CAMPAGNE DE 1815
28 juin 1815
Combat de Villers-Cotterêts ou de la plaine de Saint-Rémy
Deux récits de la mort du Lieutenant Marie nous ont été donnés.
L’un dans l’Histoire du Valois de 1888, par Dujardin, l’autre dans un ancien bulletin de la Société historique de Villers-Cotterêts. Les voici :
a) Extrait de l'Histoire du Valois par Dujardin (1888)
Au cours de la campagne de 1815, alors que les troupes françaises faisaient retraite, la Division Vandamme était arrivée à Soissons le 27 Juin au soir. Le 28, elle en repartait. A une heure du matin, pour continuer son mouvement de retraite par La Ferte-Milon.
Le général venait de s’engager dans la forêt, lorsqu’il entendit une canonnade du côté de Villers-Cotterêts. Il força sa marche et au moment où le détachement d’avant-garde débouchait dans la plaine de Saint-Rémy, l’officier qui le commandait fut tué d’une balle au front. Il était 6 heures du matin - à 7 heures Pirch et ses Prussiens battaient en retraite - une dame de Villers-Cotterêts, Madame Legrand, nous a raconté ,que son père, se trouvant dans la rue quand le corps Vandamme traversait la ville, aperçut un Français portant autour du cou un mouchoir ensanglanté. Le croyant blessé, il lui offrit ses soins. Non, répondit le soldat, je n’ai rien, c’est la cervelle de mon lieutenant. Ils ont tué mon lieutenant, mais je l’ai bien vengé B. En parcourant le champ de bataille, des habitants trouvèrent le cadavre de cet officier. I1s lui creusèrent une fosse à l’endroit même oh il gisait. Plus tard, les anciens soldats de la contrée élevèrent un petit monument à ce jeune lieutenant, victime des grandes guerres de la République et de l’Empire. Pendant soixante ans, ils firent de pieux pèlerinages à cette tombe. Ceux des vieux compagnons de gloire de Napoléon, qui vinrent terminer leur existence au dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts, allaient cueillir des fleurs dans la forêt, ils en tressaient des couronnes qu’ils suspendaient à la croix de fer de leur officier, disaient-ils. Aucun des morts glorieux de cette longue épopée n’a été l’objet d’un culte aussi fervent. Tous ces vieux soldats sont morts aussi et la tombe de l’officier est abandonnée. La croix a été brisée par un ouragan et le monument disparaît sous les feuilles et les ronces. Il est situé sous un grand hêtre, à droite et à 3 mètres de la route de Fleury, à environ 20 mètres de la plaine de Saint-Rémy et de route de Soissons. Pendant longtemps, aucun nom ne fut inscrit sur cette tombe. On ignorait comment s’appelait le vaillant officier qui, après la défaite, reposait à l’ombre de la forêt, comme un touchant souvenir de nos malheurs. Plus tard, en 1830, un capitaine du 31e de Ligne, de passage à Villers-Cotterêts, fit connaître que l’officier tué se nommait Marie. Il avait été son compagnon d‘armes, son ami. Tous deux servaient au même régiment lors du combat de la plaine de Saint-Rémy. En 1885 nous eûmes la curiosité de faire des recherches au ministère de la Guerre. En voici le résultat : Marie Etienne-Maximin, né le 29 mai 1790 à Goux (Tarn- et-Garonne), arrondissement de Moissac, canton de Montaigu, était fils d'Etienne et d’Elisabeth Gary. Entré au service le 30 mai 1810 à sa sortie du lycée de Cahors, fourrier le 28 août 1810, sergent-major le 20 décembre 1812, sous-lieutenant le 30 janvier 1814. Blessé par une ba1le la cuisse gauche le 30 mars 1814 devant Paris. Resté sur le champ de bataille de Villers-Cotterêts le 28 juin 1815.
Il avait fait les campagnes de 1810 à 1812 en Espagne et au Portugal, celle de 1813 à 1814 à la Grande Armée et de 1815 (France). Marie appartenait au 50e de ligne lorsqu'il a été tué. Ce régiment était devenu le 46e en 1814 et de nouveau 50e en 1815
b) Extrait d'un ancien bulletin de la Société historique de Villers-Cotterêts
Le 28 Juin 1815, la Division du général Vandamme, ou plus exactement la 1e Division du 4e corps (général Gérard) qui, après le désastre de Waterloo où elle n'assista pas, avait été placée sous les ordres de Grouchy. La 1e Division du 4e corps, dis-je, qui se dirigeait sur Paris, fut arrêtée vers six heures du matin à l'entrée de la plaine de Villers-Cotterêts par un corps de Prussiens fort d'environ 6.000 hommes (infanterie, cavalerie, artillerie) qui occupait la ville depuis quelques heures seulement. Le 50e de ligne, commandé par le capitaine Lavigne et éclairé par 2 escadrons de chevau-légers (ou chasseurs à cheval), prit le premier contact avec l'ennemi, bivouaquant dans la plaine de Saint-Rémy, dans les grandes allées, et sur la pelouse du parc. Un combat opiniâtre s'engagea qui dura près de 2 h 30 et qui se termina à l'avantage des Français. A 8 heures, les troupes prussiennes évacuaient la ville et se retiraient précipitamment par la route de Coeuvres, l'allée royale et la route du Faîte où la canonnade les poursuivit encore jusqu'à 9 heures. La Division française occupa à son tour Villers-Cotterêts où elle ne fit d'ailleurs qu'une très courte halte. Dans l'après-midi de ce même jour, de nombreux habitants de Villers-Cotterêts se rendirent en curieux sur le champ de bataille. Des tués et des blessés gisaient un peu partout sur le sol, sous bois et sur la route, dans la plaine et dans les fossés. Des témoins oculaires nous ont affirme en avoir compté plus d'une trentaine, tant Français que Prussiens. On transporta les blessés au dépôt de mendicité de la Seine où, malgré les soins du médecin Lecosse (celui-là même qui mit au monde Alexandre Dumas), deux d'entre eux moururent encore, tandis qu'on enterrait les tués à la plaine même où ils étaient tombés. Parmi ces derniers se trouvait, frappe d'une balle dans la tête, un officier qui fut enterré à part ; mais comme il n'était porteur d'aucun papier ou document pouvant faire connaître son identité, on se contenta de placer sur sa tombe une croix de bois, peinte en noir, sur laquelle on inscrivit tout bonnement une date: " 28 Juin 1815 ".
On n’aurait, très probablement jamais su 1e nom de cette victime du devoir militaire si 1e 28 septembre 1830, 1e 31e de ligne étant de passage à Villers-Cotterêts, un capitaine adjudant-major de ce régiment, Monsieur Marie, ne s’était présenté à la mairie pour s’informer de ce qu’était devenu un officier qu’il avait pu succomber d‘un coup de feu, à l’entrée des champs de Villers-Cotterêts, à l’angle d’une route venant de Soissons et d’une autre petite route se prolongeant dans la forêt, le 28 Juin 1815 au matin. On lui répondit qu’il était resté mort sur place, qu’on ignorait son nom et son pays, et qu’il avait été .inhumé sur le lieu même où il avait été frappé. Alors ce capitaine déclara que 1e militaire en question s’appelait Marie, comme lui, qu’il était sous-lieutenant au 50e de ligne, né à Montauban ou dans les environs de cette ville, élevé comme lui, aux pupilles de la Garde, et qu’il l’avait beaucoup connu, parce qu’alors, il était lui-même lieutenant au même régiment. La mairie pris note de ces renseignements qui constituaient un acte d’état civil, et ce fut tout. Jamais on ne chercha à savoir si cet officier avait quelque part une famil1e ayant intérêt à connaître son décès. Jusqu’en 1853, quatre sapins végétèrent autour de cette tombe, puis ils moururent. La modeste croix de bois, tombée elle-même, fut remplacée par une autre de même nature et, par les soins de quelques Cotteréziens, on adjoignit à cette croix un éclat de roche sur lequel on ne vit longtemps que la date du 28 juin 1815 écrite au charbon. A quelque temps de là, les mêmes Cotteréziens firent graver ou plutôt frapper la plaque de zinc qui existe encore aujourd’hui et qu’on fixa beaucoup plus tard sur une croix de fonte offerte, croyons-nous, par la Ville et la Société de gymnastique "L'Espérance". La croix de fonte dont il est question ici, fut par la suite frappée par la foudre et ‘sectionnée ; elle fut réparée lors de la restauration du monument executée en 1966 par les soins du Souvenir Français. Certaines personnes anonymes, l’été, viennent encore de temps en temps déposer des fleurs au pied de cette tombe.
Mémoires de l'Aisne, tome 15, page130 et suivantes, 1969. https://www.histoireaisne.fr/memoires_numerises/chapitres/tome_15/Tome_015_page_130.pdf
À la sortie de Villers-Cotterêts, (D 80), prendre la direction Fleury, puis à 50-100 m, sur la droite, monument constitué d’un obélisque à la mémoire d’Étienne-Maximin Marie.
Il est né le 21 mai 1790 à Gouts, Montaigu-de-Quercy (Tarn-et-Garonne). Pupille de la Garde, eEntré au 50e de ligne (1810), sergent-major (1812), sous-lieutenant (fév. 1814). Il sert en Espagne et Portugal (1810-1812), Saxe et France, blessé d’une balle à la cuisse lors de la bataille de Paris. Au matin du 28 juin 1815, il est frappé d’une balle dans la tête et inhumé sur place. Son identité est alors inconnue. Il faudra attendre septembre 1830 et le passage d’un capitaine du 30e de Ligne, appelé Marie comme lui – lieutenant au 50e de Ligne en 1815, pour que cet officier fasse connaître son identité à la mairie. La croix est alors encore anonyme et porte simplement la date du décès. Plus tard, on fit graver une plaque de zinc qui existe encore et on la plaça sur la croix de fonte offerte par la ville et la Société de gymnastique « L'Espérance ». En 1966, l’emplacement étant connu le Souvenir français procéda à la rénovation du monument en 1966. Celui-ci est constitué de trois éléments :
- La tombe, parallèle à la route, surmontée d’une croix en fonte portant une plaquette en zinc. La formulation est alambiquée, le nom est erroné, de même que le lieu de naissance.
CI GIT
MARY SOUS-LIEUTENANT AU 50EM DE LIGNE
TUÉ D’UN COUP DE FEU LE 28 JUIN 1815
ENTRE LA DIVISION VANDAMME
ET UN CORPS PRUSSIEN
EST NÉ À MONTAUBAN.
- Sur la tombe, parallèle à la route, une grand plaque du Souvenir Français :
HONNEUR PATRIE
SOUVENIR FRANCAIS
MARIE ÉTIENNE MAXIMIN
NÉ LE 21 MAI 1790
À GOUX-MONTAIGU, TARN ET GARONNE
SOUS-LIEUTENANT AU 50EME RÉGIMENT D’INFANTERIE DE LIGNE
MORT POUR LA FRANCE
LE 28 JUIN 1815 AU COURS D’UN COMBAT ENTRE LA DIVISION VANDAMME ET LES PRUSSIENS.
À NOUS LE SOUVENIR À EUX L’IMMORTALITÉ
SOUSCRIPTION NATIONALE
SOUVENIR FRANÇAIS »
- Au pied de la tombe, sur la droite, obélisque de pierre avec, sur la base, une plaque :
SOUVENIR FRANÇAIS
MARIE ÉTIENNE MAXIMIN
NÉ LE 21 MAI 1790
À GOUX-MONTAIGU, TARN ET GARONNE
SOUS-LIEUTENANT
AU 50E RÉGIMENT
D’INFANTERIE DE LIGNE
MORT POUR LA FRANCE LE 28 JUIN 1815
TUÉ D’UN COUP DE FEU
ENTRE LA DIVISION VANDAMME
ET LES PRUSSIENS.
La PC est ornée d’abeilles aux quatre coins d’abeilles. (49°15'29.20"N 3° 6'34.84"E)
Modeste bouquet déposé au nom de l'ACMN le 16 mai 2025
Intervention de l'A.C.M.N. auprès de la Mairie pour la sauvegarde en 2015
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Bibliographie :
- Mark Adkin, The Waterloo Companion, Aurum Press, 2001.
- Alain Arcq, Les Quatre-Bras, le second prélude à Waterloo, dans la collection "Les batailles oubliées", Historic'One Editions, 2005.
- Alain Arcq, Ligny, 16 juin 1815, La dernière victoire de l'Empereur, dans la collection "Les batailles oubliées", Historic'One Editions, 2006.
- Alain Arcq, Wavre & le combat de Namur L'épilogue de la campagne de Belgique, dans la collection "Les batailles oubliées", Historic'One Editions, 2008.
- Alain CHAPPET - Roger MARTIN - Alain PIGEARD, Le Guide Napoléon - 4000 lieux pour revivre l'épopée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, 2005.
- Yann Deniau et Yves Moerman, 1815 - Napoléon en Campagne, Jourdan éditeur, 2008.
- Peter Hofschröer, Waterloo 1815 - Quatre-Bras & Ligny, Pen & Sword, 2006.
- Peter Hofschröer, Waterloo 1815 - Wavre, Plancenoit & the race to Paris, Pen & Sword, 2006.
- André Sevrin et Alain Arcq, Route Napoléon 1815 (ouvrage collectif coordonné par), Edition Unité de projet "Route Napoléon 1815", s.d..
- G. Speeckaert et I. Baecker, Les 135 vestiges et monuments commémoratifs des combats de 1815 en Belgique, Waterloo, relais de l'histoire, 1990. (INDISPENSABLE pour trouver les monuments !) Attention, il ne mentionne évidemment que les monuments antérieurs à 1990.