées, amorphe, asthmatique (?, quand on entend comme il respire bruyamment au moindre effort), pleurnichard.... Mais pas étonnant qu’il soit gros, il passe une grande partie du film à table ! (ou au lit)

Choisir pour Joséphine, qui avait six ans de plus que Napoléon, une actrice qui a 14 ans de moins que Phoenix, est également une grossière erreur. Elle n’est absolument pas ressemblante (coiffure !) et donc très peu crédible.  Et que dire alors de Wellington ! Absolument rien à voir avec l’élégance et le flegme de Christopher Plummer, si crédible et ressemblant dans Waterloo.  Et trop vieux de près de 20 ans (63 ans au lieu de 46) par rapport au Duc !  Je ne parlerai même pas du général/maréchal (?) Dumas, à l’arrière-plan dans chaque scène (mode woke oblige), et d’un Ney... moustachu !

Impossible de répertorier toutes les erreurs historiques (plus d’une à la minute, le film en compte 157), mais je me suis quand même amusé à dresser une liste, non exhaustive !

- Napoléon assiste à l’exécution de Marie-Antoinette (vous noterez le problème avec sa coiffure...) à Paris, alors qu’en septembre 1793, il participait au siège de Toulon !  Dans le film, il est envoyé à Toulon après l’exécution de Marie-Antoinette.

-  Napoléon qui va, en civil - mais quand même avec son bicorne caractéristique, des fois qu’on ne le reconnaîtrait pas - repérer les défenses anglaises dans Toulon assiégé !

- De capitaine, il est nommé... général, ce qui est tout à fait impossible ! Entre les deux, il avait été nommé chef de bataillon le 18 octobre, puis adjudant-général, le 1er décembre 1793.

- Robespierre est blessé à la mâchoire... en tentant de se suicider. Ce n'est pas la version la plus vraisemblable...

- À peine un mot sur la campagne d’Italie de 1796-97, pourtant si importante dans sa relation avec Joséphine, si c’est quand même cela qu’on veut mettre au centre du film.

- Le bombardement des pyramides.... Passons.

- La scène avec la momie... risible.

- Absolument rien sur l’œuvre civile de Napoléon, pas un mot.  Malgré la présence du pape, beaucoup trop actif au Sacre, le Concordat n’est même pas évoqué.

- Absolument rien sur la campagne de 1800 ! Marengo, connais pas.

- Il est question de tractations diplomatiques avec l’Angleterre, mais impossible de comprendre s’il y a eu une paix d’Amiens ou non.

- Une reconstitution tout à fait risible du sacre, dans une cathédrale qui ne ressemble absolument pas à Notre-Dame.

- On parle de divorce... avant Austerlitz !

- La bataille d’Austerlitz se résume en une gigantesque noyade, avec des centaines, des milliers de morts de l’armée austro-russe dans les étangs de Satschan, alors qu’en réalité, on n’y trouva, le lendemain de la bataille, que trois morts !

- Je ne parle pas des canons enterrés et cachés par des bâches ! C’est ça, le génie militaire de Napoléon ?

- La Russie est présentée comme une alliée immédiatement après Austerlitz.

- Absolument rien sur la campagne de 1806 !

- Absolument rien sur la campagne de 1807 ! Pourtant, l'alliance avec la Russie ne peut s'expliquer sans Tilsit.

- Absolument rien sur la campagne de 1809 ! Pourtant, l'alliance avec l'Autriche ne peut s'expliquer sans Wagram.

- Absolument rien sur la campagne d'Espagne !

- On passe donc allègrement d’Austerlitz... à la situation d’après Wagram !!! Iéna, Auerstaedt, Eylau, Friedland, Tilsit, Wagram, connais pas. Comment comprendre le rapprochement avec la Russie en 1807 et avec l’Autriche en 1809 ?

- Marie Walewska n’existe pas, pas plus que Davout, Berthier ou Murat ! On voit une fois Fouché et deux fois Talleyrand.

- Des membres de la famille de l’Empereur, seul Lucien et Mme Mère semblent avoir existé.

- La scène du divorce est ridicule. Il y a de nombreux témoignages, et Napoléon n'a jamais giflé Joséphine.

- Pour la campagne de Russie, Napoléon commande une armée composée des armées de « France, Italie, Autriche, Pologne et Allemagne (sic !) ».

- A Borodino, Napoléon (devenu subitement gaucher) charge en uniforme... de Premier Consul !

- Absolument rien sur la campagne de 1813 !

- Absolument rien sur la campagne de 1814 !

- La première abdication est montrée comme la conséquence directe et immédiate de la campagne de Russie !

- Louis XVIII est présent au congrès de Vienne. Première nouvelle ! Le voyage l’aurait tué...

- Louis XVIII est averti le jour même du débarquement de Napoléon à Golfe-Juan. "Napoléon a débarqué ce matin." Si on estime le départ vers 10h et que Louis XVIII est averti avant minuit, l'estafette a donc parcouru le trajet à une moyenne de 65 km/h !!!! A cheval ! Rappelons à ceux qui l'ignorent que la ligne Toulon-Lyon du télégraphe Chappe date d'après 1815, comme vous pouvez le voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9graphe_Chappe#/media/Fichier:Reseau_chappe77.png.

- La cerise sur le gâteau : Napoléon revient de l’île d’Elbe... pour retrouver Joséphine. Malheureusement, débarqué à Golfe-Juan 1er mars, il met plus de trois mois pour arriver à Paris (il se prend pour Ulysse ?), ce qui fait que Joséphine, entre-temps, est décédée le 29 mai... 1815 !

- Napoléon charge à cheval dans presque chaque bataille !

- C’est Napoléon qui choisit le lieu de la bataille de Waterloo !

- Anglais et Français creusent des tranchées protégées de pieux à Waterloo (j’aimerais bien aller sur le terrain pour retrouver leur remplacement !), mais « heureusement » les Anglais, bien protégés, au moment de la charge de la cavalerie française, sortent des tranchées pour mieux s’exposer !

- Les estafettes font tous les trajets avec deux chevaux, sautant de l’un sur l’autre. Je n’ai jamais rien lu de tel.

- Les batailles sont des mêlées comparables à ce qu’on voit... dans le Seigneur des Anneaux ! Aucun ordre, aucune discipline, aucun mouvement coordonné ! Tout se fait au grand galop, ou, pour l’infanterie, au pas de course (!!!), la cavalerie chargeant allègrement... à travers l’infanterie ! Cela semble une course où chacun essaye d’arriver en premier sur l’ennemi...

- Présence de fusils à lunette à Waterloo ! Et pourquoi Napoléon n'a-t-il pas utilisé ses chars Leclerc ?

- A Waterloo, les Prussiens arrivent... de l’ouest !

- Un détail par rapport aux autres énormités : il meurt, assis sur sa chaise, et en tombe...

- Les uniformes... (le chapeau de Napoléon a parfois plus du sombrero aux bords repliés), il porte, à Laffrey, une cocarde au-dessus de sa Légion d’honneur !

- Tout au long du film, tous les drapeaux, à partir de 1793, sont le drapeau français actuel... Sauf à Waterloo, où on voit subitement apparaître... le modèle 1804 !

- Sur les champs de bataille, tous les belligérants ont plus de drapeaux que des supporters de football.

- Les chiffres des morts présentés à la fin du film sont tout à fait fantaisistes, au mieux, ils ont confondu pertes et morts. Leipzig, la plus grande bataille de l’histoire jusqu’à la Première Guerre mondiale, n’est même pas mentionnée.

- Les costumes civils et les coiffures sont aussi erronés que beaucoup d’uniformes. Même l’organisation des tables est tout à fait erronée (merci Franky Simon).

- Les décors aussi, sont affreux, ils ne sont absolument pas ceux de l’Empire, la Malmaison est un sombre manoir, typiquement anglais !

Ce ne sont que quelques-unes des erreurs du film. Dire qu’avec 200 millions de dollars, on aurait pu faire quelque chose de bien, quand même...

Je n'ai pas relevé les erreurs que je considère comme acceptables dans le cadre d'une licence artistique, comme la rencontre imaginaire entre Napoléon et Wellington sur le Northumberland.

Si vous souhaitez connaître l’histoire de Napoléon, regardez plutôt la série avec Christian Clavier ; comparée au film de Ridley Scott, c’est quasiment un documentaire.

 

 

 

 

 

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