Campagne de 1806-07 contre la Russie

 

Le 23 décembre 1806 : COMBATS DE CZÀRNOWO ET DE BIEZUN

 

Après avoir défait la Prusse, l'armée française sous les ordres de Napoléon s'avança en Pologne et passa la Vistule, sans avoir eu d'engagement sérieux avec les Russes, qui venaient soutenir l'armée prussienne, dont il ne restait que des débris. Nous avons vu, au combat d'Ockonin (10 décembre), que le maréchal Davout fut le premier à se mesurer avec ces nouveaux ennemis au passage du Bog. La troisième division de ce maréchal s'était établie sur ce point,  et y avait élevé une tête de pont et un camp retranché capable de contenir un corps considérable.

 

L'armée russe était concentrée aux environs de Pultusk ; un corps de quinze mille hommes, qui n'avait pu empêcher le passage du maréchal Davout, avait pris position dans un triangle formé par le confluent du Bog et de la Wrka, sur une colline escarpée qui domine toute la plaine comprise entre la rive droite de la première et la rive gauche de la seconde de ces rivières.  L'ennemi avait élevé plusieurs ouvrages sur cette position, défendue par vingt pièces de canon; ses flancs étaient parfaitement appuyés aux deux rivières; ses avant-postes bordaient la rive droite du Bog, depuis Czàrnowo jusqu'à la rive gauche de la Wrka, en face du village de Pomiechowo, sur la rive droite, qu'occupaient nos troupes. Cette position paraissait inexpugnable, et cependant il fallait l'enlever pour forcer ensuite l'armée russe à une affaire générale.  

 

L'empereur Napoléon, instruit que l'armée ennemie s'apprêtait à agir offensivement, voulut la prévenir, et partit de Varsovie pour les avant-postes.

 

Le 23 décembre, après avoir reconnu la position des Russes[1], il ordonna que la première division du corps du maréchal Davout, aux ordres du général Morand[2], passerait la Wrka à l'entrée de la nuit, et se porterait sur Czàrnowo pour attaquer la gauche du camp des ennemis, tandis que le général de brigade Petit, de la division Gudin, passant sur le même point la même rivière, remonterait la rive gauche et viendrait s'emparer des retranchements construits sur la droite, vis-à-vis Pomiechowo. Cette attaque devait être soutenue par le feu de nombreuses batteries, et par les divisions de cavalerie Latour-Maubourg[3] et Marulaz, qui devaient déboucher après l'infanterie. Le général d'artillerie Hanique fut chargé de jeter un pont avec les bateaux préparés sur la Wrka, près du confluent de cette rivière dans le Bog. Pour attirer l'attention de l'ennemi sur le point opposé où devait s'exécuter le passage, Napoléon donna l'ordre qu'on allumât un feu de paille mouillée près de Pomiechowo, sur une étendue de quatre cents toises, le long du rivage, afin de faire craindre aux Russes un passage de ce coté.

 


Une île, déjà occupée par nos troupes, divisait la Wrka en deux bras près de son confluent ; elle avait été choisie pour le passage. A six heures du soir, la division Morand passa le premier bras sur le pont jeté par les soins du général Hanique, et s'avança vers le second bras. Lorsque les trois colonnes d'attaque furent formées, leurs tirailleurs parurent sur le rivage, et firent un feu très vif sur les sentinelles et postes qui se trouvaient sur l'autre rive. Quelques compagnies arrivent sur le bord opposé, dans un bac et cinq ou six barques, qu'amènent les marins de la Garde impériale. En un instant un pont est établi par les officiers du génie, et l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie, destinées à l'expédition, passent sur le rivage ennemi.

 

Le général Morand avec sa division marche sur Czàrnowo, dont il doit s'emparer, et le général Petit, avec quatre cents hommes du 12e de ligne, se porte sur les retranchements du camp ennemi; l'attaque et la résistance furent des plus violentes. L'obscurité de la nuit sur un terrain inconnu rendant incertains les mouvements de nos troupes, leurs premiers progrès furent peu sensibles ; cependant- elles parvinrent à s'emparer du village, et successivement de toutes les positions de l'ennemi. Les Russes revinrent pour les reprendre jusqu'à quatre fois; mais ce fut toujours en vain, la division Morand conserva sa conquête. Enfin, à deux heures du matin, fatigués de tant d'efforts infructueux, les Russes se mirent en retraite, et furent poursuivis par notre cavalerie sur la route de Nasielsk.

 

L'attaque du général Petit avait eu un résultat aussi heureux que celle du général Morand : après un vif combat, il s'était emparé de tous les retranchements en face de Pomiechowo.

 

Dans ce vigoureux combat de nuit, les Russes perdirent six pièces de canon, une centaine de prisonniers et sept à huit cents tués ou blessés. Notre perte fut au moins égale ; mais l'avantage d'avoir emporté ces rudes positions derrière lesquelles l'armée russe se tenait comme dans une forteresse, était immense, et désormais l'armée française pouvait se développer et manœuvra librement.

 

Le même jour du combat de Czàrnowo, à l'extrémité gauche de notre ligne d'opération, le maréchal Ney culbutait les restes de l'armée prussienne, et les jetait dans les bois de Lauterbourg. Le maréchal Bessières avait aussi une brillante affaire de cavalerie près de Biezun. Le général Grouchy, commandant une division de cavalerie de son corps d'armée, par une charge aussi heureuse que brillante, enfonça un corps ennemi de six mille hommes, fit cinq cents prisonniers, prit cinq pièces de canon et deux étendards. Les généraux de brigade Rouget et Roussel, le chef d'escadron Rénié, du 6e de dragons, et le capitaine Bourrau, aide-de-camp du maréchal Bessières, furent cités pour s'être distingués dans cette action. Les deux étendards furent pris par le dragon Plet, du 6e, et par le fourrier Jeuffroy, du 3e de Dragons.

J'ai rendu la carte lisible pour les non-russophones (comme moi).


[1] Napoléon, ne pouvant apercevoir assez distinctement la position des Russes, monta sur le toit d'une maison à l'aide d'une échelle; pendant qu'il l'examinait, on lui tira-quelques coups de fusil. Il en descendit, et aussitôt après ordonna l'attaque.

[2] Condamné à mort en 1816 et acquitté en 1819.

[3] En 1820 ministre de la guerre.

D'après Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu'en 1815, ou Anniversaires de la valeur française. Décembre. par une société de militaires et de gens de lettres, 1820 Pillet aîné (Paris) 1818-1820.

Nous avons modernisé l'orthographe et les noms des lieux, ainsi que quelques autres éléments trop datés de 1820. Nous avons également fait quelques ajouts.

Toutes ces photos et les commentaires nous ont été aimablement communiqués par Mme Maria Joanna Turos. Un très grand merci à elle.

 

Pomiechowo vue de l'église, positions occupées par les Russes.

 

 

 

 

 

 

 

Le petit cimetière de Pomiechowo, où furent enterrés des soldats français.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ile de sable - le long de la route suivie par les unités du général Morand.

Vue à partir des positions russes sur la colline appelée "Montagne des Prêtres".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gorge - lieu probable de l'attaque du général Petit. A l'arrière, la rivière Wkra.

 

 

Escarpement et rivage de la Wkra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette croix se trouve à l'emplacement d'une ancienne forge. Au cours de la bataille de Czarnowo, une ambulance avait été installée ici. La légende associée à cette croix parle d' "... un lac de sang ...".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le point de vue de la position occupée par l'artillerie française.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chapelle où a plus que probablement été enterré le lieutenant Amondru, du 6e régiment d'Artillerie à Cheval.
Le Martinien mentionne la date du 24 décembre comme date de son décès et ne mentionne pas Czarnowo, comme pour les autres, mais Wkra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Une vue du champ de bataille avec la pente - la direction de l'attaque du général Friant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Roselière par où a attaqué le général Morand.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Autre vue de la roselière. Ici, le marais ne gèle jamais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Czarnowo est un champ de bataille peu connu, mais il a bien conservé son caractère depuis deux siècles. Il y a encore beaucoup de roseaux, comme à l'époque, ce qui empêche la rivière de geler entièrement. La Wkra est profonde et assez sinueuse et ses rives sont escarpées, comme on peut le voir ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Route le long de la berge de la  Wkra. Ici eurent lieu des combats entre les Russes et l'infanterie française du néral Petit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue de la rivière Narew. Il y avait un pont entre cette île et la rive près d'Okunin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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